7 enjeux sociétaux exposés au Forum sur la Gouvernance de l'Internet
Le jeudi 5 juillet 2018 s'est tenu à Paris, le Forum sur la Gouvernance de l’Internet (FGI), qui rassemblait chercheurs, experts, sociétés civiles, entreprises et politiques autour d’Ateliers sur l’Avenir du Numérique pour échanger et émettre des recommandations concrêtes. 7x7 était présent et présente 7 enjeux de l'Internet pour nos sociétés.
Le monde change vite et des défis majeurs apparaissent autour du développement numérique, de l’Internet et de sa régulation. C’est dans ce but que plusieurs organisations (CINOV, Data et écologie, CSA, CNIL), associations (AFNIC, ARCEP) ou personnalités politiques se sont réunies jeudi 5 juillet 2018 à l'université Descartes à l’occasion du Forum sur la Gouvernance de l’Internet (FGI) autour de quatre parcours thématiques: "Reprendre la main", "Cyber politique", "Humanités numériques", "Responsabilités éthiques et sociales".
Institué par le Sommet Mondial sur la Société de l'Information, à Tunis en 2005, le FGI est un espace de dialogue innovant, rassemblant des représentants des Etats, des entreprises, des experts et de la société civile.
Le Forum sur la Gouvernance de l'Internet France 2018 a démarré depuis avril 2018 par plusieurs Ateliers de l'Avenir Numérique. L'édition française souhaite conduire une réflexion collective et approfondie sur les enjeux complexes de l'Internet.
Avec un objectif clair : échanger et réfléchir à des propositions concrètes pour l’avenir du numérique. Ces recommandations seront présentées lors du Forum Mondial sur la Gouvernance de l’Internet, que Paris accueillera en novembre 2018.
Voici une sélection de 7 défis de l'Internet pour nos sociétés et également les interviews de Marylou Leroy (Conseil National du Numérique), Laurent Bloch (Institut de l'Iconomie), Jean-Pierre Bienaimé (Irest), Sébastien Bachollet (ISOC) et Constance Bommelaer de Leusse (Internet Society) avec 3 questions :
- Quels sont les enjeux et risques politiques du Cyberespace ?
- Vos recommandations pour un avenir numérique positif ?
- Comment vous protégez-vous sur Internet ?
1 | FGI : Faut-il une régulation numérique ? |
Des inquiétudes apparaissent autour de l’avenir du numérique, rappelle Bertrand de la Chapelle directeur de l’association Internet et Juridiction Policy Network, destinée à analyser les tensions entre Internet et les juridictions nationales. Trois objectifs seraient à réconcilier pour garantir un avenir numérique serein : lutter contre les abus, protéger les Droits de l’Homme et assurer le développement de l'économie numérique. Sur ce sujet, des projets de loi et des initiatives ont vu le jour dans de nombreux pays.
Une régulation numérique serait en cours mais elle ne fait pas l’unanimité, étant considérée par certains comme inadaptée ou insuffisante. Ainsi, Sébastien Soriano, président de l’ARCEP, estime qu’il ne s’agit pas de la bonne solution. Rappelant que le succès que rencontre Internet est lié au fait que personne ne le contrôle réellement, il pense qu’il sera très compliqué d’obtenir un consensus à l’échelle internationale, du fait que tout le monde n’a pas la même vision du numérique. Une vision partagée par Salwa Tooko, présidente du Conseil National du Numérique, qui estime qu’Internet est devenu dangereux, notamment pour les femmes, qui doivent davantage participer aux débats autour de la sécurisation d’Internet. Paula Forteza, députée des Français de l’étranger, estime de son côté que la loi ne serait pas assez précise pour réguler l’Internet. Alain Assouline, président du CINOV, se dit lui favorable à une régulation et qu’il serait important de redéfinir une éthique sur le numérique.
2 | FGI : Comment sécuriser Internet ? |
Au delà de la régulation du numérique se pose la question de sa sécurité, d’autant que le nombre d’objets connectés est actuellement en pleine explosion (6 milliards d’objets connectés aujourd’hui pour 20 milliards en 2020). Pour sécuriser l’Internet, la première notion à rappeler est la cybersécurité, ensemble de moyens visant à protéger des dangers. Néanmoins, il semble qu’aujourd’hui de nouvelles mesures soient nécessaires pour assurer cette sécurité. Plusieurs mesures sont évoquées par Gérard Peliks, président de l'association CyberEdu et spécialiste des questions de cybersécurité. Parmi elles est proposée une plus grande sensibilisation de l’utilisateur face aux dangers de l’Internet. Enfin, il semble nécessaire de prévoir en amont quelles devront être les réactions face à tous types de cyber-attaque, susceptibles d'intervenir à 4 niveaux différents, dits "Couches du cyberespace": la couche psycho cognitive, la couche des logiciels, la couche de supervision et la couche des infrastructures. D'autres questions peuvent également se poser telles que la sécurisation des câbles Internet. En mars 2018, la rupture d'un câble sous-marin dans l'océan Atlantique entraîne une coupure totale d'Internet en Guyane et sur l'île de Saint-Barthelémy.
