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3 échecs et 3 réussites de MACRON face au CORONAVIRUS

Décrypter Par Eric Le Braz 26 mai 2020

3 échecs et 3 réussites de MACRON face au CORONAVIRUS
BFM TV
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Face à la pandémie, le pouvoir a cumulé les atermoiements, les mensonges et une communication illisible en alternance avec quelques bonnes idées. Mais la partie n’est pas finie…

Quand je jette un œil fugace sur l’écosystème qui m’entoure, je suis, comme souvent, effaré par la polarité ambiante. Ça m’apprendra à ne pas vouloir vivre dans une bulle de filtre. D’un côté les plus rouges, verts, jaunes et bleus plus ou moins foncés parmi mes connaissances, veulent faire rendre gorge à Macron et ses sbires, demandent des comptes, applaudissent les procès et promettent qu’ #OnNoublieraPas

De l’autre côté, les fans, un peu moins nombreux il est vrai, de notre martial président trouvent qu’il ne s’en sort pas si mal, que de toute façon c’est pareil ailleurs, que personne ne ferait mieux ou plutôt que tout le monde ferait pire. Ils finissent par désespérer de ce peuple de grognons grincheux, d’aigris atrabitaires et de râleurs relous. 

Tu veux que je te dise ? Ils ont tous raison. Macron et le gouvernement de Philippe ont accumulé les conneries et, en même temps, la team
pas vraiment dream, a réussi un ou deux trucs. Pour un score de trois partout en fait. 

Si l’on essaye de sortir de ses biais cognitifs, voici un premier bilan vaguement équilibré et pas du tout exhaustif de la manière dont fut gérée, contrée ou ratée cette crise sans précédent dans l’histoire récente.

1 Premier échec : trop de retard à l’allumage

« Je ne laisserai personne dire qu’il y a eu du retard dans la prise de décision du confinement ». Du Edouard Philippe pur jus le 28 mars 2020.

Une phrase étrange qui ne signifie pas qu’on a confiné à temps, mais simplement, qu’il ne faut pas dire qu’on a pris du retard. Car le premier ministre a bien pris soin de détailler cette justification : « Au moment où nous avons pris cette décision de confinement, il y avait moins de 8000 cas sur le territoire national et moins de 200 morts. »

Et alors ? Déjà à l’époque, nous savions que la courbe aurait une croissance vertigineuse. Il suffisait de calquer les stats italiennes avec une semaine de décalage. Et l’Italie était entrée en confinement le 10 mars. On l’a donc imitée une semaine plus tard pile poil, le 17 mars. Mais pourquoi pas plus tôt puisqu’on savait qu’on subirait le même sort ? 

Because, les municipales. Et c’est sans doute pour ça que Philippe nous balance qu’il ne laissera « personne dire qu’il y a eu du retard ». C’est bien parce que ceux qui pourraient lui reprocher d’avoir tardé à confiner, réclamaient justement (majorité et opposition) que la vie démocratique ne soit pas perturbée par la « grippette ». 

Un confinement plus précoce aurait sauvé des milliers de vie. Mais le pouvoir n’a pas eu le courage de prendre la décision qu’il fallait dans les temps. C’est le premier ratage et il est de taille. Sauf que tous les responsables politiques auraient probablement pris la même décision…

2 Deuxième échec : trop de bullshit autour des masques

Emmanuel Macron, Edouard Philippe, Sybeth Ndiaye, Agnès Buzyn (quoique…) ou Olivier Varan ne sont pas coupables du scandaleux manque de masques (et de blouses et de tests) en France. Mais ils sont responsable de l’enfumage qui a maquillé cette pénurie. On a menti en affirmant qu’il y avait assez de masques, en prétendant qu’ils ne servaient à rien ou qu’ils étaient même nuisibles. Et en affirmant en prime et sans rire qu’il n’y avait pas eu de ruptures de masques

Il eût été plus efficace d’avouer que nous en manquions et de tout faire pour en produire. On ne peut pas faire la guerre sans mettre le paquet sur l’intendance. 

« Quand je regarde autour de nous, personne n’était prêt, personne, personne », affirme pourtant Emmanuel Macron  dans le documentaire de BFM TV "Au cœur de l’Élysée, face à la crise". Il reconnait qu’en Asie, on avait fait des stocks de masques « Parce qu’ils avaient imprimé dans leur mémoire récente des pandémies très graves et des syndromes respiratoires aigus ». Et donc se justifie Macron : « nous étions moins prêts que d’autres continents. »,. Et de préciser qu’en Europe, « il y en a qui ont de la chance et d’autres moins ». 

