7 leçons à retenir de la victoire de Jon Snow à la présidentielle de Westeros
La démocratie et Game of Thrones, ça fait deux. Et pourtant un scrutin vient d'être organisé par HBO… et il est très instructif !
Et si Westeros était un continent démocratique… qui accéderait au trône de fer ? Cette question pas si bête a été posée pendant tout le mois d’aout à la communauté de fans de Game of thrones sur thegotparty.com un site amusant qui reprend les codes des élections US (et en profite pour vendre plein de produits dérivés). 1 million 666 618 suffrages exprimés plus tard, c’est, sans trop de surprise, Jon Snow qui arrive en tête du scrutin.
Mais son avance n’est pas considérable et cette élection ludique rappelle que la série d’Heroic Fantasy de HBO est un formidable tuto de science politique.
(Attention, si vous avez raté une saison, ce récit est plein de spoils)
1 | Jon Snow, 35 %, la victoire d’un centriste souverainiste |
Lord commander de la Garde de nuit et tout nouveau roi du nord, Jon Snow est un come back kid tel que les affectionnent les Américains. Son programme est à la fois généreux (aider les migrants, heu... les sauvageons à s’installer, reconnaître les droits des enfants illégitimes à l’héritage) et belliqueux (reconstruire la Garde de nuit, se préparer à l’hiver qui vient…). Bref, humaniste et souverainiste, il picore des valeurs à droite et à gauche ce qui permet au seul candidat soldat de rassembler au centre.
Alliée avec la petite reine prodige de 10 ans, Lyanna Mormont qui l’a aidé à conquérir le trône, Snow est aussi terriblement séduisant en dépit de son éternel regard de bâtard errant, battu et trempé.
A noter que Jon Snow inspire les commentateurs politiques en France. D’aucuns estiment que, comme lui, « François Hollande a été lâchement assassiné par ses contestataires » (avant de -spoil -ressusciter lors dans la dernière saison). C’est Corinne Narassiguin, porte-parole du Parti socialiste, qui le dit. Hé oh la gauche, vous fumez quoi ?
D’autres soulignent que c’est Sarkozy, le Jon Snow de la politique puisque son épouse le compare à un « bâtard », « un genre de sang-mêlé ». Comme quoi, la gauche n’a pas le monopole des drogues douces.
Son slogan : « La longue nuit arrive et la mort avec elle ».
2 | Daenerys Targaryen, 32 %, une héritère revancharde, mais de gauche |
En dépit de ses ascendances limite nazi, et de son air aryen de walkyrie à dragon, Daenerys Targaryen est l’authentique candidate de gauche de ces élections. Icône féministe qui se libère de son macho de frère et s’impose dans des tribus patriarcales, elle est aussi une sorte d’Abraham Lincoln du continent Essos. La briseuse de chaîne libère les esclaves et les promeut socialement. Elle n’est en revanche pas parvenue à devenir aussi la Mandela des cités libres et n’a jamais réussi à réconcilier les anciens maitres et les nouveaux hommes libres.
Son programme électoral à GOT2016 reflète ses convictions : la « liberté pour tout le monde connu »,« l’autonomisation des femmes » et aussi… « la reconstruction de la population des dragons. ». Alliée à Tyrion Lannister, elle a toujours su s’entourer des meilleures compétences sur le marché.
Qui serait la Daenerys française ? Fleur Pellerin revendique la filiation : "C'est un personnage inattendu, d'abord secondaire, humilié, puis qui prend progressivement de l'ampleur jusqu'à devenir une femme conquérante". Emmanuelle Cosse aussi kiffe la blonde platine et compare la mère des dragons à "Napoléon de retour de l’Ile d’Elbe". On sent comme un désir de revanche, là.
Mais la Khaleesi, c’est surtout le modèle de Pablo Iglesias, le leader de Podemos, qui définit ainsi son attirance, toute idéologique hein, pour l’imbrulée dans son livre les "leçons politiques de Game of thrones" : « Nous pouvons, sur le modèle de Ned Stark, nous définir nous-mêmes comme bons, ou bien nous pouvons, comme la Khaleesi, aspirer à rendre la vie meilleure pour tous ».
