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7 enseignements à tirer du grand foutoir

Décrypter Par Eric Le Braz 05 avril 2017

7 enseignements à tirer du grand foutoir

Poutou  : « Nous quand on est convoqué par la police, on n’a pas d’immunité ouvrière »

Capture écran BFM TV
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Le grand débat à onze a tenu ses promesses. Ce fut confus et passionnant. Quelques petits ont brillé un temps, les grands se sont protégés. On aurait bien aimé en avoir un autre…

Ce soir Benoit Hamon avait une cravate de couleur lilas assortie à la chemise de Cheminade. Fini les camaïeux de bleus des précédents débats et ce renouveau chromatique était comme un symbole. Les « grands » candidats pouvaient se mélanger à des "petits" arrivés sans complexe. Avec, entre les deux, un Nicolas Dupont-Aignan qui se voulait grand.

Le sel de ce débat, c’était bien cette opposition entre troisièmes couteaux et notables de la politique. Certes, nous avons eu  droit aux invectives convenues entre les grands candidats, comme une prolongation du premier match à cinq. Mais on s'est surtout régalé des échanges entre les cinq favoris et les six outsiders. Il y a eu de véritables interactions entre les pros permanents patentés de la politique et des sortes de « vraisgens » bruts et sincères. Face aux candidats populistes, les candidats issus du peuple tranchaient.

Le résultat de ce débat assez cacophonique est un poil amer. Les sourires entendus et les airs condescendants des stars quand s’exprimaient les seconds rôles ne grandissaient pas les grands candidats. Mais pour le public, ce match à onze, c'était un peu une Coupe de France où des clubs de CFA 2 marquent des buts contre l'OM et le PSG. 

Car ce sont bien les petits qui ont donné le ton et surtout ont asséné des vérités. Lassalle puis Poutou en première ligne n’ont pas démérité, l’un les pieds dans la terre et l’esprit dans la lune, l’autre refusant de garder la langue dans sa poche. C’est aussi ça la démocratie. Et ça fait du bien de la voir en direct. 

1 Lassalle super star WTF

On se doutait qu’il ferait oublier Jean-Luc Bennahmias. Il a réussi au delà de toutes les espérances. Jean Lassalle a crevé l’écran.  Il se présente comme « Berger. Fils et frère de berger. » Il salue  « Pascale, la Parisienne venue me donner quatre enfants ». Il est ailleurs car il est d’ici.

Sa posture est une prestance. Hiératique et immense, il domine le plateau comme le géant de Games of Thrones. Les réseaux sociaux se moquent de son gros pif et de ses déclarations dada. Et il y a de quoi. Il est parfois complètement WTF comme lorsqu’il raconte que l’Allemagne achète un euro notre énergie.

Mais il est le seul à avoir rencontré les Français comme il ne cesse de le rappeler. Et ça se sent, ça se sent que c’est lui.

Il veut créer une quatrième armée contre la cyber criminalité. Lui qui a visité « 30 banlieues entre 1h et et 5 h du matin ». Il a aussi parcouru 15 pays européens où "Des bonnes choses ont été construites. Après que les peuples se soient saignés jusqu’au dernier sang", dit il en élevant la voix. On a cru un moment qu’il allait chanter.

Il a rencontré El Assad et les opposants de Franco. Il est ailleurs, on vous dit. Quand on lui demande s’il sera un président exemplaire, il a cette phrase d'anthologie  : « Je n’aurai pas de difficultés a l’être, il y a 40 ans qu’il n’y en a pas eu ».

A part ça, il a du mal à répondre aux questions des journalistes. Et vers la fin du débat, il mélange tout. Mais qui regardait encore BFM TV/ CNews à 23 h 37 ? 

2 L’instant Poutou

« C’est pas parce que je n’ai pas de cravates qu’il faut me couper ! ». Poutou, c’est l’élève dissipé, insolent mais sympa. Le seul qui a fait applaudir le public quand il lance face à la candidate du  FN,  soi-disant « anti système » : « Nous quand on est convoqués par la police, on n’a pas d’immunité ouvrière ». C’est le vrai temps fort du débat. Celui qu’on rediffusera dans 20 ans.

Quand il ne récite pas son bréviaire trotskiste, il trouve les mots qui touchent juste, on croirait du Besancenot : « Je suis le seul  sur ce plateau avec Nathalie Artaud, à avoir un métier normal ». Il parle comme tout le monde pour dire des choses que les autres ne disent pas. Quand on évoque la police : « Ils font chier les jeunes ». Bon.

Et surtout, c’est le seul, avec les journalistes certes, à avoir frontalement attaqué François Fillon : "Je souhaite exprimer cette colère d'en bas (…) contre les politiciens corrompus, il y en a qui se reconnaîtront ici, dans la salle, qui sont autour des pupitres". Adieu pudeurs de gazelles, il attaque en citant la cible : « Même un Fillon qui se dit préoccupé par la dette, il y pense moins quand il se sert directement dans les caisses ». Il fallait oser. « Oh oh oh oh oh oh oh », a réagi l'intéressé, avant de murmurer « Je vais vous foutre un procès vous ». On verra.

