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Pour sauver l’Europe, faut-il la transformer en empire (romain)?

Décrypter Par Eric Le Braz 12 novembre 2018

Pour sauver l’Europe, faut-il la transformer en empire (romain)?

Avec lui, on en prendra pour cinq siècles de pax romana

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Le Royaume-Uni nous a largué et l’Europe risque de se disloquer. Nous sommes arrivés au bout d’un modèle devenu répulsif. Car on ne peut pas diriger un continent comme on manage une administration... L’Europe empire ? Métamorphosons-là en empire !

Non, non le Brexit n’est pas une catastrophe pour le continent. C’est même une chance pour la France et une opportunité pour l’Europe. Et souhaitons aux Hollandais de suivre leurs maîtres à penser. Débarrassés des tenants du dogme libéral et soulagé de quelques populistes très bas de plafonds (il en restera, hélas), nous allons pouvoir imaginer un autre futur.

C’est le moment de changer de paradigme et de penser enfin en dehors des clous.  De Rocard à Le Maire, tout le monde entonne sa petite musique pour réformer cette Union qui s’effiloche. 

Mais on ne raisonne jamais très loin, ni très haut. L’Union européenne arrive au bout de son obsolescence programmée. Et on veut rafistoler la machine alors qu’il faudrait en changer. Pour sauver l’Europe, il faut penser out of the box. Et revenir aux fondamentaux : nos origines romaines.

1 Sauver l'Europe ! L’Union européenne est un tue-l’amour

Pour sauver l’Europe, faut-il la transformer en empire (romain)?

Une technocratie illisible et un parlement (ici à Strasbourg) soumis aux lobbies, ça fait pas envie.

Diliff

L’Union européenne va mal depuis qu’elle grandit et ça ne risque pas de s’arranger. D’un côté, et le Brexit nous en fournit une preuve éclatante, les nationalismes identitaires et populistes prospèrent car ils savent séduire les électeurs avec un message régressif qui se résume en une seule formule : « C’était mieux avant ». De l’autre, les europhiles qui devraient nous parler de futur peinent à charmer le peuple avec un discours raisonnable et des résultats finalement peu probants. L’Europe se vend mal et ça ne risque pas de s’arranger.

Certes, la construction européenne est parvenue à maintenir le continent en paix depuis 70 ans, ce qui n’était pas arrivé depuis l’effondrement de la pax romana (en 476, ça fait un bail). Mais cet acquis (mal vendu) s’estompe face à une Europe hétéroclite, cerbère pavé de bonnes intentions aux têtes antagonistes. A Bruxelles, le business le plus sauvage côtoie une bureaucratie kafkaïenne et des élus sous influences. L’Europe est devenue répulsive.

Comment les peuples pourraient-ils adhérer à cette superstructure inhumaine, à cette technocratie illisible, à ce parlement invisible soumis à tous les lobbies ? Comment Juncker, Schultz ou Draghi pourraient-ils faire vibrer les foules ?  L’Europe ne fait pas bander et ça ne risque pas de s’arranger.

2 Sauver l'Europe ! Une nation est taillée pour un Etat, un continent mérite un empire

Pour sauver l’Europe, faut-il la transformer en empire (romain)?

Nous sommes tous des enfants de la louve...

L’Europe est un écosystème complexe sur lequel on a construit une usine à gaz et dans laquelle personne ne se reconnaît. Il faut aujourd’hui simplifier ce système en le coulant dans une structure juridique claire. Mais laquelle ? Transformer l’Europe en nation, quand bien même on la nommerait Etats-Unis d’Europe, a-t-il un sens ? L’Europe n’est pas une nation, c’est un continent. C’est une somme.

Pour gouverner, représenter et incarner un tel maelstrom, il faut plutôt décaler notre pensée… et revenir aux sources de notre culture. L’Europe n’est pas un pays judéo-chrétien de race blanche. C’est  un continent polythéiste, converti au christianisme, glissant vers l’athéisme, mais aux racines gréco-romaines prégnantes. C’est la fille de l’Empire romain.

C’est cet empire qu’il nous faut aujourd’hui reconstruire pour éviter de nous dissoudre dans un monde qui nous dépasse. C’est l’empire qui nous empêchera de nous effondrer sous les coups de boutoir d’ennemis extérieurs (le Califat, la grande Russie…). C’est cet empire qui nous protégera de nos errements intérieurs, des gouvernements hors sol et des dérives populistes…

Nous sommes aujourd’hui au XVIe siècle après la chute de Rome. Il est temps de bâtir une nouvelle renaissance. Il faut reconstituer l’empire romain.

