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7 leçons en attendant la nouvelle guerre de religion

Décrypter Par Eric Le Braz 27 juillet 2016

7 leçons en attendant la nouvelle guerre de religion

Qui veut d'un remake ?

Robert de Normandie au Siège d'Antioche. Wikimedia.
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En visant l’église, Daech compte bien réveiller les démons de la guerre civile. Mais la lucidité et le sang froid n’ont pas encore quitté tous les Français, même parmi les politiques…

C’est un inventaire sans fin. Après les dessinateurs, les journalistes, les jeunes, les rockers, les buveurs en terrasse, les flics, les enfants, les musulmans mécréants, les touristes, les homos, les passagers de train… les « soldats » du califat exilés en terre impie ont égorgé leur premier prêtre. Certes, il était octogénaire et même pas missionnaire, mais il fera l’affaire. Pas de croisés sans moines. 

C’est la première leçon que veut nous livrer Daech et il y en a bien d’autres à retenir. La guerre civile que l’Etat islamique veut nous imposer n’est pas inéluctable ; mais elle a déjà des partisans. Dans les deux camps. 

1 Charlie est innocent

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« Ils l’avaient quand même bien cherché » ricanaient les « Je ne suis pas Charlie » tendance Charlie Coulibaly. Le Bataclan a démodé la formule. Mais il restait une tenace rancoeur contre cette laïcité honnie qui autorise le blasphème. Après Nice, le débat a étrangement ressurgi.  En cause « le républicanisme revendicateur et sa suspicion affichée envers toute religion ». C’est le credo de la France, contrairement à d’autres pays plus tolérants comme l’Allemagne qui aurait un « idéal nettement plus modeste et plus prudent : le progrès économique ». Les citations sont extraites d’une tribune parue dans le New York Times le 19 juillet dernier sous la plume du sociologue Farhad Khosrokhavar.

Ce discours sur « Le djihad et l’exception française » semblait tenir la route le jour de sa parution, le 19 juillet. Depuis, l’Allemagne a essuyé deux attentats revendiqués par Daech. Et en France, les soldats du califat ont a cessé de s’attaquer à des symboles de la laïcité (des flics, des militaires, des 14 juillet...) pour égorger un prêtre... Le Califat vit toujours au Moyen Âge, il est toujours en guerre contre les croisés. La France est "le royaume de la Croix" comme à l'époque où les croisés étaient indifféremment "baptisés" Francs, Franj ou Franj....  L'ennemi du djihadiste, ce n'est pas seulement la France, la République ou l'occident. L'ennemi du djihadiste, c'est tout ce qui n'est pas le djihad. 

2 Daech recherche la riposte

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Abu Moussab al-Souri, théoricien du djihad décentralisé avec son premier mentor. 

wikimedia

A force de multiplier les cibles, la stratégie nihiliste du califat prouve paradoxalement que Daech poursuit un objectif limpide : provoquer une flambée des actes anti-musulmans. C’est l’objectif clair affiché par le Syrien Abou Moussab al-Souri. Pour ce théoricien djihadiste, auteur de « l’Appel à la résistance islamique mondiale», il faut attaquer l’Europe, « vente mou de l’occident ». Le but est d’ « enclencher la dislocation finale de l’Occident, préalable au triomphe mondial de l’islamisme ». Le moyen, c’est un djihad décentralisé, autonome et quasi spontané qui finit par exaspérer les populations qui se retournent contre l’Etat et attaquent les musulmans… qui ripostent à leur tour. On croirait un bréviaire gauchiste des années 70 (la provocation provoque la répression qui déclenche la révolution). Mais c’est bien la doctrine appliquée en ce moment.

Ça marche ?   Ce n’est pas complètement gagné puisque les agressions anti-musulmanes ont chuté de 63 % cette année malgré le 13 novembre… Pas certain qu’après le 14 juillet et surtout suite de la mort du premier « martyr chrétien du XXIe siècle » (l’expression est, entre autres, de Christine Boutin), cette tendance se confirme. Les Français sont déjà exaspérés par leurs représentants politiques (78 % considèrent qu’ils ne sont pas à la hauteur des évènements !) et sur les réseaux sociaux, la haine s’épanche sans retenue...

3 La désarmante réponse des cathos

Le parallèle entre l’évolution des affidés au califat et la parole catholique actuelle est un miroir asymétrique assez saisissant. Daech revendique l’Islam des origines, un islam guerrier et conquérant : “L’esclavage, la crucifixion et les décapitations ne sont pas des éléments que des [djihadistes] fous sélectionneraient dans la tradition médiévale”, affirme Bernard Haykel cité dans cet article fouillé paru dans Courrier International. Les combattants de l’EI sont “en plein dans la tradition médiévale et ils la transposent dans son intégralité à l’époque contemporaine”.

Cette interprétation littérale de passages du Coran et des hadiths est la marque des djihadistes. Or que répond à cette déclaration de guerre sainte la hiérarchie catholique  à qui l’on a tendu les micros après l’assassinat d’un des leurs ? « Je leur demande de ne pas baisser les bras devant les violences et de devenir des apôtres de la civilisation de l’amour." C’est le message délivré lors des JMJ de Cracovie par Mgr Lebrun, archevêque de Rouen, dont le diocèse gère l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray. Et plus tard, le même de citer sur le perron de l’Elysée la parole du Christ : « pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font".

Les chrétiens des croisades, de l’inquisition et de la calotte triomphante sont bien loin. C’est le retour complet au message pacifiste et new age des Evangiles (quoique les obsessions d'André Vingt Trois sur les déviants relativisent le message).