Son slogan : « Je répondrai à l’injustice avec justice ».
3 | Cersei Lannister, 2 %, le rejet du cynisme en politique |
« Majestueuse, discrète, résolue, vénérée, suivie, adorée, obéie, puissante »... La brochette de qualificatifs élogieux (et ironiques) qui ponctuent le clip de campagne de Cirsei n’ont pas empêché sa déroute électorale à GOT2016.
L’actuelle détentrice du trône de fer a pourtant un véritable programme de femme d’Etat : payer la dette à la banque de fer (un Lannister paye toujours ses dettes), séparer l’église de l’Etat et... restaurer les valeurs familiales.
Mais la reine au destin tragique (elle a perdu tous ses enfants) paye avec ce score ses dettes au peuple. Impopulaire car hautaine, arrogante, incestueuse, rancunière, cynique, machiavélique et de surcroit narcissique, elle ne pouvait guère réunir que des miettes de votes. Les Agrippine parviennent parfois à s’emparer du pouvoir mais rarement à le conserver...
Son slogan : " Quand vous jouez à Games of Throne, vous perdez ou vous mourrez. Il n’y a pas de compromis."
4 | Petyr Baelish, 32 % pour la droite néo libérale |
L’excellent score Lord Baelish, dit Littlefinger, tenancier de bordel, traitre professionnel et manipulateur hors pair, c’est la surprise de ce scrutin. Qu’est-ce qui peut expliquer une telle réussite ?
Sa campagne électorale est éclairante. Dans son clip, il se compare à ceux qui ont le pouvoir de naissance ou qui le conquièrent par la force ou par la ruse. Lui l’obtiendra au mérite. Petyr Baelish, le seul des trois prétendants à ne pas être d’ascendance royale, c’est l’incarnation du rêve américain.
Il s’est construit à la force du poignet avec intelligence et un sens tactique extraordinaire. C’est certes une crapule sans scrupules et un escroc sans principes. Mais, comme les escrocs, il est charmant et convaincant, sinon, il ne serait pas un escroc. En bon patron de bordel, a su profiter du bordel ambiant pour s’approcher du pouvoir et les internautes répondent « chapeau l’artiste ».
Pour le trônologue averti Pablo Iglesias : Lord Baelisch est le « néo libéral de service qui pense que le chaos est la condition nécessaire à l’ascension sociale».
C’est vrai mais ce n’est pas tout. Son programme reflète une offre politique cohérente où il s’agit à la fois de développer les infrastructures (en favorisant « l’innovation dans les transports ») et de favoriser la croissance des petites entreprises, tout en réduisant la dette. Il devrait se présenter à la primaire de la droite.
Son slogan : « Il n’y a pas de justice dans le monde. Sauf si nous l’instaurons ».
5 | Le grand absent du scrutin : Tyrion Lannister |
Héros favori de Pablo Iglesias qui lui trouve « Une conscience de classe en dépit du milieu d’où il vient » et qui estime qu’il agit suivant la logique weberienne de la responsabilité d’Etat, le dernier des Lannister est aussi le premier dans les sondages (en France). Peu importe qu'il soit alcoolique et difforme, on retient d’abord de lui sa sensibilité et son humanisme. Surtout, c’est un homme d’Etat d’exception et il fut aussi une « main du roi » remarquable (et courageuse). Mais à l’instar de Varys, avec qui il constitue la dream team de Daenerys Targaryen, il possède d’abord les qualités qu’on demande à un homme de l’ombre. «Il ferait un excellent directeur de cabinet ! estime le conseil RH Jean-Noël Chaintreuil. Il connaît parfaitement ses dossiers et adapte constamment sa stratégie au contexte.»