3 Sauver l'Europe ! Nous sommes tous des Romains

Pour sauver l’Europe, faut-il la transformer en empire (romain)?

Oui, Rome a aussi inventé les manifs. 

Si la Grèce a inventé notre civilisation, c’est Rome qui l’a diffusée. Après les conquêtes d’Alexandre, la  culture grecque a imprégné l’orient à l’époque hellénistique. Mais c’est bien Rome qui a durablement inspiré l’âme de notre continent.

Nous leur devons tout, de notre langue (latine) à la mesure du temps : les mois (Janvier, c’est Janus, mars…c’est Mars), les jours de la semaine (mercredi, c’est Mercure, vendredi, Vénus)... En 45 avant J.-C., Jules César imposa le calendrier julien qui est toujours le nôtre ! C’est grâce à lui que nous suivons le soleil et pas la lune.  Tous nos chemins viennent de Rome ; Nos spas sont des remakes de leurs thermes. Leur droit est devenu le notre. Nous leur devons le meilleur et le pire. Les jeux du cirque, sont la bande annonce des loisirs de masse. Il y avait même des hooligans sous les Romains…

Nous pouvons aujourd’hui recycler une autre création romaine : celle de l’empereur pacificateur. Face aux tensions violentes qui traversent le continent entre le peuple et l’élite, les jeunes et les vieux, les provinces et les métropoles, l’Auguste (l’augmenté) apaise.   « Les Romains avaient accepté la création de l’empire précisément pour mette un terme aux guerres civiles, écrit Xavier Darcos dans son (passionnant) Dictionnaire amoureux de la Rome antique. Tout était justifié et pardonné au nom de la quiétude publique, la pax romana. » 

Mais ne pas confondre empire et tyrannie. On ne musèle pas facilement de grands bavards. Les Romains débattaient comme nous de l’immigration et des « sans papiers », s’insurgeaient comme nous contre la corruption et le népotisme. L’entretien d’une clientèle de plébéiens par les riches patriciens puis par l’empereur n’est pas très éloigné du RMI.  Ils  avaient une monnaie unique, un réseau routier que nos autoroutes suivent encore, des voies maritimes sécurisées  pour importer le blé égyptien et exporter leur soft power bref ils ont inventé la première mondialisation. Spatium est urbis et orbis idem, dit Ovide (Fastes, 2). Traduisez : « Les autres peuples ont des limites qu'ils ne doivent pas franchir : les limites de la ville de Rome et de l'univers sont identiques ». Une punchline reprise par les papes dans leur bénédiction urbi et orbi. A priori  d'Alea jacta est  à Vice versa, la citation latine, Volens nolens, imprègne nos vies Ad nauseam. DuVulgum pecus. Jusqu'à Zlatan qui la joue comme Jules César.

4 Sauver l'Europe ! Les nations ont la nostalgie de l’empire

Pour sauver l’Europe, faut-il la transformer en empire (romain)?

François-Joseph et Sissi : la dislocation de leur empire aura des répercussions jusqu'aux nouvelles guerres balkaniques.

Eric Zemmour ne se circonscrit pas à sa caricature et si ses idées sentent le renfermé, ses analyses sont parfois percutantes.  Ainsi dans Mélancolie française, il décrit avec soin, l’immense et inconsolable nostalgie des Français pour la gloire de l’Empire. Les quinze années de pouvoir de Napoléon furent l’acmé d’une domination française séculaire lorsque notre pays était peuplé, admiré et vainqueur du continent. Mais Zemmour, comme ses frères dépressifs, de Finkielkraut à Onfray, est incapable de penser en dehors de son Hexagone étriqué. Sa francobsession l’empêche d’imaginer que d’autres nations peuvent être atteinte de la même mélancolie.

Car toute l’Europe est nostalgique d’un empire ! A commencer par les Italiens, héritiers directs de Rome. Mais ils ne sont pas seuls. La France partage avec l’Allemagne, le souvenir du premier empire médiéval de Charlemagne.

L’Allemagne n’a pas eu qu’un troisième Reich (dont le caractère ethnique exclusif est d’ailleurs le contraire d’un empire – voir point 7). Son deuxième lui a rendu l’unité. Son premier a duré mille ans. Le Saint empire germanique était une puissance dont les souverains narguaient Rome… et le Kaiser est César en germain (et un Tsar en russe).

L’Autriche et la Hongrie ont conçu une alliance au sommet pour gouverner des peuples, des Balkans aux Carpates, irréconciliables. La Mittel Europa cosmopolite dirigée par Vienne était un océan de stabilité au cœur du continent et un rempart infranchissable face aux Turcs.

