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Les 7 conséquences possibles d’une présidentielle complètement dingue

Décrypter Par Eric Le Braz 03 mars 2017

Les 7 conséquences possibles d’une présidentielle complètement dingue

Conséquence numéro 4

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On n’avait jamais vu ça et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Car ce qui se dessine sous nos yeux, c’est la recomposition d’un paysage politique inchangé depuis 60 ans…

Soyons clair, c’est pas clair. C’est même devenu  carrément illisible.  La présidentielle 2017 cumule deux ressorts dramatiques qui normalement ne vont pas ensemble : les rebondissements d’une comédie à l’italienne (le renoncement de Hollande, la primaire surprise de Fillon, le remake de Hamon, les aventures de Penelope, la conversion inattendue de Bayrou au Macronisme...) et le suspense d’un film d’Hitchcock (Fillon va-t-il jeter l ‘éponge ? Juppé va-t-il lâcher Fillon ? Marine peut-elle gagner à la fin ?…).

Et c’est pas fini. Le marathon des parrainages, les manifs qui dérapent (celle de Fillon dimanche 5 mars promet), les faits div' qui font mouche, voire des attentats chers à Christophe Barbier,  les aléas des débats et, pourquoi pas, tant qu’on y est, l’irruption d’un petit scandale people en une de Closer ou Voici : tout est possible quand on barbote en plein chaos.   Depuis l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848, jamais une élection présidentielle n’avait autant décontenancé.

Et pourtant, derrière ce bordel apparent et l’indéchiffrable opacité d’une campagne imprévisible, il y a quelques intéressantes loupiotes qui clignotent. Faibles ou forts, ces signaux vont résonner longtemps et influer durablement sur notre démocratie ; enfin… si elle y survit. 

1 Le syndrome du temple solaire

L’expression est de l’inimitable Nadine Morano d’après le Canard du  15 février qui relate une saillie lancée par la pasionaria de la Meurthe-et-Moselle à Éric Ciotti et Éric Woerth, croisés à la buvette de l’Assemblée nationale. "Fillon, il est en train de transformer notre parti en secte du Temple solaire". Elle aurait d’ailleurs ajouté à l’intention de Woerth : «  Tu devrais le savoir, en tant qu’élu de Chantilly : un cheval qui s’est brisé la jambe, il faut souvent l’abattre. »

Sacrée Nadine, toujours la métaphore qui tue.

Ça c’était mi-février. À l’époque, François Fillon avait demandé 15 jours de rab’ pour laisser passer la tempête médiatique et affirmait que s’il était mis en examen, il tirerait sa révérence.

Depuis, la tempête continue, il a annoncé sa prochaine mise en examen mais continue contre vents et marées à affirmer qu’il ira jusqu’au bout en dénonçant un « assassinat politique ». Sauf que Nadine a raison. C’est bien d’un suicide collectif qu’il s’agit. Et ses électeurs comme ses soutiens n’ont pas envie de finir immolés dans le bunker avec un gourou psychorigide… On en est arrivé au stade où 52 % des sympathisants de droite souhaitent qu’il se retire. Même s’ils approuvent son argumentaire sur l’assassinat (à 62 %), ils ne veulent pas recevoir de balles perdues. Comme on disait avant : courage Fillon !

Tiens, depuis que j’ai commencé à écrire ces lignes, Libé a mis en ligne un compteur des départs et de tous les plans B, c’est l’hypothèse Juppé qui prédomine assortie d'un ticket Baroin tant qu’à faire. Et le maire de Bordeaux est déjà à nouveau président de la République des sondages. Mais du côté du temple solaire, on ne lâche rien

2 Les centristes tentés par la quatrième République

C’est une info passée relativement inaperçue parmi la déferlante des défections chez les Républicains. Mais entre le départ de Le Maire et celui de Fabienne Keller, il y a eu l’annonce de la suspension de la participation de l’UDI à la campagne de Fillon. Et après ? " Je réunirai la semaine prochaine le bureau exécutif de l'UDI afin que nous prenions une décision collective ", a déclaré son président Jean-Christophe Lagarde à l'AFP. Et ce n’est pas rien.

Les centristes, tout le monde s’en fout, mais ils représentent quand même 15 % de l’électorat. Et ce sont des faiseurs de roi.

