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7 leçons de leadership : The Springsteen Way

Faire Par Hervé Resse 10 novembre 2016

7 leçons de leadership : The Springsteen Way

E. Street Band, époque flamboyante.

fanart tv
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Dans « Born to Run », belle autobiographie publiée en septembre, Bruuuuuuuce Springsteen définit et commente « aussi » sa vision des rapports humains, dans le cadre de ce qui est tout de même, outre une création artistique et un business : un TRA-VAIL… 

S’y dessinent alors quelques principes qui pourraient inspirer bien des managers.

Rassurez-vous, si vous ne l’avez pas encore lu : Born To Run est bien, d’abord et avant tout, un livre sur le rock. « Le » livre rock. Y défilent quarante et quelques années d’une des carrières les plus abouties de l’Histoire, retracées par celui qui parvient comme, peu d’autres « superstars », à demeurer aussi passionné qu’il est passionnant.

De toutes les icônes électriques, Bruce reste le plus solaire. Il en donne plus, c’est son rôle sur cette terre et il l’assume. Le genre de type capable d’accepter, nous dit la bio parue voilà quelque trois ans, l’invitation à dîner d’une pizza, dans une famille de fans anonymes du New-Jersey. Simplement parce que rappliquer à l’improviste avec le fiston, pour une putain de surprise à faire aux parents, lui avait paru une bonne idée, ce soir où il n’avait, tout bien pesé, rien de vraiment mieux à faire.

Allez donc demander à Beyonce, Jagger ou Dylan…

Au-delà de l’anecdote, l’homme généreux que nous montrait aussi le beau film « Springsteen and I » n’est pas là QUE pour offrir du plaisir. Il sait le boulot que ça  demande d’accéder aux sommets, et d’y rester trente années plus tard. 

Chacun connait son surnom, qu’il n’aime guère à ce que dit la légende. Ses musiciens le lui auraient trouvé parce qu’à leurs débuts c’est lui qui négociait les cachets. Il lui collera toujours à la peau, et quoi qu’il fasse ou devienne. Même Obama, au moment de le décorer, ne put s’empêcher de le rappeler, sourire en coin : « I’m The President… But he’s the BOSS ».

Au fil des pages de Born To Run, et tel qu’il se raconte, apparaissent 7 belles leçons de leadership. La tournée du Patron. The Springsteen Way.


1 Avant tout, croire en soi-même

7 leçons de leadership : The Springsteen Way

Et même avec une chemise de bucheron...

Impossible d’y arriver si on n’a pas cette étincelle en soi. Des tas de types ont le potentiel. Mais s'ils n’en sont pas convaincus eux-mêmes, qui donc ira les croire ? Dès le départ, Bruce a sans doute de bonnes cartes en main, même si le succès saura se faire attendre. Il a le charisme, l’énergie, l’inspiration, le brio (on oublie parfois qu’il est aussi bon guitariste que chanteur). Mais il est plus encore habité par l’idée de « devenir celui qu’il est », comme dit ce vieux Friedrich

Un souvenir lui revient. Il traverse la rue, alors qu’à un feu rouge un type écoute à la radio « Spirit in the night », extrait de son premier album :  "J’ai senti qu’enfin j’étais un petit wagon dans ce train glorieux (…) C’était tout ce que je voulais faire, laisser une trace; et je l’espérais, inspirer ceux qui reprendraient le flambeau bien après notre disparition".

Il y a, nous disent les manuels, plusieurs manières d’être un leader (7, sinon 8, et vous nous voyez venir, on se penchera bientôt sur ce sujet). Bruce apparait dès le départ taillé pour jouer dans la catégorie « chef de bande », leader of the pack... Mais s’il saura entraîner les autres dans son sillage, c’est d’abord parce qu’il a en lui cette intuition, doublée d’une confiance : je peux faire partie « du train mystérieux de la musique populaire ». (page 232)

2 Aimer partager la Lumière

7 leçons de leadership : The Springsteen Way

Two Brothers in Black & White

Il est des leaders tyranniques ou mégalos, qui veulent avoir toujours raison et ne supporteront jamais qu’une ombre leur fasse de l’ombre. Les pages que Springsteen dédie au Big Man, (Clarence Clemons, saxophoniste complice jusqu’à sa mort en 2011) sont parmi les plus émouvantes de Born To Run. « Si j’étais l’incarnation du rêve rock de Jon (Landau, son manager), Clarence était l’incarnation du mien ».  Un soir, après la publication de l’album Born To Run (où Clemons figurait déjà au recto de la pochette avec Bruce), ils sont sur scène, « s’avancent tout simplement vers la scène, on s’est planté au milieu et la foule s’est enflammée. Et le public avait raison ».

Chaque fois qu’on voit Springsteen en live, on reste époustouflé par sa capacité à mettre en valeur ses musiciens, et chacun d’eux, sans jamais briser la cohésion de l’ensemble. Et même au contraire (voir point 7). 

