7 punchlines MISOGYNES de Molière
A propos des femmes, le plus grand génie du théâtre français a quand même écrit quelques horreurs… À l’heure où l’on se prépare à célébrer dignement le 8 mars, Journée Internationale de la Femme, nous avons choisi pour vous 7 vilenies glissées dans ses pièces, qui valent bien les flèches empoisonnées de l’également odieux Sacha Guitry…
Donc, oui, le 8 mars arrive… Journée Internationale de la Femme. Ou des femmes, il y a sans le moindre doute plus qu’une nuance à mettre entre les deux. Encore que nombre de citoyennes préfèreront la dénommer « Journée Internationale du Droit des Femmes ». Ou « des » Droits. Sur ce sujet comme sur tant d’autres, le Diable se niche dans les détails, et nous nous garderons bien de trancher ici le débat.
Parlons peu, mais bien : j’ai pour Molière la plus grande admiration, une tendResse qui ne se dément pas depuis mon plus jeune âge. En confidence, il est né le même jour que moi, ou disons plus modestement : je suis né le même jour que lui (15 janvier), de deux parents qui n’avaient en commun qu’une passion pour le théâtre, mais étrangement ni l’un ni l’autre n’identifièrent jamais ce malicieux caprice du hasard.
Molière est un génie. Shakespeare est le Molière anglais, ou Molière est le Shakespeare français, comme on voudra. Nombre de ses pièces sont indémodables, disons même, hors du temps, éternelles. Ses portraits de l’être humain se rient des frontières du siècle : les grandeurs et mesquineries qu’il dépeint se retrouvent toutes aujourd’hui, et n’allez pas chercher plus loin l’explication à son indétrônable succès. Dans toutes les villes, sur toutes les scènes, en mise en scène classique comme en adaptation « moderne », voire « post-moderne », il est chaque année présent en tous lieux à la fois. Le grand comédien Robert Manuel, qui lui vouait une indéfectible passion, résumait d’un trait : « Quoi de neuf ? Molière !! ».
Mais Jean-Baptiste Poquelin, disons-le tout net, vous êtes, comme le dit la chère Martine épouse du Médecin malgré lui, tout à la fois : « Traître, insolent, trompeur, lâche, coquin, pendard, gueux, bélître, fripon, maraud, voleur... ! »
Et pour faire bonne mesure, ajoutons-y : « macho, misogyne, phallocrate, sexiste de tous les diables » ! Voici 7 phrases dont « JB » devrait rougir, ou se repentir.
1 | « O la grande fatigue que d'avoir une femme ! » |
C’est dans le Médecin malgré lui, que l’infâme Sganarelle se lâche sur un ton de comédie… Soiffard, ivrogne, fainéant, propre à rien, ce gaillard a pour épouse une Martine qui ne s’en laisse pas compter, lui tient tête et renchérit : « je te dis, moi, que je veux que tu vives à ma fantaisie : et que je ne me suis point mariée avec toi, pour souffrir tes fredaines ». A quoi Sganarelle appelle en renfort Aristote, qui « a bien raison, quand il dit qu’une femme est pire qu’un démon ». On est pas certain que le Grec ait tenu pareil propos, mais Molière aime à le citer (dans Don Juan, il lui fait endosser une dénonciation du tabac des plus incertaines).
Le jeu entre Martine et Sganarelle est rythmé, à cent à l’heure, les deux époux en pleine scène de ménage s’envoient à la tête toutes sortes de compliments saignants. Mais nous verrons plus tard (point 7), que le rire n’aurait plus aujourd’hui la même saveur innocente…
2 | « Les femmes sont plus chastes des oreilles que de tout le reste du corps ». |
On entend « parfois », oserions-nous dire « souvent » ce reproche fait aux dames d’aujourd’hui, féministes ou pas (mais qui de nos jours ne l’est pas, au moins un peu ?) : trop de pudibonderie, une rigueur qui serait excessive sur tous les sujets un peu lestes, ou grivois, requalifiés comme on voudra lourdauds, vulgaires, ou plus directement « sexistes ». On pourrait dire aussi, si l’expression n’avait pas été à ce point galvaudée : « politiquement incorrects ».