De la chance, vraiment ?... Ou de la jugeote ? Certains pays, comme la Tchéquie, la Slovaquie, l’Autriche et la Slovénie ont justement raisonné différemment en imposant le masque  dans les espaces publics (dès le 19 mars à Prague !) : « Ce n’est certes pas dans notre culture, mais c’est comme ça que les pays asiatiques sont parvenus à n’avoir que quelques cas par jour », a expliqué Sebastian Kurz, le chancelier autrichien pour justifier sa décision iconoclaste. Ben oui, c’est du benchmarking basique et efficace : copier bêtement ce qui marche ailleurs. Et quand on fait les comptes, on voit qu’il y avait (le 24 mai) 423 morts par million d’habitant en France (qui copiait l’Italie)… contre 72 en Autriche et 30 en République tchèque (qui copiaient Taiwan).

3 Troisième échec : trop d’autoritarisme, pas assez d’autorité

Le masque est vraiment le révélateur des plus grands errements de ce gouvernement. Quand il est apparu évident au monde entier qu’il fallait en trouver ou en produire, certains pays ont agi avec célérité. Le Maroc a ainsi reconverti en un claquement de doigt royal son industrie textile en industrie masquière.  En France, l’Etat n’a pas pris la décision qui s’imposait en état de guerre : réquisitionner l’industrie pour produire ce qui manquait. 

Pire, le gouvernement n’a pas réussi à se faire respecter par son administration. Les ARS (agences régionales de santé) ont multiplié les procédures bureaucratiques qui ont pénalisé les importateurs de masques et la DGA (direction générale de l’armement) étonnamment en charge de ce dossier a compliqué les procédures d’homologations de ceux qui tentaient d’en fabriquer au point de décourager les meilleures volontés

Mais à défaut d’avoir eu de l’autorité sur son administration, le gouvernement n’aura pas réfréné sa propension à l’autoritarisme. Non, mais t’as vu comme on s’est fait engueulés ! Par Macron ou Philippe lors de leurs discours qui tançaient les Français pas assez sérieux. Par une répression pas très subtile avec les prunes à 135 euros distribuées avec zèle auprès des moins friqués.

Si Philippe s’en sort mieux que le boss de cette séquence, c’est qu’au final, son coté proviseur rigide - mais pas trop coincé - passe mieux que le show un peu foutraque du DG ravi en bras de chemise pendant un team bonding.  Cette com polymorphe où Macron endosse successivement les costumes trop larges de De Gaulle ou trop étriqués de Sarkozy l’a singulièrement desservi. Ce Chef d’Etat en phase de hollandisation disent certains, aurait pu être exemplaire à l’image du Portugais Marcelo Rebelo de Sousa, le Président qui fait ses courses en short sans être traité de démago. Mais notre président qui ne porte pas le masque en public, sauf dans les écoles où il a passé son temps à le tripoter, ne fait jamais ses courses. C’est le problème quand on vit longtemps au-dessus de la mêlée, on finit trop haut perché.

4 Première réussite : un bilan un peu moins pire

La lâcheté originelle du gouvernement, les mensonges masqués des ministres et cette com’ présidentielle WTF méritent-elle cependant autant d’infamies ?

Yougov publie régulièrement depuis la mi-mars un baromètre fascinant sur les opinions de 26 pays  pendant la pandémie. Parmi les questions posées, on demande aux populations s’ils considèrent que leur gouvernement gère bien la crise ? Et devine qui pointe régulièrement à la dernière place de ce top 26 ? Trump, Bolsonaro ou Johnson… ? Que nenni, c’est nous ! Seuls 34 % des Français approuvent l’action de Philippe et Macron, loin des 46 % pour Johnson et des 45 % pour Trump. Mais Matignon et l’Elysée sont aussi largués par Pedro Sánchez (43 % d’opinions positives en Espagne) et Giuseppe Conte (69 % d’opinions favorables en Italie).

Pourtant, les Britanniques, comme les Espagnols et les Italiens sont bien plus touchés que les Français. Le classement le plus objectif si l’on doit comparer les efficacités des Etats face à la pandémie, c’est plutôt celui du nombre de morts par million d’habitants et la France n’est pas sur le podium de la honte des grandes nations européenne :

615 pour l’Espagne

554 pour le Royaume Uni

542 pour l’Italie

423 pour la France.

A pays comparables, nous faisions, le 24 mai, un peu moins pire que les autres, pour reprendre à l’envers la formule houellebecquienne du monde d’après.

Certes, c’est toujours l’Allemagne qui gagne à la fin (99,9 morts par millions d’habitants) et il est possible que le classement final de ces mortels Jeux Olympiques soit encore chamboulé. Il ne sera d’ailleurs jamais complètement fiable quand tout le monde ne compte pas de la même façon et quand certains pays débourrent les urnes. Mais, ce bilan tragique n’est pas déshonorant pour le gouvernement.

Il ne mérite pas la guillotine. Et il rendra de toute façon des comptes aux prochaines élections. Où il pourra toujours se prévaloir d’une réussite vraiment probante celle-là…

5 Deuxième réussite : un filet social remarquable

Quand on voit le remake des Raisins de colère avec des files d’attentes interminables devant les soupes populaires aux Etats-Unis, on se dit comme Arno, putain, putain c’est vachement bien, nous sommes quand même tous des Européens. Les 40 millions de nouveaux chômeurs en Europe ont un filet de sécurité sans commune mesure avec les 36 millions de nouveaux pauvres américains.