Il sait partager la lumière, n'est pas inquiet de la part de gloire qui profite à ses alliés et amis. D'ailleurs et depuis des années, il semble que ses musiciens ne le quittent plus que pour la tombe (R.I.P. Danny Federici, 2008, qui était là depuis leurs débuts).

3 Savoir dire Stop!

Vini Lopez is in The House!

Dans la toute première mouture du E. Street Band, le batteur s’appelle Vini Lopez.  Un très bon copain de Bruce. Et talentueux. Mais si le type peut être adorable, c’est aussi un champion de l’embrouille, et sans même le vouloir vraiment, il pollue la vie du groupe. Chacun finit par avoir une dent contre lui. Un jour, l’affaire se conclue d’une vilaine empoignade avec le géant Clarence, qui manque l’étrangler. Le batteur va se plaindre, et lâche la phrase qu’il vaut mieux ne jamais prononcer : « C’est lui ou moi ». On le devine, Bruce choisit de se séparer du batteur. Mais trente ans après, lui rend malgré tout hommage : « j’aimais Vini et je l’aime toujours… » « Son jeu a donné à mes deux premiers albums un son magnifique et une excentricité qui colle parfaitement avec l’esprit électrique des chansons ». « Il a fait partie du E. Street Band à la période la plus difficile du groupe ».

Ne pas mélanger l’amitié et le travail, savoir prendre la bonne décision au moment de vérité... Mais pouvoir aussi rendre hommage aux qualités de celui qu’on congédie, sans le rabaisser au ras du sol. Un bon manager sait mettre le point final, mais sait aussi respecter celui dont il se sépare. Quitte à l'accueillir sur scène en 2012, le temps d'un bref come-back... Fidélité. (voir le clip)

4 Convaincre, pour additionner les talents.

7 leçons de leadership : The Springsteen Way

Existe aussi en albums solo!

Aux plus belles heures du 1er E. Street Band (fin des seventies, début des eighties), « l’autre guitare » a longtemps été tenue par le complice des débuts : Steven Van Zandt, également connu  de nos services sous pseudos, Little Steven, Miami Steve... Un fondu de rock garage aux dégaines de pirate, riffs dévastateurs annonçant à leur manière les années grunge à venir. Une personnalité de tout premier plan, à l'énorme égo, sans aucun doute. Egalement vu, rappelons-le en passant, dans deux séries TV culte, The Soprano, et Lilyhammer.

En 1984, Steven a choisi de tenter l’aventure solitaire, et monté son groupe, The Disciples of Soul. Springsteen pour le remplacer débauche Nils Lofgren, du groupe Grin, et plus encore première gâchette au sein de Crazy Horse, groupe accompagnateur de Neil Young lorsque celui-ci a l'âme électrique. C'est à dire souvent.

Après quinze ans de sommeil, le projet de reformer le E. Street Band prend toute sa consistance, au seuil des années 2000. Se pose alors forcément la question cruciale: avec lequel des deux ?

« Nils avait fait bien plus que remplacer Steve pendant des années.  C’était devenu pour moi un second responsable, totalement dévoué à sa tache dans le groupe », explique Bruce. Sauf qu’il ressent tout autant l’envie de renouer avec son complice des premières années. Alors? tenter le pari : essayer d’associer les deux dans le projet. D’abord, appeler Nils. « Je lui ai répété combien j’appréciais son travail génial et son investissement formidable (…) Alors… s’il était d’accord… ».

Nils entend et comprend la démarche. Il accepte de partager le rôle, « si c’est qui parait le mieux ». Bruce parle de Nils comme d’un vrai gentleman. Un homme capable de se fondre dans un projet partagé, sans penser d’abord « à sa tronche ». Ils ne sont pas tous comme ça. Probable aussi que Bruce a su trouver les mots. Susciter la motivation. Donner l’envie. Et ne pas craindre de valoriser celui qu’il veut convaincre. Seuls les tordus pensent qu’on obtient le meilleur des autres en les toisant, en les méprisant.

Nils convaincu, reste à décider Steve…

5 Dialoguer, et gérer les égo

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Les inséparables

Wikimedia

Par le passé, et malgré leur intense relation d’amitié, Steven et Bruce ont ensemble connu de vraies tensions. Il avait parfois « passé les bornes » ; « m’avait compliqué la tâche », précise Bruce. Alors, après ces années, le pirate accepterait-il lui aussi le challenge ? Revenir en lieutenant, mais plus tout à fait seul, du moins question six cordes, aux côtés du patron? 

« On s’est retrouvé chez moi un après-midi et on a eu une discussion amicale mais difficile. Chacun a dit ce qu’il avait sur le cœur, puis on a tourné la page. Après quoi on a pu attaquer les dix-huit meilleures années de notre vie professionnelle et de notre amitié ».