Certains y verraient l’influence du puritanisme anglo-saxon. En une punchline bien sentie, Molière dévoile que le même constat valait déjà voilà trois siècles, à propos des dames de son temps, et que les États-Unis d’Amérique n’y étaient pour rien, l’indépendance de la nation américaine datant de 1776, année où « JB » avait déjà rendu l’âme à son créateur depuis 103 ans. N’importe.
A cette sentence tirée de La Critique de l’Ecole des Femmes, on pourrait opposer ce constat : certaines dames aujourd’hui prennent a contrario un malin plaisir, qui sans doute relève aussi un peu d’une posture d’affirmation, à parler pis que des charretiers, ou retourner contre les hommes les réflexions triviales que ceux-là croyaient, naguère encore, malin d’adresser au sexe dit « faible ».
3 | « Du côté de la barbe est la toute-puissance » |
Le titre de la pièce le suggère clairement : L’école des femmes offre le plus insensé florilège patriarcal qu’on puisse trouver dans le théâtre français. Toutefois ne nous trompons pas : Molière ici fustige, sur le ton de la comédie mais en vers, ce qui donne au propos un zeste de gravité (comme dans Tartuffe ou le Misanthrope) les troubles desseins du vieil Arnolphe, qui n’a élevé la douce et fragile Agnès que pour en faire le moment venu sa femme, ou pour le dire crûment : sa bonniche. Citons les deux vers. Arnolphe stipule que : « Votre sexe n’est là que pour la dépendance : du côté de la barbe est la toute-puissance. » On saluerait ici les dames de l’association féministe « La Barbe », qui procède parfois d’intrusions inattendues dans des cénacles trop genrés à leur goût, ses membres s’affublant alors de postiches aux mentons qui donnent à leur intervention un petit côté happening, moins abrupt et plus ironique que ceux des Femen.
Mais revenons à l’odieux Arnolphe, qui plus loin fait réciter à Agnès et à voix haute, une douzaine de maximes constituant un précis de domination masculine parfaitement délirant, d’où son ressort comique. Nous n’en citerons qu’une seule :
HUITIEME MAXIME
« Ces sociétés déréglées,
Qu'on nomme belles assemblées,
Des femmes tous les jours corrompent les esprits.
En bonne politique on les doit interdire
Car c'est là que l'on conspire
Contre les pauvres maris ».
Que les quinquagénaires « mâles » ayant connu « les groupes femmes non mixtes » des années 70 et 80, ne viennent pas me dire que lisant ces quelques vers, ils n’y ont point pensé !
You Tube est décidément notre ami ! Si vous avez deux heures à passer ailleurs que sur Netflix ou sur la PS4, allez donc savourer l’intégrale de la pièce, du moins dans sa version « audio » telle que jouée en 1951 par l’immense, l’inégalable Louis Jouvet : cette version de l’École des Femmes demeure « la » référence.
4 | « Il n’est pas bien honnête, qu’une femme étudie et sache tant de choses » |
Dans L’Ecole des Femmes, Molière emploie son art de la satire contre le patriarcat, même si le mot n’a guère cours à l’époque. Mais dans Les Femmes Savantes, c’est à celles qu’on pourrait appeler « féministes » qu’il réserve ses traits. L’ambiguïté de la pièce tient beaucoup au fait que les trois femmes avides de savoir, Philaminte, Bélise et Armande, sont toutes trois sous l’emprise d’un faux savant pédant, inepte, creux, nommé Trissotin, que tout désigne pourtant comme un faux intellectuel, et véritable escroc. Mais aucune des trois ne flaire la supercherie, ce qui revient à les considérer comme sottes.
Dès lors, le bon sens, cette vertu sur laquelle Molière souvent s’appuie pour démêler les intrigues et trouver les voies de la raison, est tenu par Chrysale, en qui l’on voit sans mal un fieffé rétrograde.
