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La saga des 7 meilleurs jeux vidéo de l'histoire

Savoir Par Daniel Ichbiah 07 mars 2018

La saga des 7 meilleurs jeux vidéo de l'histoire
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Des jeux vidéo plus passionnants que le monde réel ? Tel est le thème de Ready Player One, le nouveau film de Steven Spielberg. Le livre La Saga des Jeux Vidéo nous fait revivre cette fascinante évolution depuis des jeux pixellisés jusqu’aux mondes virtuels qui paraissent sans limites…

De World of Warcraft (qui a déjà 14 ans !) au fascinant et tant attendu Bless Online, nous nous sommes accoutumés à arpenter des territoires de toute beauté, et à pouvoir goûter à une vie parallèle, avec d’incroyables challenges à affronter en équipe. C’est de cette addiction dont parle le nouveau film de Spielberg.

L’occasion est trop belle de remonter le temps jusque dans les années 70, lorsque les jeux s’affichaient sous forme de gros pixels carrés sur des écrans monochromes. Que dire ? Les premiers titres à la Pong, Space Invaders avaient tout de même une séduction immédiate que l’on ressent encore aujourd’hui et qui explique d’ailleurs la grande mode des jeux "vintage".

La naissance de cette industrie a été le théâtre d’incroyables épopées que raconte le livre de Daniel Ichbiah, La Saga des Jeux Vidéo dont la nouvelle édition 2018 vient de sortir. Essentiellement réalisé à partir d’interviews, ce best-seller de l’histoire des jeux vidéo est plus palpitant que jamais !

1 Space Invaders

Si le démarrage de la VCS 2600 a été poussif, un jeu modifie radicalement sa destinée : Space Invaders, qui débarque aux Etats-Unis après avoir connu une carrière phénoménale au Japon. Sa présence en exclusivité sur la console d’Atari va entraîner un décollage des ventes et faire entrer plus de cent millions de dollars dans les caisses de la société californienne.

Space Invaders a d’abord conquis les adolescents japonais en tant que jeu pour bornes d’arcade. Son créateur, Tomohiro Nishikado a imaginé qu’une section d’aliens viendrait s’aligner en haut de l’écran. Le joueur, aux commandes d’un canon laser se doit de les neutraliser – en évitant d’être éliminé lui-même. Au début du jeu, il peut éviter les tirs des envahisseurs en se cachant sous des abris mais ces blocs protecteurs se désagrègent peu à peu sous les assauts aliens.

Pour donner une forme aux envahisseurs de l’espace (Space Invaders), Nishikado a eu l’idée de dessiner des sortes de pieuvres à base de pixels. Cette forme inspirée de l’aspect des aliens du film La Guerre des Mondes va devenir emblématique.

L’un des points qui donne son piment à Space Invaders est que plus l’action évolue et plus les assauts des envahisseurs s’accélèrent. Comme l’a confié Nishikado, cette accélération n’a pas été intentionnelle…

« Au départ, j’avais pour ambition de faire déplacer les 55 monstres simultanément » a expliqué le créateur de Space Invaders avant d’ajouter que la machine était trop lente pour cela. Il a donc été contraint de les faire se déplacer chacun à leur tour.

« Fort logiquement, moins il y avait d’ennemis à l’écran et plus le tour de ceux qui restaient arrivait rapidement. Voilà pourquoi on a l’impression qu’ils accélèrent au fur et à mesure ! »

Pourtant, lors de sa présentation par Taito aux professionnels le 16 juin 1978, Space Invaders est passé quasi inaperçu. Ceux qui l’ont testé n’ont pas spécialement apprécié son mode de jeu novateur. On peut s’adonner à Space Invaders aussi longtemps qu’il est possible d’éliminer les vaisseaux célestes sans se faire abattre. Le revers c’est qu’il peut aussi arrivcr qu’au bout d’une vingtaine de secondes, le joueur récolte un Game Over. Les spécialistes se sont donc accordé à penser que les adolescents se sentiraient frustrés d’avoir dépensé 100 yens pour une partie sans avoir vraiment eu le temps de s’amuser.

Nishikado s’est fait à l’idée que Space Invaders allait être un échec. En réalité, à sa sortie en juillet 1978, Space Invaders a séduit la population des joueurs japonais.

Incroyable mais vrai… Le fameux épisode de la cabine Pong installée au Andy Capp’s Cavern s’est reproduit à l’identique. Un technicien a été informé d’une panne de la borne Space Invaders dans une salle de jeu. Une fois sur place, il a réalisé que là encore, le problème venait de la caisse emplie à ras bord de pièces et qui ne pouvait plus en accepter une seule de plus !