Or, comme le rappelle Bertrand de la Chapelle, "si le cyberespace est transfrontières, les lois sont nationales, et basées sur les territoires. Cette tension ne sera résolue que par le développement coordonné de standards d'interopérabilité légale et de cadres de coopération aussi transnationaux que l'Internet lui-même".
Il existe différents types de cyber-attaques et certaines peuvent être plus graves que d’autres. Se pose la question de savoir si le droit international peut apporter une réponse, surtout lorsqu’un État est victime d’une cyber-attaque. Tout dépend en réalité de la gravité. Il existe des réponses légales, tel qu’un appel lancé aux organisations internationales et en cas de légitime défense, la réaction doit être proportionnelle aux dommages subis, en évitant le recours à la force.
3 | FGI : Quels sont les nouveaux territoires et frontières sur Internet ? |
Bien sûr, un territoire est limité par des frontières et doit exister physiquement pour être défini comme « territoire ». Mais la puissance et l’omniprésence d’Internet aujourd’hui partout dans le monde peut permettre de considérer Internet comme un nouvel état géographique. Il existe cependant des frontières étant donné qu’Internet n’est pas le même partout.
Ce sont les différents rapports entre humains qui sont susceptibles d’influencer Internet.
C’est ainsi que la Russie a lancé ses propres outils pour garantir sa souveraineté nationale : moteur de recherche, réseaux sociaux (VKontact, équivalent de Facebook), sites d'hébergements de vidéos (RuTube, référence évidente à YouTube) ou de vente en ligne (Ozon).
4 | FGI : Quel est l’impact de la plateformisation en France ? |
On l’a vu, le numérique se généralise et cela n’épargne aucun secteur, pas même celui de l’emploi et des entreprises. Cela nous amène à la plateformisation, que l’on pourrait définir comme un phénomène qui pousse les entreprises à se tourner vers la transformation digitale pour devenir à terme des « entreprises-plateformes ». À terme, cela modifie les structures de l’entreprise et est censé dynamiser leurs missions.
Pour Françoise Colaïtis de Cap Digital, "des empires numériques se sont construits avec les données que nous avons cédées, et semblent dessiner la carte d'un monde bipolaire".
La plateformisation se développe aujourd’hui en France dans le secteur du BTP ou de l’aide à domicile. Mais son utilisation présente quelques inconvénients. Parmi eux, l’absence de cadre légal entraîne une absence de responsabilité. La plateformisation rend également les travailleurs indépendants sans protection contrairement à l'entreprise, qui garantit les droits sociaux. Est également pointée du doigt une organisation de travail décentralisée accroissant les risques psycho-sociaux liés à l’autonomie, l’intensité, le rythme ou encore les relations sociales.
La plateformisation entraîne aujourd’hui la création de micro-tâches. Il s’agit de courtes missions pouvant permettre de toucher un complément de revenu. L'avantage principal est de pouvoir organiser son temps et sa vie différemment. Mais, si les micro-tâches permettent aux entreprises d’économiser des emplois, les compléments de revenus, compris généralement entre 30 et 50 euros, sont dérisoires. De plus, les entreprises peuvent refuser de payer une tâche, et ce sans que le salarié ne puisse avoir de recours.
5 | FGI : L'arrivée de la 5G et le développement des objets connectés ? |
Le futur proche du numérique laisse entrevoir le développement de la 5G. Des experts de plusieurs organisations (IREST, Internet Society UK, AFNUM, La Quadrature du Net) rappellent que le numérique va de plus en plus jouer un rôle important dans notre société et que les continents qui ne se mettront pas à la 5G risqueront de prendre du retard économiquement. Les experts rappellent également que la 5G n’est pas uniquement liée à l’évolution de la 3G et de la 4G. L’un des problèmes soulevés est que le développement envisagé de la 5G contraste avec le retard que l’Europe a pris avec la 4G et la 3G. En France, il existe toujours des « zones blanches », nom donné à des endroits généralement éloignés des grandes villes et n’ayant pas d’accès à la 3G ou la 4G. La situation est pourtant plus positive en France qu’en Allemagne. La fibre optique sera indispensable pour la 5G car la seule utilisation de l’ADSL sera insuffisante. Un projet d’harmonisation autour de la 5G est envisagé d’ici à 2020.
L’arrivée de la 5G devrait changer la donne du côté des appareils connectés. C’est parmi eux que figure la voiture connectée. Mais les experts rappellent que cette innovation présente des risques, notamment celui de l’arrêt du fonctionnement de la voiture en cas de perte de connexion.