Car, ici, on a inventé le chômage partiel. Et ce sont les Français les champions d’Europe du continent champion du monde. On dépense plus que les autres pour plus de monde et plus longtemps. Le Mondea résumé le tableau comparatif : La France offre de loin le plus généreux des systèmes de chômage partiel. Il couvre 84 % du salaire net (80 % en Allemagne et au Royaume-Uni) mais surtout le plafond est beaucoup plus élevé, à hauteur de quatre fois et demi le salaire minimum. « On a fait sauter toutes les limites en France et il ne reste presque rien à la charge des entreprises », estime Mme Ordonnez, économiste à Oxford Economics. 

Depuis, le dispositif est devenu progressivement moins favorable. Mais l’essentiel est là : on a sauvé des boîtes sans enfoncer leurs salariés.

6 Troisième réussite : un bon point pour la logistique

S’il y a un domaine où la France n’a pas trop mal réussi pendant cette période pandémique, c’est bien au niveau de la logistique. A part quelques rouleaux de Lotus confort et quelques paquets de Barilla 3 minuti au début du confinement, on n’a guère subi de pénurie dans les rayons.

Côté aérien, le rapatriement des Français bloqués à l’étranger a été une réussite, au moins pour les touristes. Au total, le 21 mai 2020, 186 500 personnes avaient pu rentrer en France. Il reste bien sûr quelques couacs et des centaines de ressortissants semblent toujours être en rade. Mais vu l’ampleur du pont aérien à mettre en œuvre dans un contexte où les avions ne volaient plus, la cellule de crise du Quai d’Orsay a fait le job. Un bon point pour Le Drian toujours bien placé pour succéder à Philippe.

Enfin, il y a un domaine où le gouvernement a innové, c’est celui des TGV médicalisés qui ont permis à des centaines de malades en réanimation dans les régions rouges d’aller se faire soigner dans les régions vertes. Une spécificité française où le jacobinisme a pour une fois été utile…

7 Et après ?

Le match n’est pas plié. Nous sommes à la mi-temps. A moins que la règle de ce jeu funeste ne s’aligne sur les quarts temps… Ce n’est qu’à la fin que nous pourrons faire les comptes et regarder le classement final sur le podium mortel. Déjà, la Suède et son pari sur l’immunité collective talonne la France et aura bientôt plus de morts par habitants que nous. Quand toutes les décès suspects seront intégrés dans le total comme en Belgique, la hiérarchie du pire sera aussi bouleversée. Et après ?

Même si la France de Macron présente un bilan sanitaire convenable, il ne sera pas jamais acceptable pour ses contempteurs.  La tâche du mensonge d’Etat sur les masques restera indélébile, et judiciairement aussi risquée que celle du sang contaminé ou de la canicule de 2003. Quant aux thuriféraires de la Macronie, ils auront toujours beau jeu de blâmer les Gaulois indisciplinés qui se sont fait trop de mamours sans distanciation, en cas de nouvelles vagues mortelles.

Le nombre de morts ne sera probablement pas le marqueur des électeurs. Un autre inventaire sera à la mode en 2022, date de la prochaine présidentielle. C’est le nombre de chômeurs. Et la vague qui s’annonce mettra sans doute des années à se retirer…

Enfin, un dernier élément ne manquera pas d’être convoqué : la France de 2022 sera-t-elle conforme aux promesses du monde d’après ? On ressortira l’envolée d’Emmanuel Macron le 12 mars 2020 quand il chauffait encore la salle avant le début du confinement. : « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. » Après ce passage digne d’un Pierre Rabih rewrité par Cyril Dion, il a poursuivi dans une veine radicalement social-démocrate : « Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie. » Ce souverainisme de gauche teinté de vert pourrait être le socle idéologique du Macron post-Covid.

Las ! Depuis ce teaser du 12 mars où il annonçait des « décisions de ruptures » pour les « prochaines semaines ou les prochains mois », on attend. Le seul geste tangible, mais c’était bien le plus urgent, c’est la convocation du Ségur de la Santé le 25 mai 2020. Sauf qu’Edouard Philippe a déjà prévenu qui allait ouvrir le portefeuille sans modifier les process : « Ce que je crois, c’est que la crise exige de nous, non pas de changer de cap, mais de changer de rythme ».

Quant aux clins d’œil vers les écolos du 12 mars, ils sont remplacés en mai par des appels du pied populistes épais vers Raoult, Zemmour, de Villiers, Bigard… Prochaine étape, un passage chez Hanouna ?

Alors que la pandémie se calme, la Covid-19 développe de nouveaux symptômes éloquents :  on commence par attraper une jolie teinte rose et verte puis on vire petit à petit au jaune-brun…

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