Dès la rentrée 1978, il est apparu que Space Invaders était en train de devenir un phénomène de société. La filiale de Taito qui produisait les bornes n’a plus été en mesure de répondre à la demande. Très vite, on peinait à trouver une salle de jeu ou même un café qui n’accueillait pas une borne Space Invaders. On a même vu fleurir des salles dédiées à ce jeu, baptisées ‘Invaders Houses’. A la mi-1979, on en recenserait 70 000 !

En octobre, Taito s’est vu contraint de publier une pleine page dans un magazine professionnel afin de présenter ses excuses publiques.

« Les commandes de Space Invaders ont dépassé de très loin toutes nos prévisions. Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée. Nous faisons tout pour répondre au plus vite à vos demandes. »

En 1979, le Ministère de l’Economie Japonais ouvre une enquête. Pour une raison inconnue, le pays fait face à une pénurie de pièces de 100 yens. Il est découvert que le responsable est un jeu, Space Invaders. Plus de 200 000 machines sont en opération et elles aspirent les pièces de 100 yens à une vitesse telle que les opérateurs n’ont pas le temps de les apporter à la banque !

Ce succès va propulser Taito dans le classement des 250 entreprises les plus rentables du Japon, ce qui n’était jamais arrivé à une société opérant dans le jeu vidéo.

2 Sonic

L'histoire de Sonic - Partie 1 – RETROspective

En 1990, les dirigeants japonais de SEGA lancent une vaste opération en interne : créer un jeu à même de s’écouler à un million d’exemplaires, devenant ainsi le fer de lance de la Mega Drive. Plus de deux cents illustrations d’animaux et d’humains sont proposées par les dessinateurs et programmeurs de SEGA Enterprise au Japon.

Au bout d’un mois, la sélection est ramenée à quatre personnages. Le premier est un loup vêtu d’un t-shirt avec la bannière étoilée, le second, un bulldog habillé en cow-boy et le troisième un humain au corps en forme d’œuf en chemise et short hawaïens avec une planche de surf sous le bras. C’est la quatrième création qui va temporairement faire l’unanimité : une sorte de lapin dont les oreilles peuvent s’étendre pour attraper des objets. Dans le cadre d’un jeu à l’action ultra-rapide, ce cousin de Bugs Bunny semble devoir faire l’affaire. L’homme-œuf devient le méchant de l’histoire, Robotnik.

C’est une équipe composée de quatre artistes japonais âgés en moyenne de vingt-cinq ans et opérant à l’Institut SEGA de Californie qui est chargée d’aller plus loin. Yuji Naka est chef de projet et Hirokazu Yasuhara le programmeur principal. Ce dernier prend fermement la résolution de créer un jeu capable de rivaliser avec les aventures du plombier vedette de Nintendo. Premier objectif : la simplicité d’usage. « Super Mario est un jeu à deux boutons », argue Yasuhara. « Le jeu que nous allons concevoir doit se satisfaire d’un seul bouton ». Si Takashi Iizuka est chargé de concevoir les décors, la paternité du personnage va revenir à Naoto Oshima.

Le héros qui sera associé à l’image de SEGA se doit d’être intelligent, rapide, brave et impatient. Or, à mesure que la programmation du jeu avance, le lapin paraît inadapté à l’action ; il lui manque une caractéristique à la fois drôle et impressionnante qui lui permettrait de triompher de ses ennemis. De plus, un lapin n’apparaît pas comme le personnage approprié pour un jeu à un bouton. Dixit Yasuhara…

« Si nous avions un seul bouton et que l’action consistait à sauter, alors nous devions trouver une astuce pour que le joueur puisse, dans un même mouvement, sauter ou attaquer. Nous en sommes arrivés à l’idée qu’il devait réussir à s’enrouler sur lui-même, comme une boule, pendant qu’il serait en l’air. »

Yuji Naka se rappelle alors d’un personnage qu’il a imaginé plusieurs années auparavant et qui avait la capacité de se mettre en boule avant de foncer sur ses adversaires. L’idée de transformer le lapin en hérisson jaillit alors.

Naoto Oshima crée les contours du personnage bleu et l’affuble de chaussures de tennis rouges. En cherchant un nom évoquant la vitesse, l’un des concepteurs propose « supersonic ». Le hérisson est finalement baptisé d’un nom abrégé, Sonic. Sa mission dans la vie sera écologique : empêcher le Dr.Robotnik de polluer la planète et robotiser les habitants. Son signe distinctif : cet hyperactif tape du pied en signe d’impatience dès que l’action semble ralentir.