Bayrou l’avait été en 2012 quand il avait annoncé son vote pour Hollande. Cette année, comme il ne pouvait pas ramener sa fraise et ne penser qu’à sa pomme, il joue les bonnes poires et s’associe à Macron même s’il considère que ce dernier n’est pas tout à fait mûr. Cerise sur le gâteau, les centristes de l’UDI ne sont jamais allés aussi loin.

Héritiers de Giscard et de Lecanuet, ils sont arrimés à la droite depuis le début de la Ve République (avant, ils passaient d’un camp à l’autre pour faire l’appoint des majorités).  Pour la première fois de leur histoire, ils cessent de se soumettre à un vague héritier du gaullisme. La tectonique des  plaques centristes peut maintenant pousser dans l’autre sens… sauf si Juppé revient dans le jeu.

Les centristes sont divisés entre un tropisme légitimiste qui les incite à rejoindre Juppé sans sourciller (ou à soutenir Fillon jusqu’à ce qu’on l’achève - c'est le credo d'Hervé Morin)… et un opportunisme bien rad-soc qui préférera faire allégeance au probable vainqueur Macron pour préserver, entre autres, un groupe parlementaire. Oui on oublie toujours l’échéance de juin, mais elle est bien présente dans les arrière-pensées des sortants de tous bords.  

Bref, si certains appellent de leurs vœux une sixième République, c’est peut-être la quatrième qui est en train de ressusciter…

3 La doxa du vote utile s’impose (au premier tour)

C’est un vote qui, pour l’instant, profite à Macron. C’est un vote réflexe, quasi atavique d’une partie de la gauche terrorisée par l’éventualité d'une victoire de Le Pen et révulsée par l’hypothèse d’un duel entre Marine et François. L’aède du vote utile et son porte-parole le plus actif, c’est Dany Cohn-Bendit. «  Qui peut, au deuxième tour, le mieux battre Marine Le Pen  ? Je crois que si c’est François Fillon qui est au deuxième tour, la gauche n’ira pas voter. Deuxièmement, si c’est Benoît Hamon, la droite n’ira pas voter. Donc si vous voulez vraiment nous éviter Marine Le Pen, et bien, Emmanuel Macron au jour d’aujourd’hui est le mieux placé. »

Un raisonnement imparable en apparence et peu importe que le programme environnemental de Macron soit à peine plus vert que celui de Fillon. Peu importe aussi qu’on ne sonde pas l’hypothèse d’un  second tour Hamon-Le Pen dans les instituts de sondage. Christophe Barbier répète à peu près tous les jours la même chose sur BFMTV et toutes les semaines dans l’Express. C’est la doxa des dixit qui imprègne les médias dominants (Cohn-Bendit a une quotidienne sur Europe 1), très macronophiles en l’occurrence, et ceux qui les écoutent.

Le vote utile fait un tel tintamarre jusque dans les médias sociaux qu’il semble inéluctable… Sauf que.

4 Le pêchàlalignisme, premier parti de France (au second tour)

C’est Guaino qui a lancé le concept. En cas de second tour Marine Le Pen/Emmanuel Macron, le gaulliste sourcilleux a annoncé qu’il "irait probablement à la pêche" pour la première fois de sa vie. Hortefeux a embrayé en avouant qu’il irait sans doute rejoindre Guaino. 

Il n’y a pas que ces vieux routiers qui sont prêts à s’abstenir.

Le répulsif lepéniste est moins efficace qu’auparavant. Interrogez un électeur de droite disons sarkoziste d’origine et demandez-lui s’il est prêt à voter Macron contre le FN ? Il grimace. Et Hamon ? C’est presque la nausée et le bulletin bleu marine dans l’urne. Pareil pour un électeur de gauche AOC : s’il a pu un jour voter Chirac, comment pourrait-il aujourd’hui imaginer glisser Fillon dans l’urne ? Ne parlons même pas des mélenchonistes allergiques à Macron. Bref le front républicain a du plomb dans l’aile. En cas de duel Emmanuel Macron-Marine Le Pen,  une étude d’Odoxa-Dentsu consulting est très parlante : 22 % des électeurs de Benoît Hamon, 41% des partisans de Jean-Luc Mélenchon et 24 % des "fillonistes" s’abstiendraient, voteraient blanc ou nul.