Que dire du Royaume Uni qui nous quitte par un peu de bêtise et beaucoup d'impérial orgueil ? De l’Espagne « fière et ombrageuse » ? Des Pays-Bas qui régnèrent sur les 7 mers ? Du Portugal ? Tous ces pays ont la saudade d’empires outremer…

Chaque nation qui compose notre mosaïque continentale fut un jour plus grande qu’elle ne l’est. Même la Pologne dont l’alliance avec la Lituanie lors de l’Union de Lublin dura deux siècles. Pendant la Renaissance encore, l’Union de Kalmar a réuni pendant un siècle et demi les trois royaumes scandinaves. La Grèce se souvient de Constantinople et de l’empire d’Orient. Les Belges ? Oui, les Belges ! Charles Quint est né à Gant et son empire belgo-austro-hollando-napolito-hispano-bourguignon fut la première véritable tentative d'Union européenne. Oui, nous avons tous renoncé à des territoires, à une influence, à une ambition.

Mais ce que nous avons perdu, nous pouvons aujourd’hui le retrouver. En réincarnant l’empire d’origine, nous serons plus forts que nous ne l’ont jamais été Napoléon, Barberousse, François Joseph ou Victoria.

5 Sauver l'Europe ! Un empereur soude les communautés à l’intérieur

Pour sauver l’Europe, faut-il la transformer en empire (romain)?

Mohammed VI lors de la fête du trône  : une réminiscence protocolaire du triomphe des empereurs romains (l'ombrelle remplace la couronne de lauriers).

Imaginez un  territoire sur lequel cohabite plusieurs langues, un nombre incalculable de dialectes, des tensions et des inimitiés entre communautés différentes, des bourgeois ultra conservateurs et des gosses de riches décadents, un peuple réac et une poignée de progressistes intellos, des haines partagées entre riches et pauvres, des hommes qui vivent au XXIe siècle et d’autres qui sont restés au Moyen âge… Ce pays existe, c’est le Maroc. Avant on disait, l’empire chérifien.

Ce pays est au bord de l’explosion permanente : les Amazigh comme le petit peuple de Casa détestent les aristos arabes de Fès, les urbains méprisent les arouibias (ploucs), des manifestants proalestiniens y brocardent régulièrement les juifs mais c’est pourtant le seul pays du monde arabe à protéger sa minorité juive, les islamistes y gagnent les élections et gouvernent la plupart des cœurs, mais ils n’imposent pas leur loi… grâce à un roi. Mohamed VI n’est pas le plus grand des démocrates  mais il se positionne pourtant  à des années lumières des tyrans qui ont provoqué les printemps arabes. Affairiste ou  interventionniste, il a beaucoup de défauts aux  yeux de ses (rares) détracteurs mais il a une qualité que peu lui contestent : celle d’unifier un royaume ingérable. Sans lui, le Maroc serait au mieux l’Algérie, au pire la Syrie.  Seule la Jordanie est comparable et il n’est pas anodin que les deux pays arabes qui se sortent du maelstrom actuel sans trop de dégâts soit deux monarchies pas pétrolières…

Ce qui est vrai pour un royaume peut- il le devenir pour un empire ? On peut en prendre le pari. Jamais un président, De Gaulle compris, ne parvient à rester longtemps au-dessus de la mêlée, il reste trop lié à sa tribu politique.  Or, un monarque est génétiquement programmé pour survoler les autres, pour éviter de prendre parti tout en protégeant les plus faibles. On peut concevoir un empereur garant des libertés et protecteur des minorités. Il n’est pas anodin que les indépendantistes écossais ou catalans veuillent s’émanciper d’une nation sans quitter l’Europe.  Vienne a prouvé qu’un pouvoir central fort pouvait s’associer à une de ses minorités (la Hongrie)…

Qui peut se reconnaître dans un conseil européen, dans le parlement, dans la commission ? Personne. L’empereur est une figure tutélaire qui ne se confond pas avec le tyran. L’empereur, c’est le parrain sans la mafia. L’empereur, c’est l’autorité sans autoritarisme. L’Empereur c’est un pouvoir global qui pourra protéger les démocraties locales.

6 Sauver l'Europe ! Un empereur impose le respect à l’extérieur

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Oui, on peut être Tsar et icône gay. 

