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7 intox RH

Surprendre Par Faustine Louit 29 mars 2017

7 intox RH

Tu vois, tu fais des schémas au feutre, sans PowerPoint. Avec des flèches aussi. Et plein de dessins, t'oublies pas les dessins, hein ! C'est plus humain. 

APEC
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Pour bien comprendre les RH, dont la fonction s’appuie sur un quiproquo qui consiste à croire que gérer l’humain, c’est cool, il faut se rappeler qu’ils sont des malaimés. 

Comme tous ceux qui ont un problème de reconnaissance, ils en font des tonnes pour qu’on les aime à commencer par dire qu’ils vont replacer-l’-humain-au-cœur-de-l’-entreprise. Mon œil ! En coupant les cheveux en quatre, on trouve sept preuves que les RH sont des gens qui ont été mal orientés dans leurs études et qui depuis, le cul entre deux chaises (une économique, l‘autre sociale), tracent en dépit du bon sens au travail des parcours de carrière pour les autres.

1 Trop humains pour être honnêtes

7 intox RH

"replacer-l’humain-au-centre-de-l’-entreprise" qu'ils disent

shutterstock

Comme tous ceux qui se sentent rejetés, ils se réunissent, souvent, pour parler de leurs problèmes, rien qu’entre eux, et tenter de soigner leurs illusions (replacer-l’-humain-au-centre-de-l’-entreprise ?, non mais tu rêves coco…) – comme les AA, sauf que l’anonymat, ils n’en veulent pas, la faute à leur problème de reconnaissance, tu suis ?

Congrès HR’, Digital RH, HR Speaks, #rmsconf, Salon RH France, Solutions Ressources Humaines, événements #Tru (#tru = true = vrai = sans langue de bois, mais on n’est pas obligé d’y croire), etc. Hors saison de ces grandes messes entre pairs, ils volent dans la même journée d’une Matinale RH à un ApéroRH. Volontiers convivial, le RH va à la rencontre d’autrui, sur le terrain, où il peut à loisir le flashcoder, le géolocaliser, le hashtaguer et le retweeter. On repassera pour le eye-to-eye contact. 

Ils se veulent innovants et humains, dans cet ordre, du coup ils fantasment des candidats cyborgs et misent sur la fiabilité logicielle plutôt que sur celle de leurs semblables.

Ils veulent une place au Codir, le temple du ROI (return on investment) sinon rien, c’est dire. Ils s’imaginent faciliter le dialogue social mais collectionnent les acronymes. En posant une main sur ton épaule, ils t’expliquent que le contact et le dialogue sont essentiels pour replacer-l’humain-au-centre-de-l’-entreprise, même quand il s’agit de le déplacer pour le mettre dehors. Il est alors « au-cœur-de-nos-préoccupations » et il s’agit d’être efficace et rentable (le retour de la revanche du return on investment) : moins de Paroles, Paroles, Paroles, plus d’arbitrages. Pardon mais on ne négocie pas un départ comme on attire un talent.

2 La marque employeur, ce leurre

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Tu verras Faustine, tu feras des trucs cools avec des gens cools, dans une boite cool. C'est cool, non ?

On attire un talent comme on drague platement et en série, avec un max de blabla, y’a qu’à voir la somme d’explications du concept de marque employeur pour s’en persuader. Les RH et leurs satellites de la com’ et du marketing versent dans la glose (où glosent sur leurs versets, je ne sais plus, ils m’ont paumée à force de se chercher) pour nous dire tout tout tout sur la marque employeur : ses origines, ce qu’elle est, ce qu’elle n’est pas, ce qu’elle ne devrait pas être, ce qu’elle n’est plus puisqu’à défaut de changer fondamentalement les concepts, on les rebaptise – parlons maintenant de stratégie d’influence, veux-tu. Le RH est bavard, moi j’abrège : la marque employeur permet par exemple de, euh, « vivre tout simplement la marque». 

Il s’agit de vivre, ouf, donc de rester vivant, c’est rassurant mais là encore, faut-il vraiment le croire ?, parce qu’à la lecture d’un lexique de recrutement – « chasse de tête », « guerre des talents », « cible » –, je doute. Et je crains l’incident diplomatique si je ne rends pas à Didier Pitelet, fondateur d’Onthemoon, spécialiste en communication et réputation d’entreprise, qui a déposé le concept en France en 1998, ce qui appartient à Simon Barrow et Tim Ambler, chercheurs à la London Business School. Je me réjouissais du retour de l’humain au cœur de l’entreprise quand je suis tombée sur sa définition : "Marque employeur : la mise en cohérence de toutes les expressions employeur d’une entreprise, tant internes qu’externes au nom de sa performance économique." Ça calme.