C’est tout le paradoxe de cette élection. La diversité et le renouvellement de l’offre au premier tour pourraient cristalliser une forte participation. Mais les personnalités tranchées et clivantes des finalistes seraient un signal pour une forte abstention au second. Avec toutes les conséquences que cela comporte…

5 La nuit des seconds couteaux

Pendant l’épisode des primaires, l’hécatombe des favoris a donné le la, ici et là. Mais l’élimination potentielle des deux partis de gouvernement dès le premier tour pourrait rebattre de nouvelles cartes. À droite, à gauche et ailleurs, s’ils ne renoncent pas à leur carrière nationale, les éliminés du scrutin seront immédiatement challengés par des seconds couteaux qui voudront capter la lumière le soir du premier tour.

À droite, Thierry Solère (45 ans), seul porte-parole talentueux de Fillon et logiquement démissionnaire, n’aura plus de plâtre dans 50 jours. Le prix du jeune espoir, ex-porte-parole de Sarkozy, Gérald Darmanin (34 ans), pourra aussi revenir sur le devant de la scène même s’il se blottira probablement derrière Xavier Bertrand. En attendant, il a déjà posé ses marques en tweetant : « Jusqu'à présent ce sont les socialistes qui faisaient monter le Front National, maintenant c'est nous. J'ai honte de ma droite. »

À gauche, Najat Vallaud-Belkacem (39 ans) est déjà un peu sortie du bois en publiant un livre de mémoires (si, si), exercice obligé pour tout politique qui a des ambitions nationales. Et elle est assez maligne pour jouer l’une des rares ministres de Hollande à être loyale avec Hamon. Déjà douée pour la synthèse la petite…

6 Une classe politique éparpillée façon puzzle

Refondé en 1971 par François Mitterrand au Congrès d’Épinay, le parti socialiste est en train d’agoniser sous nos yeux. Si Hamon fait un score, disons inférieur à l’étiage du parti (14 %), il a peu de chances de prendre le contrôle du PS à l’issue du premier tour. Et là, seule une Najat pourrait récupérer la mise et reconstruire sur les décombres. À moins qu’elle ne rejoigne à son tour Macron pour une formation social-libérale qui acterait la fin du PS d’Épinay. Hamon pourrait alors toujours tenter de reconstruire une gauche à la « Die Linke » en perpétuelle opposition….

Mélenchon (65 ans) joue probablement son dernier tour de piste. S’il tente de survivre ensuite, il sera à son tour balayé par le dégagisme qu’il a si bien théorisé…

Les républicains sont encore plus mal barrés. On les croyait sortis de la berge après la primaire mais ce parti qui a besoin d’un chef pour cheffer n’a de cesse depuis la défaite de 2012 de générer des prétendants à défaut de se trouver un leader. Entre droite modérée et droite bonapartiste, les deux familles irréconciliables trouveront bien le moyen de se diviser à nouveau telle une amibe scissipare.

Le centre est déjà séparé entre Modem et UDI. Si les enfants de Borloo se déchirent de surcroît entre allégeance à Macron et ralliement à Juppé ou à Fillon, on pourra comptabiliser de multiples principautés…

Bref, si le social-libéralisme de EM ! aimante suffisamment de socialistes formatés Hollande et de centristes orphelins mais pas suicidaires, toute la carte politique de la Ve, peignée tel un jardin à la française entre droite et gauche, ressemblera à un terrain vague hirsute avec deux taupinières asymétriques qui tenteront de récupérer des graines génétiquement modifiables. 

7 En 2022, la vengeance d’une blonde

À moins qu'elle ne s’effondre dans les débats, Marine Le Pen sera au second tour. Les affaires judiciaires n’ont pas sur elle l’impact des déboires de Fillon et son socle est solide. Mais après ? Malgré  le pêchàlalignisme, il y a encore peu de chances qu’elle remporte le scrutin mais son score sera au moins le double de celui de son père en 2002. Elle sera alors une véritable alternative pour le coup d’après. Elle ou sa nièce. Car si elle patauge dans la dernière ligne droite, le dégagisme pourrait aussi l’atteindre…

En fait, peu importe la blonde qui se présentera alors. Elle sera face à un héritier quel qu'il soit. Car pour battre le Front national en 2017, il faudra bien composer une alliance hétéroclite de forces centrifuges reconverties en forces centripètes et de haines recuites. Si c’est Macron, c’est une évidence. Mais même si c’est Fillon. Même si c’est Hamon. Encore plus, si c’est Juppé. Quel que soit le vainqueur, il devra composer, rassembler, rafistoler, réconcilier. Pendant cinq ans !  Et ce gouvernement d’union nationale et de consensus à l’allemande a intérêt à réussir sous peine de subir à son tour un revers terrifiant.

Sauf si on change de république…

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