Hirokazu Yasuhara programme un jeu dont l’aspect essentiel est la célérité. Ce point est essentiel aux yeux de Yuji Naka :

« Pour aller d’un point à un autre, Mario met 30 secondes. Mon désir était de relier ces deux points en une dizaine de secondes. »

Défiant les lois de la gravité, Sonic s’élance dans les airs récoltant au passage des anneaux dorés nécessaires à sa survie. Pour définir les décors, Yasuhara s’inspire de l’univers des flippers. Tandis qu’il évolue dans un monde où grouillent piranhas et coccinelles maléfiques, l’intrépide hérisson combat le savant fou Robotnik avant qu’il ne transforme tous les animaux de la Terre en monstres mécaniques.

Pour parvenir à la vitesse souhaitée sans provoquer de saccades au niveau des images, Yuji Naka effectue des prodiges de programmation. Il parvient même à rendre le mouvement de Sonic si rapide que certains éprouvent un malaise lorsqu’ils y jouent. Naka se retrouve donc obligé de réduire quelque peu la vitesse de Sonic !

Fier, juvénile et pressé, le jovial Sonic personnifie on ne peut mieux l’image qu’entend véhiculer Kalinske autour de la marque SEGA. Au Japon, une tournée des grandes villes japonaises est organisée en vue de valoriser Sonic et tenter de ringardiser Mario.

Pourtant, la finalisation du jeu va être freinée par un détail majeur. Dans le scénario initial, Sonic fait partie d’un groupe de rock et il a pour petite amie une dénommée Madonna – avec un look proche de celui de la chanteuse. En voyant cela, Kalinske tape du poing et refuse catégoriquement une telle option qu’il juge inappropriée au public américain. En premier lieu, le scénario rappelle trop Mario et la princesse Peach. De plus, placer un personnage évoquant ouvertement une star vivante de la musique dans un jeu de type cartoon paraît déplacé. Le rock et Madonna sont donc écartés, au grand dam de Yuji Naka, ultra déçu de cette décision.

Sonic est annoncé de manière tonitruante lors du salon CES de Las Vegas en janvier 1991. L’ambition est claire : il faut couper l’herbe sous le pied de Nintendo qui doit lancer sa Super NES aux USA à l’automne.

Pour ce CES, Nintendo a mis les grands moyens et occupe près du tiers de la surface d’exposition. Pourtant, SEGA, qui dispose d’un espace trois fois plus réduit marque les esprits avec Sonic. Le constructeur de la Mega Drive a été jusqu’à afficher, sur son propre stand, des écrans affichant côte à côte Sonic et Super Mario World, histoire de montrer qui est le plus beau ? Pas de doute possible : les visuels qui s’affichent sur la console de Sega sont à l’avantage de Sonic.

Le lancement du jeu à la fin juin 1991 est précédé d’une campagne de publicité massive, afin d’éclipser l’arrivée prochaine de la Super NES aux Etats-Unis. SEGA adopte un slogan offensif : ‘Sega does what nintendon’t’. En clair : ‘SEGA accomplit ce que Nintendo ne fait pas’. L’opération Sonic est menée de main de maître, une série de dessins animés de 52 épisodes étant prévue pour le printemps suivant à la télévision américaine. Le jeu, pour sa part, récolte d’excellentes notes dans la presse spécialisée.

Pourtant, Kalinske veut aller plus loin et imposer la présence de Sonic en standard sur la Mega Drive. A cette fin, il se rend à Haneda afin de plaider sa cause.

Lors de la réunion, Nakayama entre dans une colère noire. Il se lève en hurlant, donne un coup de pied dans sa chaise et apostrophe le PDG américain :

« Vous n’êtes pas bien ? Nous gagnons de l’argent avec la vente de nos jeux et voulez que nous donnions notre meilleur titre avec la Mega Drive ? »

Ulcéré, Nakayama se prépare à quitter la pièce. Pourtant, au moment de franchir la porte, il a un dernier mot envers Kalinske :

« Si vous pensez qu’il y a là la solution pour battre Nintendo, faites-le ! »

Il claque alors la porte.

3 Sim City

L'histoire de Sim City : comment Will Wright a inventé le "city builder"

La première version de Sim City est terminée en 1985. Will Wright se rend chez Broderbund afin de présenter son insolite création à Gary et Doug Carlston. Les deux fondateurs de Broderbund trouvent l’idée intéressante mais sans plus. Gary lui reproche une chose essentielle :

— Ce n’est pas un jeu. On ne peut jamais gagner ni perdre !