Si tu cherches l’humain, il est au placard et le calme de l’endroit incite à la méditation. Je t’y invite pour réfléchir à ce vocabulaire RH et belliqueux et te rappeler qu’on n’a jamais vu, à part chez les Casques bleus, de va-t-en-guerre animé d’intentions pacifiques. Candidat, méfie-toi, la marque employeur est une soldate doublée d’une chasseuse triplée d’une sirène, elle veut te prendre dans ses rets, te coincer dans sa nasse. Elle voit en toi une belle prise et te nomme ambassadeur comme on dope un champion. Un jour tu découvriras le toc de ce titre ronflant : employé tu es, utilisé tu seras pour parler de ta boîte, avec conviction et l’air illuminé des workalcoholics,  les jours ouvrés, les week-ends et les jours fériés.

3 L'onboarding, c'est bling-bling

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HI Faustine, welcome on board ! 

Team Mozilla

Il est prévu dans ce dispositif-RH-innovant, qu’on anglicise pour ringardiser l’intégration à la bonne franquette (— Bonjour, ravi de t’accueillir parmi nous ! Voilà ton bureau, tes collègues, voici l’imprimante, je te préviens, elle est capricieuse), il est donc prévu avec l’onboarding un rituel d’accueil suivi de deux jours d’immersion suivis d’une journée de formation-à-la-méthodo-maison suivie d’un stage express dans une filiale suivi d’un passage au service RH pour finaliser ton dossier d’embauche. 

Entre les lignes de ton contrat, on estime que tu dois savoir où est ton bureau puisqu’on t’a déjà expliqué où était ta place : au centre de l’entreprise. MAIS C’EST THÉORIQUE, comme le profil de poste qu’on t’a vendu. D’accueil, de bureau, d’outil de travail, t’as beau chercher et demander, y’a pas, pas encore, on pensait que tu arrivais un autre jour. Bling-bling, bling-bling… si tu trouves tout à coup que le blabla employeur sonne creux et faux, candidat, c’est le propre du répertoire de la sirène et si tu n’es pas sûr de vouloir rester, dis-toi que tu n’es pas le seul. 

Tu étais une statistique, une de l’APEC par exemple, de 2015, tu faisais partie des « 62% de jeunes diplômés de niveau Bac+5 qui ont un emploi un an après l’acquisition de leur diplôme », tu es toujours une statistique mais une autre, de la Dares : te voilà maintenant dans le tiers de CDI rompus avant un an. Tu aurais voulu illustrer mon propos précédent qui dit en substance que la marque employeur s’écoute parler, tu n’aurais pas mieux fait, merci.

4 Le recrutement innovant, c'est du vent

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Matilda, un robot qui a tapé dans l'oeil des recruteurs, ici dans les bras de son créateur, Rajiv Khosla, de l'université La Trobe, à Melbourne.

© La Trobe University

Voilà, t’es parti. Pour te remplacer, un RH va se taper des centaines de candidatures à trier (réf. offre : FR666) et des dizaines d’entretiens, va frôler l’apoplexie en découvrant les prétentions salariales de candidats plus ambitieux et motivés les uns que les autres, va échouer à intéresser les meilleurs, subir la pression des opérationnels, en prendre pour son grade et, pour conjurer le sort d’une mort annoncée, se tourner vers des pratiques occultes. Il hante les congrès RH prêt à vendre son âme à des sortes d’hybride de geeks démiurges et de stratèges d’influence (cf. #2) qui ont une solution par taille de budget : qui une formation au sourcing sur les réseaux sociaux, qui un logiciel de gestion des candidatures, qui du « matching», qui un… un… un robot ! Un robot !, un robot !, qui veut un robot pour remplacer le recruteur, cet être faillible qui mange du clone au petit déjeuner ? 

« On n’arrête pas le progrès ! » : on raconte que juste avant de se faire virer par la machine, un DRH s’était enthousiasmé un peu trop vite. Franchement, honnir d’un côté le recours à l’astrologie et croire de l’autre au recrutement prédictif, est-ce bien sérieux ?

