7 fragrances du Grand Musée du Parfum de Paris
C’est un musée nouveau nez. Dans une scénographie pédagogique et poétique, on visite, avec son odorat, le meilleur des odeurs… et à force de respirer, on finit, comme notre auteure, très inspirée...
Le 22 décembre, le Grand musée du parfum ouvre les portes de son hôtel particulier
au 73 rue du Faubourg Saint Honoré, qui devient la dernière adresse must pour la mode et sa déclinaison parfum. Fragrance, odeur, fumet, parfum, tels sont les qualificatifs du sel de la vie, l’odorat.
Dans ce Musée du parfum, le rayon laser danse sur les flacons, tel un robot compositeur qui choisirait sur l’orgue senteur après senteur. Ici on peut respirer les mille notes de tête d’une marque, pénétrer dans la réalité de l’olfactif et dans sa fiction qui confère à chaque être une aura.
Guillaume de Maussion, le président du Musée, entraîne son visiteur dans les étages de cet hôtel particulier. Suite à cette ébouriffante visite, nous choisissons de vous décliner les sept noms du parfum… sept nuances de...
1 | L’encens du pharaon |
Les effluves du kyphi, « deux fois bon », onguent d’Egypte à l’étonnante fragrance, comme un sillage des Mille et Une nuits, sature les sens.
Cléopâtre la grecque, la maîtresse de César et d’Antoine, sauve la double couronne d’Egypte. En ce soir de défaite, Cléopâtre incline son flacon de kyphi, en humecte ses belles épaules. Sur ces épaules reposent le poids de la Haute et de la Basse Egypte. Cléopâtre, qui parle neuf langues jusqu’à la langue cliquetante d’un dialecte éthiopien, a remonté le Nil, le fleuve bleu et blanc qui inonde les terres et ainsi les féconde. Cléopâtre a tenu tête à Rome. En ce soir, le dernier pharaon d’Egypte, ointe d’onguents secrets, d’un encens issu des mille espèces de Boswellia, cette gomme résine, nard ou myrrhe, le regard assuré, contemple Alexandrie.
Les yeux grands ouverts du dernier vrai pharaon d’Egypte fixent son Empire, elle va mourir ce soir. Elle s’arrête près du panier que lui ont porté avec une terreur respectueuse ses suivantes, avant d’en ouvrir le rabat de papyrus tressé, Cléopâtre jette sa tête en arrière, se baigne dans la lumière des astres, elle qui a ceint les deux couronnes de pharaon a choisi de mourir plutôt que d’être enchaînée et de participer au triomphe d’Octave à Rome.
Elle se dresse, observe les constellations et tient solidement le serpent, et le porte à son cœur. Les effluves de kyphi et d’encens s’échappent en volutes du jardin où la reine enserre le serpent sur son sein, comme elles vous enivrent au sous-sol du Musée.
2 | Le bois du Périgord |
Les senteurs, genera ligni odorata, « les bois de senteur » en latin, la senteur, c’est celle des petits matins en forêt, à la pointe du jour lorsque le dernier noir de la nuit le dispute avec le premier rayon du soleil, à la recherche d’un sentier dans l’aube. L’ami qui nous rejoint à la maison des bois, de retour après une nuit de fête, partage la montée de la chaleur du jour. La senteur liée aux pins, à la fraîcheur de la peau juste douchée avant le départ dans les bois, cette aube qui s’accélère avant que de ralentir, qui confère au jour sa qualité.
Les senteurs d’herbes, d’un sol humide de la nuit, des troncs saturent l’air, un petit vent adjoint la fraîcheur des feuilles, des mousses, celles du respir de la marche dans ces bois du Sarladais, si proches de Lascaux. La peur du loup étreint nos pas, il peut apparaître car la forêt peine à se défaire des volutes de brume des légendes de la rivière Dordogne, le sanglier déboule au bout du chemin, nous nous figeons derrière les troncs des chênes des forêts noires du Périgord noir, herbes froissées par le gel matinal, la bête nous ignore, dans un long souffle, nos poumons se défroissent, s’oxygènent des senteurs en bouquet dans la fleur que nous respirons dans la plus étrange des salles du Musée du parfum, « le jardin des senteurs », composée de multiples fleurs blanches, de tailles différentes chacune délivrant sa senteur.
3 | Les odeurs rebelles |
Les exhalaisons saturaient l’atmosphère, cette exhalaison du pourri, du rebut, du trop vécu de choses et d’objets en décomposition, les poubelles géantes à ciel ouvert de Naples, dans cette Europe trop riche et trop pauvre, exhibaient leur indécence, mais jamais elles n’auraient autant choqué si ce n’avait été de ces exhalaisons, comme si la terre elle-même les bavait, les vomissait, comme si cet engrais infesté de métal, de rouille, de pourri ne pourrait jamais se décomposer en poussière, qui redevient poussière.
Exhalaisons de villes et de campagnes, rejets de bouches trop ou trop mal nourries, déchets de la ville qui crachotait tout près, immense, sans fin, à l’extension toujours plus extrême. Les voitures s’y arrêtaient, déposaient leurs sacs, leurs excès et fuyaient dans un jet de gaz malodorant qui renforçait l’exhalaison. Nos enfants y jouent, inconscients des gaz putrides qui s’amassent, leurs balles sont des chiffons de chaussures usagés, de boîtes de conserve que les petits les plus pauvres entassent pour une vente ultérieure, la tôle renvoie un son lourd comme assourdi par les exhalaisons.