— Là n’est pas le but, argue Wright. Ce qui importe, c’est que les joueurs puissent mesurer de manière immédiate l’impact de leurs décisions.

— C’est invendable. Tel quel, cela ne marchera jamais.

— Gary, il faut sortir de la logique simpliste « gagner ou perdre ». Il y a place pour des jeux plus ambitieux.

— Désolé, Will, mais l’univers ludique repose sur des règles immuables. Il faut faire évoluer Sim City dans un sens plus conventionnel et donner un défi au joueur.

Pendant près d’un an, Sim City fait des allers et retours entre l’appartement de Will Wright et Broderbund. Inlassablement, le programmeur s’entend dire : « Ce n’est pas encore cela ! ». Il tente parfois d’adapter son œuvre en fonction des critiques émises par Gary Carlston, mais le cœur n’y est pas. Devant le manque d’enthousiasme manifesté de part et d’autre, le projet Sim City est finalement abandonné.

Découragé et abattu, Will Wright prend une année sabbatique pour s’occuper de sa fille qui vient de naître. S’il peut se permettre un tel luxe, c’est en raison des royalties qu’il continue de percevoir sur les ventes de Raid on Bungling Bay. Broderbund vient de publier au Japon une version de ce jeu adaptée à la console NES de Nintendo et sept cent cinquante mille cartouches ont trouvé acquéreur.

Vers le début de l’année 1987, Will Wright prend l’habitude de se rendre aux soirées organisées le samedi soir par le gérant d’une boutique d’informatique à Stanford. Entre deux pizzas, les hôtes sont invités à présenter les logiciels qu’ils ont pu créer.

Un soir, Wright effectue une démonstration de Sim City, ce programme auquel il ne croit plus. Dans l’assistance, un être filiforme aux cheveux en bataille se précipite sur lui, surexcité.

— C’est dingue ! Je n’ai jamais rien vu de pareil !… Il faut absolument publier ce jeu.

— Vraiment ? gémit Wright. Moi, je l’ai laissé tomber.

— Mais c’est de l’or en barre. Les gens vont adorer cela !

— Pensez donc… Seuls les architectes peuvent s’intéresser à un tel programme.

— Vous vous trompez. Vous tenez là un produit de mass-market !

— Mais qui êtes vous au juste ?

— Je m’appelle Jeff Braun et je dirige une société d’édition de logiciels.

4 Doom

Doom 1 (1993)

Le nouveau projet de Id Software porte le nom de Doom (le destin). C’est la vision du film La couleur de l’argent de Martin Scorsese, qui a inspiré cette appellation. Dans l’une des scènes le champion de billard interprété par Tom Cruise arrive dans la salle de jeu une petite valise à la main, dans laquelle se trouve sa queue de billard.

–               Il y a quoi là-dedans, ont demandé ses challengers.

Sachant qu’il se prépare à prendre son adversaire par surprise, il a répondu :

–               Ce qu’il y a là-dedans ? Le destin (Doom) !

Doom va naître du croisement de trois forces : un moteur graphique révolutionnaire de John Carmack, des décors hallucinés inventés par Romero et une infernale galerie de monstres conçus par Adrian Carmack. Le scénario tient sur un ticket de métro : un fusilier marin est confronté à une horde de démons sauvages.

L’essentiel de l’atmosphère de Doom doit reposer sur le nouveau ‘moteur graphique’ élaboré par John Carmack. Objectif : afficher les décors en temps réel, où que l’on regarde, où que l’on se tourne. Autant faire entrer un PC dans le chas d’une aiguille : en cette année 1992, la plupart des ordinateurs peinent à afficher des animations. Or, Carmack entend réaliser un dessin suffisamment rapide pour que les sens perçoivent une impression d’instantanéité. L’utilisateur doit entretenir l’illusion qu’il est bel et bien en train de se déplacer dans les couloirs de Doom ! Afin d’y parvenir, Carmack doit trouver un compromis entre la précision de l’image et la vitesse d’affichage des pixels. Il choisit de privilégier l’action immédiate au raffinement visuel. Il est vrai que l’ambiance de l’épopée infernale s’accommodera bien de cette absence de finesse. Qui serait assez fou pour prendre le temps d’admirer ces tunnels nauséabonds ?