5 Le baby-foot, comme si on n'avait que ça à foutre !

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Tu passes déjà ta vie à jouer à la roulette (russe).

flickr - tangi bertin

Hollande a beau dire « ça va mieux », ça n’empêche pas le stress de galoper en entreprise. Au service RH, où on est aussi payé pour favoriser le bien-être, voire le bonheur, au travail, pas que pour tester des programmes d’assessment, quelqu’un, qui avait lu que 75% des 500  alternants interrogés sur leur employeur idéal en 2015/2016 par Top Employers France/Pôle Paris Alternance, sont « attachés à la présence sur le lieu de travail d’espaces de détente, loisirs et socialisation », ce quelqu’un a donc lancé une idée de jeune comme d’autres sifflent le coup d’envoi d’un match de l’Euro : 

« — Il faudrait un babyfoot, près de la machine à café, pour se détendre.

— On n’est pas là pour faire mumuse mais pour gagner, tu comprends, pour gagner ! », a répondu le gros du staff avant de se retrancher dans la salle de visioconf pour mater une vraie rencontre en beuglant à chaque faute de main (pour rappel, jeu de main, jeu de vilain). On veut être cool au boulot et bizarrement, ça énerve. Un truc de plus qui sonne faux, de pas raccord avec le turbin et ce ne sont pas une partie de babyfoot ou des mini-viennoiseries dans le petit panier choupichou qui y changeront quelque chose : pour que les gens se sentent mieux, c’est simple, il faut qu’ils arrêtent de trimer comme des malades.

Teste avec un non footeux, censé être moins à cran qu’un supporter actuellement, et tu verras. Les yeux rivés sur ses stat’ et ses camemberts, il te dira quasiment la même chose, moins énervé, peut-être, mais plus désabusé : « — On n’est pas là pour se faire plaisir, tu sais, on est là pour gagner, pour gagner des parts de marché. » Et sans te regarder, il lorgnera dans le petit panier choupichou que tu lui tends, attrapera le dernier mini pain au chocolat et le bouffera en mâchant à peine un merci.

6 Le séminaire de développement personnel pour que tu fiches pas le bordel

Le RH te sent tendu depuis quelques temps, toi aussi d’ailleurs. Il feuillette un catalogue de formations, te prescrirait bien un petit séminaire. Entre « Gestion des émotions et du stress », « Relations de travail et coopération », il hésite. Toi tu te verrais plutôt solder tes RTT et te faire offrir un stagiaire esclave à ton retour pour alléger ta charge de travail. Le RH suit son idée, cette formation t’aidera à progresser. Et son job c’est ça aussi, te faire grandir, t’accompagner sur le chemin du succès… ou vers la sortie. 

Améliorer ses relations interpersonnelles, découvrir les vertus de la prise de recul, n’est-ce pas un bon programme pour acquérir les soft skills qui te manquent ? Et efficace. Te voilà dehors mais t’as découvert d’autres visions du monde que la tienne, tu as appris à relativiser, à analyser et à te vendre, ailleurs.

7 Fatal digital

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Prochainement sur nos écrans : l'humain augmenté au centre de nos préoccupations. 

Columbia Pictures Corporation

 Les RH kiffent le digital comme ils s’entichent des surdiplômés. Ils veulent des outils, pour aller plus vite, pour mieux comprendre, relier, échanger, décider, évaluer, motiver, prévenir, anticiper… Après des années d’intox sur l’utilité des réseaux sociaux en recrutement, certains commencent à admettre du bout des lèvres la supercherie mais c’est pour mieux s’exciter sur de nouveaux outils et usages applicables à différents champs des ressources humaines, la qualité de vie au travail (QVT) par exemple. Les RH jouent aux apprentis sorciers, te voient comme une mécanique qu’il faut régler et améliorer. 

En 2013, Christophe Deshayes et Jean-Baptiste Stuchlik, auteurs du Petit traité du bonheur 2.0 (Armand Colin, février 2013), vantaient les mérites du quantified self, du food logging, du m-coaching, du perfogaming, du e-relaxing, de la e-gratitude…, autant d’e-camelotes censées aider le salarié à gérer lui-même son bien-être au travail. Que ces outils soient déjà utilisés et devenus un domaine d’investissement prioritaire des entreprises outre-Atlantique avaient donné le frisson – mais lequel ? – à un parterre de RH venus les écouter. Aujourd’hui, c’est à des discours transhumanistes et eugénistes que certains prêtent l’oreille. Autant dire qu’avec des idées pareilles, l’humain au centre de l’entreprise, c’est mort.

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