Si la 5G semble être une avancée importante pour les prochaines années, les experts estiment néanmoins que certaines choses restent floues et ont des doutes sur l’accessibilité et la viabilité technique de certains choix du programme. Ils rappellent enfin qu’il ne faut pas oublier de veiller à ce que les droits et libertés fondamentales soient respectés.
6 | FGI : Le numérique au secours de la Planète ? |
Comme nous l’observons depuis le début, le numérique représente l’avenir mais il fait l'objet de beaucoup d’interrogations. Pour mieux envisager cet avenir, le Forum sur la Gouvernance de l’Internet a présenté des initiatives au service de la planète. Les données numériques peuvent-elles venir au secours de la planète ?
Pour Sébastien Bacholet, "l'avenir numérique existera si - et seulement si - il y a un avenir pour notre Terre. Il doit être un outil permettant d'aller vers la paix et non vers la guerre, d'avoir accès à une eau potable et non polluée, à de la nourriture et non à la famine, et d'offrir un toit aux sans-abri. L'Internet pour tous, par tous et partout, doit être et rester ouvert, divers et accessible tant géographiquement que financièrement pour rester la base d'un avenir numérique planétaire."
Pour Daniel Kaplan, fondateur de la FING, il est important de faire un état des lieux sur la nécessité d'associer le numérique pour rendre plus efficaces les politiques menées autour de l'environnement. Plusieurs initiatives ont été présentées, et parmi elles figure un projet de plateforme de changement climatique 4D Immersion fonctionnant avec une technologie blockchain (technologie sans organe de contrôle), projet sur lequel travaille actuellement Adina Popescu, fondatrice de l'association France Earth.
Parmi les autres initiatives figure IssyGrid, présenté par la société EMBIX, un réseau de quartier intelligent (ou smart grid) implanté à Issy-les-Moulineaux, près de Paris. Ce quartier contenant 2000 logements pour 5000 habitants utilise le numérique pour mieux protéger l'environnement. Dans les rues, des lampadaires connectés permettent d'éclairer la route en fonction du trafic. Un poste de distribution électrique utilise le stockage de la photovoltaïque pour réduire la consommation électrique, du soir principalement. Les données énergétiques de consommation des habitants sont relevées tout en respectant leur vie privée, un travail mené en collaboration avec la CNIL. Ce quartier intelligent, le premier de ce type en France, sert de modèle à d'autres projets en cours tel que celui d'un écoquartier à Nanterre, prévu d'ici à 2020.
Le recours aux innovations technologiques pour accélérer la transition écologique est bien réel, comme nous le présentions sur 7x7. Pour cela, quatre axes de développement sont présentés :
1) réduire l'empreinte écologique du numérique
2)utiliser le numérique pour mieux concevoir les politiques écologiques
3) soutenir l'innovation numérique en faveur de l'écologie
4) mobiliser le potentiel des données au service de la transition écologique.
Pour Corinne Pulicani, fondatrice de D.RA.W., "Nos sociétés font face à de multiples transitions qui impactent dangereusement la biosphère. Nos civilisations contemporaines peinent à coordonner des politiques publiques efficaces en matière d'écologie. Le Numérique est souvent pointé du doigt car c'est l'un des principaux moteurs de transformation tangible de notre époque. Et si cet écosystème de technologies et d'acteurs puissants, à l'échelle mondiale, pouvait venir au secours de la Planète et servir efficacement le développement durable ?"
7 | FGI : Faut-il renforcer l’apprentissage du numérique dans le système d’éducation ? |
L'Internet existe depuis longtemps et son développement récent et fulgurant affecte tous les secteurs, mais son enseignement demeure en retard. Le numérique va de plus en plus faire partie de notre vie donc faut-il organiser son apprentissage dans le système éducatif ?
Pour Laurent Bloch, chercheur et fondateur de l'Institut de L'Iconomie, "L'informatique transforme l'économie, la politique, la culture, le monde : pour la liberté et l'égalité dans cet avenir numérique, je propose d 'introduire l'informatique pour tous à tous les degrés du système éducatif".
Faire entrer le numérique dans les écoles est un projet du Ministère de l’Éducation Nationale, datant déjà de plusieurs années. Parmi les objectifs figure le développement des compétences numériques et l’éducation au numérique « pour un usage plus responsable » selon le site du Ministère de l’Éducation. Au collège et au lycée, les compétences numériques des élèves sont désormais évaluées notamment grâce au B2i (Brevet Informatique et Internet). Ces compétences sont celles de travailler dans un « système numérique évolutif », rechercher des informations, organiser une recherche d’informations, exploiter des documents numériques ou encore communiquer et travailler en réseau.
Le système actuel sensibilise les élèves mais comme évoqué précédemment, le numérique peut être un danger. Dans l’enseignement du numérique, une sensibilisation aux risques et à la cybersécurité pourrait également être utile.
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