Pour Carmack, la vitesse est une passion sans borne. Fasciné par une Ferrari 328 rouge qu’il entrevoit régulièrement dans un proche showroom, il s’est longtemps demandé jusqu’où elle pourrait monter. Et puis un jour, les vendeurs ont vu entrer dans la boutique ce programmeur de 22 ans en jean et T-shirt qui a signé un chèque de 70 000 dollars pour en acquérir une. Il a toutefois fallu lui adjoindre un turbo pour qu’elle puisse être lancée à son maximum. Sur une portion d’autoroute, John Carmack l’a poussée à 230 km/heures.

Comme sa Ferrari 328, Doom se doit d’être rapide et qu’importe si les PC d’alors ont du mal à suivre. Une seule solution ; le turbo !

John Romero conçoit les labyrinthes que le guerrier devra explorer et définit les actions qui s’y déroulent. Il est secondé dans cette œuvre par une nouvelle recrue, Sandy Petersen, qui a auparavant créé un jeu de rôle autour d’une nouvelle de Lovecraft. Plus âgé que le reste de l’équipe, Petersen a 37 ans et Romero a appris par la bande qu’il était mormon. L’auteur David Kushner a rapporté cette insolite conversation qu’ils ont eu un jour :

–               Alors, comme cela, tu es mormon ? demande Romero.

–               Yep, répond Sandy Petersen.

–               Bon, au moins, tu n’es pas comme ces barjots qui font dix enfants à la chaîne.

–               J’ai cinq enfants, réplique Petersen, quelque peu décontenancé.

–               Oui mais ça n’est pas comme si tu en avais dix, reprend Romero conscient d’être sur une pente glissante. En tout cas, tu n’es comme comme ces mormons qui se baladent tout le temps avec leur carte...

–               J’ai toujours ma carte sur moi, tu veux la voir ?

–               Bon, mais au moins, tu ne portes pas leurs sous-vêtements bizarres…

–               Si si, dit Petersen, après avoir relevé sa chemise.

–               Bon, c’est bon, je me tais, soupire Romero.

Adrian Carmack définit le style visuel de Doom, aidé en cela par un autre graphiste, Kevin Cloud. Araignées métalliques crachant un venin verdâtre et autres monstres hideux que n’aurait pas reniés le dessinateur Giger sont créés sous la forme de pâtes à modeler avant d’être soumis à l’action d’une caméra et filmés depuis huit angles de vue différents. Les images sont ensuite entrées une à une dans l’ordinateur.

Dès lors que le bruit se répand que le successeur de Wolfenstein-3D est en route, des milliers de suggestions apparaissent sur des bulletins d’informations en ligne. La popularité de Wolfenstein-3D suscite un intérêt considérable pour Doom…

Le 1er janvier 1993, un communiqué de presse d’id Software annonce la couleur. Tout excité, John Carmack y affirme que Wolfenstein-3D est un jeu primitif en comparaison de Doom et parle d’un affichage de 35 images par seconde sur les PC les plus puissants.

« Doom va offrir l’environnement le plus réaliste jamais vu sur PC. »

Pour la fin de Doom, John Carmack a enregistré une phrase choc que l’ingénieur du son a inversée :

« Pour gagner le jeu, vous devez me tuer, moi John Romero ! ».

Il se trouve que les artistes se sont amusés à placer la tête de Romero sur une pique à l’intérieur du crâne du boss final et que John Carmack a fait en sorte qu’il soit nécessaire de tirer sur cette tête si l’on veut éliminer le boss. Ambiance !

5 Lara Croft Tomb Raider

Tomb Raider : origine et ascension de la saga

Quel look pourrait-on donner au pilleur de tombes ? il n’est pas souhaitable qu’il rappelle Indiana Jones, car on tomberait alors dans le cliché. Le premier héros imaginé par Toby Gard ressemble donc davantage à un ersatz d’Arnold Schwarzeneger version Commando. Tel quel, Joe pilleur de tombes manque de panache. Le désir de s’identifier au personnage, point clé de toute œuvre artistique, n’est pas au rendez-vous.

Dans l’impasse, Toby Gard confie son malaise à Guy Miller, le directeur créatif. Celui-ci suggère de diversifier l’inspiration :

« Invente trois personnages complètement différents. Ah, et j’y pense… L’un d’eux devrait être une fille. »

Une aventurière… Pourquoi pas ? Celle imaginée par Toby Gard a de l’allure. A tel point que Toby Gard imagine de l’intégrer pour de bon, mais en option. Un garçon et une fille seraient présents à l’écran, à charge pour le joueur de choisir le leader de l’action. Et puis Toby se ravise : gérer deux personnages est bien trop complexe. L’un des deux doit dégager et au moment de trancher, c’est le personnage masculin qui passe à la trappe.