Cette putridité décrite comme l’exhalaison de poubelles que le Musée du parfum révèle comme pour accuser les contrastes.
4 | La rose en son hôtel |
L’arôme règne, maître de cet hôtel particulier devenu musée du Parfum. La demeure dans sa lignée de propriétaires compte des maîtres jardiniers au XVIIe siècle. L’hôtel n’est pas peu fier de sa généalogie, ici les maîtres jardiniers ont précédé les parfumeurs. Des jardiniers, souvent botanistes explorateurs, découvreurs de vanille –cette orchidée si exigeante que seule l’abeille Melipona sait en faire la pollinisation–, de traqueurs de roses.
Le jardinier a greffé la rose pour atteindre à la fragrance la plus complexe, issue de croisements et de chassés-croisés improbables, un jeu avec le soleil, la pluie, la terre qui la nourrit, l’unique fragrance qui naît de chaque rose, cette individualiste forcenée. Chaque arôme est unique, chaque jardinier un maître, dont l’alchimie est l’art, et chaque rose aspire à être la reine d’une eau de parfum, la reine d’un jour a pour nom au Musée du parfum la rose de « L’Ombre dans l’eau », de Serge Kalouguine.
5 | L’anosmie (la perte d’odorat) des choses |
L’absence, le monde froid technique, la pièce n’a que l’ordinateur, le chemin qui y mène est de ciment, le plafond de béton brut, tout me refuse, moi, boule humaine, chaude et transpirante, glacée et grelottante, je suis de trop, moi, humain, saturé de mes sens, respirant, aspirant, reniflant, je suis Homo Denisova, je suis Homo Neandertal, je suis Homo, Homo sapiens dans cette pièce à angles droits, de machines, dans ce jardin de froid métal, dans ces lissés sans défauts, au centre de ces angles droits de métaux légers et lourds. Je ne suis plus. L’absence, l’air ne sent rien. Je ne sens rien dans un monde dénué d’odeurs, car mon cerveau archaïque associe mes émotions à mon sens olfactif, dans cette absence de sens, la madeleine, l’odeur du pain chaud et le doux visage de ma grand-mère me manquent. Sans odeur, sans fragrance, s’installent le vide, l’absence… le musée du Parfum conte les liens étroits entre le siège de nos émotions dans notre cerveau primaire et notre mémoire.
6 | L’écran des sens |
L’aura a un parfum : fermer les yeux, imaginer votre amour, maintenant fermez les yeux plus étroitement, ne trichez pas, vous sentez, là, ses traits se dessinent. Si vous lisez une œuvre, fermez les yeux, l’héroïne est là, vos sens en éveil, pour vous, elle a un parfum, une odeur, une senteur, et vous serez déçu si son parfum n’était pas à l’image de vos rêves.
Le parfum est image, mais l’image a toujours un parfum pioché dans la mémoire. Un coureur cycliste, et vous sentez l’odeur du camphre, des soins en salle, un boxeur, et vous êtes saturé par l’odeur du combat, de sueur, de peur, d’agressivité, un parfum à nul autre pareil. Et l’amoureuse du Titanic, une eau de parfum vive, fraîche affleure dans les limbes de votre esprit. Un financier, et l’odeur mat du bureau, de l’ordinateur. La télévision ou l’écran de cinéma n’ont nul besoin de secréter des odeurs artificielles, la bibliothèque de notre tête y pourvoit.
Images d’êtres aimés, mais surtout obsédantes leurs saveurs, leur parfum unique, vous en découvriez l’alchimie au Musée du parfum.
7 | Les Mille et uns parfums |
L’odeur de nuits brûlantes que l’on sent dans le boudoir au Musée du Parfum, cette odeur intime de l’amour, du froissement d’étoffes. L’odeur des Mille et Une Nuits, ce conte où un sultan cruel, trahi par la femme qu’il aimait, décide que chaque vierge qui partage sa couche chaque nuit sera exécutée au matin.
C’est l’odeur de la mort qui flotte sur la couche du sultan, car désormais aucune femme ne survivra pour porter son enfant, mais le conte, né dans une odeur de mort, se poursuit dans le premier petit matin où la fille du vizir décide de mettre fin au cycle de la mort par la parole, et l’odeur des ébats se poursuit d’une jolie et courte histoire, que la sultane interrompt pour bénéficier d’un jour de grâce. Afin de connaître la fin de l’histoire, le sultan accorde à la belle de vivre un jour de plus, un conte pour la nuit suivante que l’on entame, et encore la nuit suivante, et mille et une nuits, la belle sultane vivra.
La parole, symbole de la vie, en conte l’odeur et le parfum, de longues aspirations à s’en pâmer de vétiver, d’iris, de cassis et d’écouter le récit de leur arrivée dans nos flacons, les matières premières emblématiques des mille senteurs à découvrir au Musée du parfum.
8 | 7 + des infos pratiques |
Le Grand musée du parfum : ouverture le 22 décembre
de 10h30 à 19h
73 rue du Faubourg Saint-Honoré – Paris 8e
M° St Philippe du Roule / Miromesnil
Parking : rond point des Champs-Elysées
Entrée : enfant 5 €, jeune et étudiant 9,50€, adulte 14,50€
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