Twitter president of russia

L’Europe ? Quel est son numéro de téléphone ? La blague (apocryphe ?) de Kissinger qui ironisait sur l’absence de leader pour incarner l’UE fait toujours aussi mal. Ce n’est pas un « commissaire » (mais quel titre affligeant !) qui pourra se faire entendre des grands de ce monde. Car ceux-là dirigent déjà des empires. Il ne manque qu’à Poutine de se faire couronner tsar avant de défiler torse poil sur son cheval. Les Chinois n’ont jamais rompu avec leur empire multimillénaire : de Qin Shi Huang à petit fils de Kubilai Khan, de Mao à  Xi Jinping , un seul homme tient toujours d’une main de fer son milliard de sujets. L’impérialisme américain n’a pas besoin d’un tyran à sa tête pour imposer sa loi au reste du monde… Quant au Japon, la troisième puissance mondiale a toujours un empereur pour incarner son histoire… Et que dire d’Erdogan et ses fantasmes d’empire ottoman ? Et que penser des nouveaux satrapes de la steppe, d’Alexandre Loukachenko à Noursoultan Nazarbaïev ?

Face à ces empires bien vivants qui encerclent notre vieux continent, nous devons rebâtir le nôtre. Face à ces empereurs de fait, il nous faut imposer un empereur de droit. Il aura une mission claire, des pouvoirs de politique étrangère… et un numéro de téléphone.

7 Sauver l'Europe ! L’empire c’est l’avenir de l’homme

Pour sauver l’Europe, faut-il la transformer en empire (romain)?

Septime Sévère, un Libyen devenu empereur des Romains. Un bel exemple d'intégration et d'ascenseur social. 

Qu’est ce qu’un empire ? C’est une très bonne question et je remercie Yuval Noah Harari de l’avoir posée. Dans Sapiens,  son livre génial qui raconte « une brève histoire de l’humanité », l’historien israélien répond qu’ « un empire se définit exclusivement par sa diversité culturelle et ses frontières flexibles, plutôt que par ses origines, sa forme de gouvernement, son étendue territoriale ou la taille de sa population ». L’empire est protéiforme, évolutif et relatif. C’est un antidote puissant au nationalisme et à ses obtuses certitudes. Et c’est une incitation au métissage culturel.

Pour régner sur la diversité, la tolérance est un préalable. Ce n’est pas l’empire ottoman qui a massacré les Arméniens, mais les Jeunes Turcs nationalistes qui lui ont succédé. Un empire est inclusif, il ne peut tolérer, sous peine de mort, une exclusivité ethnique, religieuse ou simplement nationale. Un Etat nation a tendance à annihiler les identités régionales ; un empire s’en nourrit. C’est ainsi qu’Alexandre s’inspira de Cyrus et transmit cette conception du monde aux empereurs romains.

Tibère, le deuxième empereur eut cette formule  à propos des peuples soumis qui résume de manière frappante le pragmatisme impérial romain "Le travail du bon berger est de tondre les moutons, non de les égorger”. Puis Claude autorisa les Gaulois à devenir sénateurs, en moins d’un siècle ce sont les représentant des  peuples conquis qui accédèrent à la magistrature suprême à l’image des Ibères antonins, de Septime Sévère, un Libyen ou Philippe un Arabe. L’empire, c’est l’ascenseur social.  Un esclave affranchi pouvait espérer voir son fils sénateur. Sous Caracalla, tous les hommes libres obtinrent la citoyenneté.

Rome se nourrissait de ses différences et adoptait la culture des grecs comme les Dieux des Egyptiens. C’est la force d’une éponge.

C’est cette puissance qui doit aujourd’hui nous inspirer. Peut-être autour d’un noyau dur de quelques Etats-nations qui sauront surmonter leurs nuances pour créer un camaïeu politique inédit ou presque. L’Allemagne, la France et l’Italie – l’empire de Charlemagne -  seraient une bonne base ; c’est plus solide de reposer sur trois pieds. Ou cinq avec la Belgique, le Luxembourg.  Les Hollandais sont des Anglais. Ce noyau a vocation à grandir et à absorber – pacifiquement – d’autres entités. L’empire romain régnait sur les deux rives de Mare nostrum.

Mais notre nouvelle mère commune, c’est la terre. L’empire européen a aussi vocation à poser les prémices d’un gouvernement planétaire. Dans Sapiens, Yuval Noah Harari estime que l’empire doit devenir mondial car c’est le seul moyen de résoudre les défis qui attendent nos enfants :  « Le mandat céleste des Chinois a été donné par le ciel pour résoudre les problèmes de l’humanité. Le mandat céleste sera donné par l’humanité pour résoudre les problèmes du ciel tels que le trou dans la couche d’ozone et l’accumulation des gaz à effets de serre. Le vert pourrait bien être la couleur de l’empire mondial ». Voilà. Le programme.

Il reste maintenant à commencer par le plus difficile. Trouver un empereur ou une impératrice.

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