Et les grands commis de l’Etat n’ont pas tous envie de couronne, parfois ça pique une couronne. Il a beau avoir tué le père sur un autre trône, Tyrion est plus proche de Cincinnatus Delors que de Brutus Macron..
6 | Games of throne : un véritable bible de sciences politiques |
Là encore, laissons parler Pablo Iglesias, enseignant-chercheur en sciences politiques dans le civil : « Games of thrones, C’est la meilleure série pour expliquer la science politique, pour expliquer Max Weber, Carl Schmidt et Machiavel, Lénine et Gramsci. » Dans "Les leçons politiques de Games of throne", le livre dont le leader de Podemos a rédigé le prologue, on analyse par exemple le cas de Ned Stark, « main du roi, » donc une sorte de premier ministre, « charismatique et généreux » mais dont la loyauté confine à la naïveté. Il finira décapité et toute sa morale idéaliste avec lui.
Les gagnants (provisoires…) de la série peuvent avoir des valeurs et des principes, mais ils sont tempérés par une armature machiavélique : Tyrion, puis progressivement Daenerys sont imprégnées de realpolitik. Dans Games of Throne, la morale disons chrétienne, la défense de l’honneur ou des droits de l’homme, c’est un aller simple pour une disparition subite. Les bons qui survivent savent devenir cyniques. Quant aux exploités, ils sont presque absents… et lorsqu'ils jouent un rôle, c’est pour s'enrôler dans une secte fanatique.
Et, au final, la conquête du pouvoir par Daenerys ressemble de moins en moins à une geste révolutionnaire. Game of thrones qui inspire tant Podemos est finalement aux antipodes de ce que le mouvement promeut… A moins que ses leaders ne soient si généreux et idéalistes que ça.
7 | Et un bréviaire pour les managers |
Daenerys Targaryen sait manager sans tyranniser. Lord Baelish est un as du networking. Theon Greyjoy est l’archétype du cadre obéissant (mais potentiellement rebelle)… Game of Thrones est aussi utile en entreprise pour développer son leadership cerner son environnement et apprendre à la maitriser.
Les titres de management, à commencer par le magazine éponyme, ont disséqué les caractères des personnages de la série et leurs rapports au pouvoir. Dans cet article du journaliste philosophe Fabien Trécourt, on peut identifier les héros de GOT en open space (ou s’identifier à eux…).
Le salarié en free style, c’est Arya Stark : «Cet électron libre a une faculté d'adaptation assez fascinante, résume le consultant Jean-Noël Chaintreuil. A la fois souple et déterminée, elle ferait une bonne chargée de mission.». Le roi Joffey Baratheon et Jamie Lannister sont « des chéfaillons détestés et à la légitimité bien faible ». Tywin Lannister et Robert Baratheon ressemblent à des PDG de PME « obsédés par leur succession ».
Ah ! Tywin Lannister, quel personnage archétypal... C’est carrément Steve Jobs pour un best seller britannique récemment traduit (« Game of Thrones – les stratégies des 7 royaumes appliquées à la vie professionnelle » de Tim Phillips et Rebecca Clare, Editions Maxima). Et il est vrai que patriarche des Lannister, hélas trop tôt disparu, avait un style inimitable et le sens des punchlines qui marquent :
« Explique-moi donc en quoi il est plus noble de tuer dix mille hommes au combat qu'une douzaine à table ».
« Un lion ne se soucie pas de ce que pensent les moutons ».
« Quand tes ennemis te défient, ton devoir est de leur servir du fer et du feu. Mais, lorsqu'ils tombent à genoux, ton devoir est de les aider à se relever. Autrement, personne ne consentira jamais à ployer le genou devant toi. ».
Mais nos citations préférées de l’impitoyable Tywin concernent le pouvoir et sa légitimité :
“C’est difficile de mettre une laisse à un chien une fois qu’on lui a posé une couronne sur la tête.”
Une phrase à méditer, après le départ de Macron, pour François Hollande. Comme celle-ci pour les Français qui l’ont élu :
« Un roi n’a pas besoin de dire qu’il est un roi »…
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