Toby Gard a craqué pour celle qu’il appelle Laura. De fait, l’aventurière dont il a croqué le minois est aguichante et sa féminité apparaît comme un atout indéniable.

 « Nous voulions que notre personnage soit un peu timide, qu’il se déplace d’une manière furtive tout en faisant preuve d’agilité », confie Gard.

Pourquoi ne pas faire de Laura l’héroïne de l’aventure ? La démarche paraît risquée car jusqu’à présent, le jeu vidéo n’a mis en scène que des mâles pur jus, les donzelles servant de faire valoir au macho de service. Pourtant, en ce début des années 1990, l’image de la femme a évolué. La page du féminisme militant est tournée : la wonder woman n’a plus peur d’afficher sa sensualité et dans le même temps, elle assume son destin. La tendance a été lancée par Madonna, Janet Jackson, Cindy Crawford, Claudia Schieffer, Kathryn Bigelow mais aussi par ces épouses rebelles du film Thelma et Louise qui décident de tirer un trait sur leur existence de bonniche… L’héroïne de Tomb Raider s’inscrit dans ce nouvel archétype.

Pour Toby Gard la perspective de réduire à néant les clichés sexistes est bienvenue. Il souhaite dépeindre une femme courageuse et intelligente, capable de se tirer d’affaire par elle-même en toutes situations :

« Les femmes fortes et indépendantes sont idéales pour les univers fantastiques. »

Il reste à convaincre les cadres de Core Design et l’affaire n’est pas gagnée. Les je-sais-tout du marketing disent non à l’héroïne. Enquête à l’appui, ils clament qu’un jeu organisé autour d’un héros féminin n’a jamais connu de bonnes ventes. Des études réalisées en France et en Allemagne rappellent que le public des jeux est composé à 96% de mâles. 

Toby Gard a l’intelligence de braver le diktat des hérauts de cette science qui n’encense que les succès passés. Il cultive une conviction : ceux qui ont adulé les consoles Nintendo dans leur prime enfance sont devenus de jeunes adultes et vont apprécier de jouer avec une fille. Core Design finit par céder tout en insistant sur un point ô combien prévisible : si héroïne il y a, elle devra être sexy !

L’apparence de Lara, son visage, son attitude comme sa plastique exagérément mise en valeur seront le fruit de nombreux tâtonnements. Toby Gard s’inspire de l’actrice Salma Hayek et de la musicienne hip hop Neneh Cherry mais aussi de l’héroïne d’une bande dessinée, Tank Girl. Durant une longue période, Lara porte des vêtements militaires. Cet accoutrement est progressivement rejeté car il donne d’elle, une image impitoyable, limite nazie. Elle est ensuite vêtue de pantalons baggy et arbore une coupe de cheveux à la garçonne qui rappelle Demi Moore. Lara est finalement dotée d’une longue queue de cheval, habillée d’un short et d’un t-shirt moulant qui fait ressortir son opulente poitrine – Gard confiera au magazine The Face que le volume de celle-ci a été dû au fait que la souris ait glissé alors qu’il voulait l’agrandir de façon modérée. Qu’importe. La technologie est désormais appropriée à la représentation de personnages à l’anatomie avantageuse.

« Il y a dix ans, la technologie n’était pas prête. Lorsque les jeux étaient en deux dimensions, personne n’aurait pu craquer pour une héroïne dépourvue de formes ! »

6 World of Warcraft

REPORTAGE WORLD OF WARCRAFT : Battle For Azeroth - On vous dit tout !

World of Warcraft doit être officiellement lancé le mardi 23 novembre 2004 à minuit dans le gigantesque magasin Fry’s Electronics de Fountain Valley. Une centaine d’artistes de Blizzard sont attendus sur les lieux afin d’apposer leur autographe sur ces copies.

Lors du lancement de Warcraft III qui s’était déroulé dans des conditions similaires, sept cent visiteurs avaient fait le déplacement. Par sécurité, Blizzard a prévu large et livré deux mille cinq cents boîtes au magasin.

Nul ne semble en mesure d’anticiper l’ampleur de l’attente. Dès le lundi à 2 heures de l’après-midi, des fans plantent leur tente devant la boutique. Il se forme bientôt une file qui serpente autour du bâtiment et se prolonge dans le proche parking pour aller se terminer dans la rue. Les membres d’un clan qui s’est formé durant le test du jeu se rencontrent pour la première fois dans le réel. La boutique Fry’s doit être réorganisée à la hâte afin d’accueillir comme il se doit les acheteurs lorsque sonneront les douze coups de minuit.