A coté, Nathalie Artaud, c’est Laguiller sans la nouveauté. Elle parle comme Arlette, avec un débit moins saccadé. Mais elle reste dans les clous. 

3 Asselineau et Cheminade, Dupont et Dupond de la présidentielle

Ce doit être vachement dur de choisir entre l’un et l’autre. On a bien compris que l’un voulait du Frexit et  estimait que Saint Louis avait créé la Sécurité sociale, tandis que l’autre, heu… était très en colère. Et sinon ? Non, rien. 

4 Marine Le Pen plus tendue, plus agressive

Lors de ses premiers mots, elle a du mal à reprendre sa respiration. Puis, elle déroule, tendue, pendant les quatre heures du direct des saillies et des répliques cinglantes, méchantes.  Elle était probablement plus agressive que lors du premier débat mais elle était la cible ce soir. Alors, elle aligne des punchlines très FN du genre : «La France est l'université des djihadistes».  Mais elle sait aussi assurer sans trop cliver. Au point de paraître normale encore. Face à Asselineau, « le candidat du Frexit », elle affirme vouloir négocier avec l’Europe. Elle s’est enfin trouvé un candidat plus extrémiste qu’elle. Et s’est même amusée à défendre Macron et NDA pour les empêcher d’être interrompus par les journalistes. C’est toujours payant, ça de taper les journalistes. 

5 Hamon : ne peut pas mieux faire, Mélenchon en roue libre

Même s’il a parfois du mal à quitter un certain langage techno et surtout à faire des phrases courtes, Hamon a paru plus à l’aise que lors du premier débat. Il a taclé dans les formes Fillon « tout à son arrogance » : « Moi j’aime la fonction publique ». Tandis que le candidat LR veut supprimer 500.000 fonctionnaires. Et il développe : « Là où vous désarmez la France, je veux la réarmer. Je préfère l’école à la prison… ». Etc. 

Sauf que ça s’est peu vu. La faute au format peut être mais la mission était de toute façon impossible. D’autant que Mélenchon a été presque impérial. Hamon s’est pourtant bien attelé à le titiller sur leur principal point de désaccord, l’Europe : « Que se passe t –il si nous sortons de l’Europe. Plan A , plan B, mais c’est quoi le plan c ? ». Dans le brouhaha de ce grand foutoir, on n'a pas bien entendu la réponse. En revanche, on bien capté les autres sorties de JLM...

Son charisme patelin a encore fait mouche.Certains récitaient leurs éléments de langage. D’autres, les plus petits, parlaient souvent avec leur cœur ou leurs tripes. Il  arrivait à faire la synthèse. Et à lâcher des traits du type : "60% des Français n'ont pas de religion. Fichez nous la paix avec votre religion" avant de conclure lyrique : «Il faut retrouver les jours heureux et le goût du bonheur». C'est beau comme un film des années 30. 

6 Les anaphores de François Fillon

« Est ce qu’on peut parler ? On a l’impression de subir un interrogatoire ! ». Et Fillon d’avouer à 23 h 44 ne plus savoir où on en est. Nous non plus. Mais avant, il a été bien moins éteint que lors du premier débat. Il a même réussi à  être saillant et à humilier Nicolas Dupont-Aignan en lui rappelant qu’il avait été directeur de cabinet de François Bayrou. Avec une acmé quand il a fallu répondre aux questions insistantes de Ruth Elkrief sur sa probité. Il s’en est sorti avec des anaphores à la Hollande pour attaquer le sus nommé  : "Un président exemplaire est un président qui dit la vérité aux Français sur la réalité de la France et la réalité du monde. Un président exemplaire, c'est un président qui met en oeuvre les engagements qu'il a pris devant le peuple, quelles que soient les difficultés.Un président exemplaire, c'est un président qui respecte son Premier ministre, qui respecte le gouvernement et qui respecte l'équilibre des pouvoirs prévus par la Constitution. Un président exemplaire, c'est un président qui ne se sert pas des moyens de l'Etat pour affaiblir ses adversaires. Et un président exemplaire, c'est un président qui ne confie pas à des journalistes des secrets défense ».

Ouf ! 

C’était bien préparé. 

Est ce que ça va suffire ? 

7 Macron, l’art de l’esquive

C’était a priori la cible de tous les candidats, mais il est passé entre les gouttes. D’abord, parce qu’il a apprivoisé le format. Le favori des sondages s’en est bien tiré sans éclat mais sans dérapage non plus. Moins colère, moins fébrile que lors du premier débat. Il a commencé en affirmant qu’il voulait s’émanciper du « tic tac » de la droite et de la gauche. Il a fini en déclarant qu’il voulait « tourner les pages des 20 dernières années ». Et entre temps, il a esquivé toutes les attaques. Il s’est presque fait oublier. En restant dans son couloir pendant le grand foutoir, il a probablement gagné son ticket pour le second tour. A moins qu’on ne l’ait trouvé trop fade…

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