De fait, tous ceux qui ont vu, années après années, le E. Street Band des années 2000 à 2017 savent ce que le groupe a gagné dans ce gentleman agreement. Quand Nils prend son solo sur Because The Night, il est pour trois minutes le plus grand guitariste de rock vivant. Qui assure durant le reste du show, le travail de rythmique indispensable, électrique s’il faut de la puissance, acoustique durant les ballades. Quant à Steven, il est toujours là pour prêter la voix aux refrains emblématiques, ceux qui se reprennent à deux dans un seul micro, symbole ultime de la synergie rock, si l’on ose dire. Il place et plaque ses riffs sans jamais donner l’impression de tirer à lui la couverture. Ensemble, ces trois guitares sont le cœur du E. Street Gang. Trois cœurs battent mieux qu’un seul.

Toujours pas rassasié, le Boss est même parvenu à trouver parfois une place, pour une quatrième pointure, le très bruitiste Tom Morello, de Rage Against The Machine. Il faut pour gérer de telles personnalités, bien plus qu’une simple passion pour le rock électrique. Il faut toute la subtile compréhension de l’âme humaine. Le talent d’un chef d’armée.

César, Napoléon, Springsteen…

Si on va trop loin, dites-nous…

6 Exiger plus, pour obtenir le meilleur

La danse de Jake

"La première fois que j’avais vu sa carrure massive apparaitre dans un bar à moitié vide d’Asbury Park, je m’étais dit : « voilà mon frère »", écrit le Boss pour évoquer la mémoire de Clarence Clemons, géant terrassé par un AVC voilà déjà cinq ans. Qu’allait devenir le E. Street Band sans Big Man ? Pour Steven Van Zandt, la chose ira de soi : Jake est le neveu de Clarence, il joue (bien) du saxo, il est black comme son oncle… C’est lui ! Ca ne peut être que lui… Mais aurait-il la maturité pour se fondre dans un tel gang ? 

Bruce lui donne un rencard pour voir ce que le môme a dans le ventre. Pas de chance, le neveu arrive une heure en retard. Les chorus qu’il a du répéter pour l’audition ? Il les connait « à peu près ». 

"Leçon n°1 : Dans le E. Street Band on ne fait RIEN… « à peu près »", précise le Boss, qui ajoute « Avec moi, les musiciens n’ont pas le choix ».  Et donc, Bruce va mettre la pression : « soyons clairs. Tu viens à une audition pour le poste de Clarence Clemons, dit le Big Man, au sein du E. Street Band. Ce poste, je te le signale au passage, c’est pas un boulot, mais une putain de mission sacrée ».

Les paragraphes qui suivent sont un régal. Transmission de l’exigence, prise de conscience par "le gamin" de la chance inouïe que le deuil de son oncle lui offre... Premiers essais, premiers chorus, premiers applaudissements après un premier solo, et à l’Apollo Theater… « Jake ne sera plus jamais en retard », conclue avec un peu de fierté Springsteen, qui n'avait aucune intention de pistonner un demi-sel. Et depuis 5 ans, Jake Clemons, trente ans de moins que le reste du groupe, est toujours premier (et seul) saxophoniste au sein du le E. Street Band. 

Big Man serait fier, probablement.

7 1+1=3

Blood Brothers

« Former un mélange original dont le tout est supérieur à la somme des parties ».

Ces mots sont ceux de Bruce (p.295), mais sont un parfait résumé de ce que décrit la théorie de la Gestalt. Un groupe réellement vivant n’est plus seulement la simple juxtaposition, le patchwork, des éléments qui le composent. Il acquiert sa vie propre, dégage sa propre énergie. Ce qu’en entreprise on appellerait « une culture », voire une « identité ». Bruce exprime clairement celle du E. Street Band : « on ne planque pas nos cartes, on ne cache pas notre jeu ». « On aspire à être compris et accessibles, une sorte de groupe de bar », mais « grossi à super grande échelle ». 

L’émouvante version de « Blood Brothers » (Frères de sang), cette chaîne de fraternité formée par le groupe (aller à 4’20) symbolise cette vision d’une superbe façon. La voix du taulier s’étrangle un peu, on croit deviner une larme (5'00). Toute l’histoire de Springsteen, et son humanité, me paraissent résumées dans cette séquence…

8 7+ : Bruce, héritier de Goethe?

La théorie de la Forme (Gestalttheorie en allemand) s’est développée au XXème siècle dans le champ de la psychologie, mais a aussi inspiré des philosophes; et tout bon manager, soucieux de travailler à ce que son équipe ait une « âme », une vie propre, qui transcende les qualités individuelles de ses membres, peut s'y intéresser.

A l’origine de la gestalt, on trouve Johann Wolfgang von Goethe, « romancier, dramaturge, poète, et homme d’Etat. Pas sûr qu’en écoutant The River ou Born to Run, les fans du Boss avaient déjà songé à remonter jusqu’à l’auteur du conte initiatique Le Serpent Vert.

On en viendrait presque à se demander si Bruce Springsteen n’est pas lui-même un initié… Allez savoir !

https://fr.wikipedia.org/wiki/...

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