Paul Sams, l’un des vice-présidents de Blizzard sort de l’autoroute vers 23 heures et découvre, interloqué, qu’une file de voiture s’est formée sur la bretelle de sortie. Une fois parvenu près de Fry’s, il demeure bouche bée devant l’immense foule qui serpente tout autour du magasin. Il est obligé de se garer un bon kilomètre plus loin.

Lorsque résonne l’heure H, le public des joueurs fait preuve de modération : un à un, chacun vient prendre sa copie avant de la faire dédicacer à la table où sont assis les développeurs.

Vers trois heures du matin, il faut se rendre à l’évidence : plus de la moitié des acheteurs risquent de repartir bredouille si Fry’s n’est pas approvisionné illico. De fait, ils sont plus de cinq mille à avoir fait le déplacement jusqu’à Fountain Valley. Jay Allen Black, le producteur du jeu, et plusieurs acolytes se voient forcés de rentrer précipitamment au bureau. En ajoutant les copies demeurant dans les locaux de Blizzard à Irvine à celles stockées dans un entrepôt à quelques dizaines de kilomètres, ils parviennent à rassembler deux mille neuf cents unités supplémentaires.

Le 24 novembre au soir, le chiffre tombe : deux cent quarante mille exemplaires de World of Warcraft ont déjà trouvé acquéreur sur les trois marchés initiaux : Amérique du Nord, Australie et Nouvelle Zélande.

7 Minecraft

LES PLUS BELLES REPRODUCTIONS DE VILLES/MONUMENTS SUR MINECRAFT !

Chaque fois qu’une personne achète une copie de Minecraft, Notch reçoit un email. Comme la plupart des achats surviennent durant la nuit en Suède, tandis qu’il fait jour aux USA, les messages sont de plus en plus nombreux à se succéder le matin sur sa boîte aux lettres. A présent, cela se compte par centaines. Un matin, il réalise qu’il a engrangé près de 6 000 dollars en 24 heures !

Un jour, Notch découvre que la barre des 20 000 copies a été franchie. Mieux encore, son relevé bancaire fait apparaître qu’il dispose d’un million de de couronnes suédoise – l’équivalent de 100 000 euros - sur son compte ! Presque gêné, il confie la nouvelle à sa fiancée Elsin, tout en la minimisant :

« Le premier million est le plus difficile ! »

A cette époque, il n’imagine pas qu’il soit possible de récolter un deuxième million. Pourtant la frénésie continue. Avant que Notch n’ait pu comprendre ce qui se passe au juste, les ventes s’élèvent à 10 000 par jour…

Pour l’heure, Notch n’a aucunement modifié son style de vie. Il travaille toujours chez Jalbum dans la journée et ne sait s’il doit lâcher ce job. Comment savoir si le succès de Minecraft n’est qu’un feu de paille ?

C’est un coup de fil de la société Valve, en août, qui va amorcer un tournant. Valve figure parmi les sociétés mythiques du jeu vidéo, pour avoir développé l’un des titres PC les plus appréciés : Half Life. A cette époque, Valve a démarré un projet qui là encore, est appelé à changer la face du jeu vidéo : Steam, un système de distribution des jeux à grande échelle sur toutes sortes de plates-formes.

Persson a du mal à y croire : la personne de Valve au bout du fil la félicite pour Minecraft et lui propose, sans réellement le spécifier, un job chez Valve ! Serait-il disposé à venir les rencontrer à Seattle pour en discuter ?

Comment négliger une telle opportunité ? Il est convenu que Markus Persson viendra les voir début septembre.

La popularité de Minecraft devient si forte qu’à la fin de l’été 2010, Markus Persson envisage de plus en plus sérieusement à monter une start-up – il ne lui est plus possible de suivre la demande. Et d’appeler Jakob Porser pour lui demander s’il envisagerait de quitter son job chez King ? Jacob est partant. Avant de se décider, Persson veut tout de même rencontrer les gens de Valve.

Un autre événement modifie la vision de Markus Persson. Afin de faciliter l’achat de Minecraft par les joueurs, il a créé un compte Paypal et placé le bouton ad hoc sur le site du jeu. Or, le 25 août, un message< pour le moins surprenant arrive de Paypal : le compte de Markus Persson a été bloqué et, s’il veut récupérer l’accès aux quelques 600 000 € qui s’y trouve, il doit leur envoyer tout un tas de documents. Il faudra plusieurs jours avant que l’affaire ne soit résolue.

