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Comment bricoler sa religion en 7 leçons

Décrypter Par Eric Le Braz 27 octobre 2016

Comment bricoler sa religion en 7 leçons
© Gérard Cambon pour Lemieux Éditeur, 2016.
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Ce n’est pas parce que l’islam est une religion monothéiste qu’elle doit être monolithique. Le récit Française et musulmane, d’Assyia Hamza prouve le contraire. Les parcours croisés d’une Française de culture musulmane et de convertis démontrent qu’on peut aussi inventer un islam à la carte. 

« Deviens ce que tu es » cette formule nietzchéenne en exergue du livre de la journaliste Assyia Hamza compacte en cinq mots tout ce qu’il contient. Voilà le récit de Français convertis à l’islam raconté par une femme qui part à leur rencontre alors qu’elle s’éloigne d’une religion qu’on ne peut en théorie pas quitter.

Non pas qu’elle devienne athée. C’est autre chose :  « J’ai la foi. Je crois en Dieu. Mais j’ai de plus en plus de mal avec les carcans de l’Islam ». Des contraintes que recherchent a contrario Géraldine, Pierre, Marianne et Oméro, ces Français de culture catholique qui ont choisi une nouvelle religion.. 

Cette démarche et ces rencontres improbables font tout l’intérêt de cet Ovni éditorial qui prend à rebrousse poils les pensées préformatées sur un sujet si mal traité...

1 Se souvenir de l’islam d’avant…

Française et musulmane (Lemieux éditeur) raconte d’abord une enfance où les petits musulmans précisaient juste qu’ils ne mangeaient pas de porc à la cantine sans réclamer de menus halal. Quand on est née sous Giscard et qu’on a grandi sous Mitterrand, on a connu une France où les femmes voilées n’existaient pas (hormis les foulards tradi),  où il n’y avait ni khamis, ni barbus, ni calottes, ni rien. « Il y a avait certes des préjugés mais davantage liés à l’étranger, l’autre, celui qui ne nous ressemble pas ». Le racisme, était présent. Mais il ne passait pas par le filtre de la religion.

2 Rester musulmane (mais pas trop)

Assyia Hamza ne mange pas de porc. Elle boit des mojitos en terrasse. Elle continue de prier. Mais elle ne porte pas le voile. Elle est « totalement française ». Et musulmane.

Mais depuis juin 2015, sa religion s’évapore. Assyia a cessé de faire le ramadan. « A quoi bon ? Sentir que j’appartenais à une communauté ? La communauté musulmane n’est qu’une illusion et je ne suis pas communautariste ». Elle n’adhère plus à la religion. Mais elle ne rejette que les contraintes. Pas Dieu.

C’est du bricolage, mais du bricolage revendiqué, d’un islam pas très catholique. Quoique

3 Fêter la fêter de l’autre

« Dans ma famille, nous avons toujours « fêté » Noël.  Nous n’avons jamais eu de sapin mais le 25 décembre nous faisions un repas en famille. Et nous les enfants, nous avions toujours un cadeau ». Mais ça, c’était avant. Si certains musulmans célèbrent encore Noël, notamment au Maroc, c’est surtout parce qu’on ne rate jamais l’occasion de faire la fête et que c’est un prétexte pour faire des cadeaux aux enfants. Comme le dit malicieusement Assiya Hamza : « Je dois rendre hommage à mes parents d’avoir eu l’intelligence de ne considérer Noel que comme une fête païenne et commerciale. C’est aussi ça la double culture. »

Une double culture que de d’aucuns refusent désormais. Tapez « fêter noël haram » sur Google et vous comprendrez… « Aujourd’hui, nombreux sont les musulmans qui ne célèbrent ni les fêtes de fin d’année, ni les anniversaires sous prétexte que c’est haram, péché ».

L’islam relativement tranquille de l’enfance d’Assyia est devenu une religion des interdits où la plupart des débats sont axés sur ce qui est licite ou illicite. 

4 Infuser un peu de catholicisme dans l’islam

On  lit souvent que les convertis sont les plus radicaux des musulmans. La foi du converti est devenue synonyme d’excès de zèle. Rien de tel chez les quatre nouveaux musulmans rencontrés par Assyia Hamza. Certes, ils sont tous très pieux, Géraldine est voilée, ils ne mangent pas de porc, ne boivent pas d’alcool… Mais il se dégage aussi de leur discours, des éléments de langage qui fleurent bon les catéchèses cathos. Ecoutez Géraldine : « Je ne ressens pas de haine, mais c’est à nous, les musulmans, qu’il incombe d’être les meilleurs. L’islam, c’est l’amour, la paix et l’échange ». Ecoutez Pierre : « Si tu n’as pas un lien d’amour, ça ne peut pas fonctionner. Dieu n’a pas besoin de nous, c’est nous qui avons besoin de lui »…

Assyia n’avait jamais entendu parler d’Islam de cette façon et elle est un peu déboussolée. Pour elle, l’islam c’était d’abord la religion des contraintes de son enfance et des interdits qui se multiplient. « Je n’avais jamais associé l’islam à l’amour. Le terme me semble presque tabou dans la culture musulmane. On ne montre pas. On ne dit pas qu’on s’aime. »

Les convertis fabriquent un autre islam, presque hybride, que résume Omero avec son sens de la formule : « Je suis un musulman de culture catholique », mais après tout, ce Français d’origine sarde a bien précisé plus tôt : « Les Italiens sont des arabes en costard » !