Dans son édito, Jean-Pierre Denis de directeur de rédaction de la Vie cite à son tour un évêque  anglican anti apartheid, Desmond Tutu : « Dieu ne partage pas notre haine ». Et Charles-Eugène Weiss, un pasteur alsacien enrôlé de force par les nazis « Ces ennemis aussi, nous devons les aimer ». On reste pantois devant une telle foi. Que tous ne partagent pas... 

4 La haine en freestyle

Avec et grâce à son style bisounours,  force est de constater que hiérarchie catholique ne joue pas le jeu de l’Etat islamique.  Or la stratégie de Daech sera vraiment payante le jour où un véritable croisé ira venger ses morts en assassinant un musulman…

Les commentaires qui ont la cote sur les réseaux, dès qu’on recherche des solutions, c’est de plonger les terroristes dans du sang de cochon. Ou encore d’expulser les parents du jeune assassin de  Saint-Etienne-du-Rouvray.  Or ceux-ci ont tout fait pour éviter la radicalisation de leur fils. Et ils semblent avoir reçu bien peu d’aides en retour.

A Nice, malgré le tribut très lourd payé par la communauté musulmane de la ville (un tiers des victimes !), le racisme décomplexé des Niçois « de souche » s’exprime sans tabou.

C’est un peuple qui parle. Sans subtilité ni recul. Mais d’autres cisèlent un argumentaire plus structuré….

5 Les menaces des tradis

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L'agit prop' des intégristes a commencé. 

Le salon beige

« - C’est une sainte colère que nous avons à l’égard de cette part du clergé qui confond charité et grand remplacement.

- C’est avec une sainte colère que nous réclamons à la tête de la France des dirigeants qui, comme naguère à Poitiers, allient force et détermination pour stopper une invasion meurtrière.

-   C’est avec une sainte colère que nous réclamons dans nos églises et nos évêchés un clergé qui, comme autrefois à Lépante, forme une armée priante aux côtés de l’armée combattante avec la volonté commune d’empêcher l’invasion. »

On peut lire cet appel lyrique à de nouvelles croisades (la bataille navale de Lépante en 1571 est la dernière confrontation d’envergure entre le monde chrétien et l’islam) sur le site de France Jeunesse Civitas, une association intégriste très active pendant les manifs pour tous (et qui faisait partie des cibles de la filière belge de Daech).

Sur le blog ultra tradi le Salon Beige, on relaie une image encore plus explicite. Le slogan - ponctué de têtes de mort - « Le pardon est l’affaire de Dieu, notre rôle est d’organiser la rencontre » entoure l’image du drapeau de Daech pris dans une cible au coté d’un (para ?) militaire.

On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas...

6 Le come back de la guerre civile

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Un matin devant la porte du Louvre : Catherine de Médicis face aux protestants victimes de la Saint Barthélémy : encore plus de morts que le 11 septembre.... et à l'arme blanche. 

Mairie de Clermont-Ferrand

Bruno Valentin est prêtre du diocèse de Versailles. Le 27 juillet, ce nouveau curé médiatique  a squatté les plateaux télés. Sur BFMTV, on l’a entendu  approuver les propos de Manuel Valls expliquant que l’objectif de Daech, c’était la guerre de religion. « La dernière fois qu’un prêtre a été égorgé, c’était au XVIe siècle pendant la guerre de religion ». Sauf que depuis, d’autres ecclésiastiques ont eu le corps tranché en deux par la guillotine sous la révolution. Pendant la commune de Paris, plus d’une vingtaine de prêtres furent exécutés. Les guerres de religions ne sont pas limitées à la Renaissance. C’est une tradition bien de chez nous. Une tradition qui a commencé au XIIIe siècle avec la croisade contre les Albigeois et qui s’est poursuivie, au moins en paroles, jusqu’en 1905.

Les Français aiment occire d’autres Français au nom de Dieu. Il aiment d’ailleurs s’étriper tout court : Bourguignons contre Armagnacs, fronde contre le pouvoir royal, collabos contre résistants… Dieu n’était pas convoqué à ces règlements de comptes sanglants.

« L'Etat doit tout faire pour éviter la guerre civile "religieuse" qui commence sous nos yeux » a tweeté le maire LR de Tourcoing Gérald Darmanin, l’un des rares hommes politiques français à posséder une réelle connaissance de l’Islam. C’est bien l’enjeu. « On pourra s’estimer heureux s’il n’y a pas de mosquée qui crame ce soir », disait un parlementaire cité par Libération du 27 juillet.

On n’en est pas encore là, mais on en est pas loin. Ex conseiller de Marine Le Pen, l’eurodéputé Aymeric Chauprade, a été clair  : «[De] très nombreux chrétiens [sont] prêts au combat en France. Dont moi.» Marion Maréchal Le Pen a elle annoncé son engagement dans la réserve de la République.

La nouvelle garde nationale chère à Hollande noyautée par le FN marionniste ?  Et des identitaires catho qui appellent à de nouvelles croisades... Tous les ingrédients sont là pour provoquer une radicalisation des catholiques et une nouvelle guerre de religions comme le souligne Odon Vallet. Mais la volonté d'en découdre est loin d'être partagé par tous...

7 Et l'espoir de Sofiane, Fabien... ou Nadine.

S’il y a deux tweets à retenir de cette journée, c’est bien ceux de Sofiane et de Fabien. « S’il le faut, on ira défendre vos églises », dit l’un. « Et nous vos mosquées, s’il faut », répond l’autre. La guerre civile n’est pas inéluctable. Et si les polémiques continuent, des personnalités politiques adoptent un comportement plus digne. Il n’y a pas que Darmanin. Même Nadine Morano a tweeté avec retenue : "Ne tombons pas dans leur piège, ce ne sont pas des croyants mais des barbares". 

Si on croit en Dieu, on peut prier pour que ce discernement et ce sang froid persistent. 

Et si on ne croit en rien, on peut aussi faire la même chose .

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