La visite chez Valve au début septembre 2010 est prometteuse. La ville de Washington à Seattle, où sont établies des entreprises comme Microsoft, Amazon, mais aussi Alexey Pajitnov, l’auteur de Tetris, paraît agréable à vivre. Une fois dans les locaux de Valve, Notch a le plaisir de rencontrer brièvement Gabe Newell, le fondateur de l’édition, qui visiblement a entendu parler de Minecraft. Il est ensuite soumis à une ‘job interview’ à l’américaine avec certaines questions déroutantes telles que : ‘comment vous y prendriez vous pour programmer un ascenseur ?’.

Au pied du mur, devant l’opportunité qui lui est offerte d’entrer chez Valve, Markus Persson freine des quatre fers. Une pensée lui vient à l’esprit :

« Je ne tiens pas à travailler pour Valve. Je veux créer un Valve ! »

Au sortir de l’entrevue, Notch invite officiellement Jakob Porser à quitter King. Il en est de même pour un autre employé, Carl Manneh, un jeune homme séduisant aux yeux bleus, qui se voit offrir de prendre la direction générale de la start-up.

Le studio Mojang (un mot suédois qui signifie "machin") est créé en octobre 2010 sur l’une des îles de la ville de Stockholm. Il compte alors six personnes. En guise de plaque, Mojang a été aussi minimaliste que les décors de Minecraft : le nom de la société a été gribouillé à même un carton scotché sur la fenêtre de la porte principale.

Dans une grande pièce, plusieurs tables sont accolées, rapidement jonchées de PC et de Mac. A la fin 2010, ils seront sept dans le bureau. Jovial et  débonnaire, Markus "Notch" Persson apparaît comme le boss de rêve, tout en douceur et en rondeurs. Lors de leurs pauses, les employés aiment à se réunir pour découvrir ensemble les folles créations des joueurs de Minecraft.

Minecraft est encore en phase "beta". Dès cette époque, Notch laisse entendre qu’il souhaite que Mojang reste petit. Il redoute de perdre la qualité de relations que peut entretenir une bande de copains si l’entreprise venait à croître démesurément.

Lors des fêtes de fin d’année de 2010, Markus s’accorde une semaine de vacances. Il tente de prendre du recul sur ce qu’il est en train de vivre. Un an et demi vient de s’écouler et déjà, Minecraft est en train de devenir un phénomène. On recense jusqu’à 20 000 téléchargements par jour. Qui aurait pu y croire ? La pause est toutefois brève et dès son retour, il replonge des heures durant, dans l’élaboration de Minecraft.

Janvier 2011 est un tournant. Minecraft vient de franchir le cap du million d’exemplaires vendus. L’IGF (Independant Game Festival) dévoile ses nominations de l’année et il s’avère que Minecraft est nominé dans 3 catégories : Excellence technique, Design mais aussi Grand Prix.

En mars 2011, Markus se rend à la GDC (Game Developer Conference),  à San Francisco, un événement qui rassemble des créateurs de jeux. Sur place, il a la surprise d’être congratulé par des passants. « Honoré de vous rencontrer » lui disent plusieurs d’entre eux. Des lycéens lui déclarent qu’ils jouent tous à Minecraft. « Je n’arrive pas à croire que je vous rencontre aujourd’hui ! » confie un fan. Un même message : les gens n’aiment pas le jeu, ils l’adorent !

Que dire ? Markus Persson, pour sa part, a du mal à y croitre et confie à ses équipes qu’il ressent parfois le ‘Syndrome de l’Imposteur’.

Durant la GDC, Minecraft reçoit le Prix du Meilleur Jeu Téléchargeable, celui du Prix de l’Innovation du Meilleur Début… 5 récompenses en tout, pareillement inattendues.

« C’est la nuit la plus incroyable que j’ai jamais vécue » dira Markus.

8 7 + 1

Daniel Ichbiah a longtemps collaboré à la presse jeu vidéo et aussi musicale et a été rédacteur de plusieurs magazines (Comment ça marche, STARFan, VSD Jeu Vidéo…). En tant qu’écrivain, il a publié plusieurs best-sellers dont deux n°1 : Les 4 vies de Steve Jobs (2011) et Les Chansons des Rolling Stones (2014) ainsi que des biographies de Madonna, Michael Jackson, Bill Gates, Elvis Presley, les Beatles…

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