5 Oser escamoter un pilier sur cinq

« J’ai choisi une religion, pas mes coreligionnaires », affirme péremptoirement Pierre qui a du mal à se reconnaître dans l’islam d’autres musulmans. C’est tout le sel des discours des convertis, retranscrits dans Française et musulmane, qui passent par « la démarche de compréhension ». Ils veulent comprendre ce qu’ils pratiquent plutôt que le reproduire sans se poser de questions. Géraldine estime ainsi que certains musulmans de naissance se sont « égarés » : « Notre plus grand ennemi, c’est la communauté elle même. Il y a un problème de fond qui n’a rien à voir avec la religion : l’éducation ».

Il y a un fossé entre les différents islam en France… et un gouffre encore plus profond, surtout si on est chiite comme Pierre, avec certains pays musulmans comme l’Arabie Saoudite. L’un des cinq piliers de l’Islam, c’est le pèlerinage à la Mecque. Et voici ce qu’il en dit : « Je prends le risque de me faire traiter d’apostat mais c’est très dur pour moi de faire mon pèlerinage là bas. J’ai un vrai conflit de valeurs, je vais donner de l’argent à un peuple qui ne se comporte pas en musulman ».

6 Pratiquer sans la ramener

S’il y a une expression qui énerve Assiya Hamza, c’est bien celle de « musulman modéré » : « Dit-on catholique modéré ? Non. ». Il y a des musulmans intégristes comme il y a des catholiques intégristes. Les autres sont juste des musulmans ou des catholiques. Le débat sur la discrétion nécessaire des musulmans initié par Jean-Pierre Chevènement a-t-il vraiment un sens car il conseille ce que la plupart des musulmans pratiquent… « Les musulmans sont partout. Modernes, laïcs ou pratiquant leur foi dans l’intimité. Peu importe. Ils sont tellement discrets que vous ne réalisez pas qu’ils sont musulmans ».

Comme Pierre, ils sont musulmans sans avoir besoin de tout ramener à leur foi : « Je vis ma religion dans mon intimité de la même manière qu’à l’extérieur. Je suis discret. Je n’ai pas besoin de dire à tout le monde : « ça, c’est haram ».

7 Devenir une drôle de paroissienne.

La théorie du grand remplacement est une absurdité intellectuelle. Une civilisation ne remplace pas une autre d’un coup, sauf si elle la détruit comme les Européens l’ont fait avec les Amérindiens. Quand deux cultures se rencontrent, elles s’influencent mutuellement.

C’est ainsi que les Egyptiens de l’époque hellénistique sont devenus des Grecs. Et réciproquement. Rome a adopté les dieux des pays qu’elle a conquis. La France est un joyeux mélange de peuples divers qui se sont rencontrés là parce qu’après, c’était la mer: Celtes, Gaulois, Romains, Germains puis émigrés de tous pays. Aucun n’a jamais remplacé l’autre mais nous passons notre histoire à nous mélanger et  à nous influencer…

C’est ce grand bricolage que raconte Assya qui se révèle une drôle de paroissienne et se proclame en fin de livre « grenouille de bénitier ». Elle pioche à droite et à gauche" pour vivre sa foi : « J’adore me recueillir dans les églises, allumer des cierges. Je crois en Marie. Chez moi, vous trouverez une statue de la vierge miraculeuse, un chapelet de Jérusalem, une statuette de Notre Dame d’Afrique. Sur moi, une médaille de Notre Dame d’Afrique bénie par le prêtre de la basilique d’Alger ».

Ce syncrétisme lui permet d’écrire aussi « J’ai le cœur qui déborde d’amour mais qui se soucie de savoir qu’il s’agit d’Allah, de Jésus ou de Bouddha ? ».  Assyia revendique d’’avoir définitivement basculé dans le « bricolage religieux ». Ce menu à la carte n’est certes pas très orthodoxe, mais c’est le plus digeste et probablement le moins dogmatique. Si je n’étais pas athée, j’aurais presque envie d’y adhérer...

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Française & musulmane : A la rencontre des convertis. Broché – 10 octobre 2016

de Assiya Hamza (Lemieux éditeur). 14 euros. 

- Lire la 4e de couverture

 

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