Ecoutons-le :
Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,
Qu’une femme étudie et sache tant de choses.
Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants,
Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens,
Et régler la dépense avec économie,
Doit être son étude et sa philosophie.
Nos pères sur ce point étaient gens bien sensés,
Qui disaient qu’une femme en sait toujours assez
Quand la capacité de son esprit se hausse
À connaître un pourpoint d’avec un haut de chausse.
Je n’oserais proposer ces vers à l’appréciation de mes amies de JamaissansElles, (précédez-le d’un @ et vous avez l'intitulé de leur compte Twitter) qui œuvrent pour une meilleure représentation des femmes dans toutes les sphères de réflexion, décision. Et qui font bien ! Je précise d’ailleurs qu’il s’agit d’une association mixte, qui comprend un « club des gentlemen », décideurs soucieux de promouvoir « eux aussi » la mixité au travail.
5 | « La femme est un certain animal difficile à connaître » |
C’est dans Le dépit amoureux, assurément pas une pièce majeure du répertoire ; mais pouvait-on laisser passer sans rien dire ce parallèle femme/animal, qui pour le dire avec les mots du XVIIème siècle, vous signe son goujat ! La pièce est la copie d’une comédie italienne à l’intrigue assez confuse. Signalons tout de même cette autre punchline.
Celle-là rivalise sans mal avec celle-ci : « La tête d'une femme est comme la girouette Au haut d'une maison, qui tourne au premier vent ». On est là, convenons-en le stéréotype jusqu’au cou. Jean-Baptiste ! Enfin, quoi !
6 | « Bien qu'on soit deux moitiés de la société, Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité » |
Restons avec elles, d’ailleurs ! Jamais sans Elles a lancé ELLA, une intelligence artificielle qui veut promouvoir partout la mixité. À l’exact opposé, donc, de cette nouvelle subtilité d’Arnolphe dans L’École des Femmes. Admettons toutefois que la conviction était sacrément partagée, puisqu’un siècle plus tard Olympe de Gouges échouerait à la mettre aux orties pour affirmer l’égalité des Droits. Que le 19ème siècle et la moitié du 20ème défileraient sans qu’on songe à donner aux femmes de chez nous le droit de vote.
Rappelons aussi la question de l’inégalité des salaires, qui perdure toujours. Et ne nous moquons point tant des vilenies d’Arnolphe. Il y a encore beaucoup à faire. Et l’on conçoit que l’impatience puisse parfois conduire aux excès de langage qu’on note parfois chez certaines militantes enclines à promouvoir une guerre des sexes qui à la différence de celle de Troie, pourrait bien avoir lieu, si nous n’y prenons garde.
7 | « Il me plaît d’être battue » |
Revenons à nos deux tourtereaux du premier chapitre, Sganarelle et sa Martine d’épouse. Un mot en amenant un autre, voilà bientôt le soûlographe qui sort le bâton et se met à rosser la malheureuse.
Mais voici qu’intervient un « monsieur Robert » qui se mêle d’empêcher le mari de maltraiter « sa blonde » (comme on dit à Québec) :
M. ROBERT.- Holà, holà, holà, fi, qu’est-ce ci ? Quelle infamie, peste soit le coquin, de battre ainsi sa femme.
… Mais croyez-le ou non, Martine aussitôt de répliquer :
MARTINE.- Et je veux qu’il me batte, moi.
M. ROBERT.- Ah ! j’y consens de tout mon cœur.
(…)
MARTINE.- Voyez un peu cet impertinent, qui veut empêcher les maris de battre leurs femmes.
M. ROBERT.- Je me rétracte.
(…)
MARTINE.- Mêlez-vous de vos affaires.
M. ROBERT.- Je ne dis plus mot.
MARTINE.- Il me plaît d’être battue.
On pourrait aisément constater que cette pièce-là du répertoire n’est plus beaucoup jouée. Elle a pourtant de vrais ressorts de comédie, quand la vengeance de Martine la conduit à propager cette rumeur, son mari est un médecin, mais des plus étranges, il n’accepte de le reconnaître qu’à condition d’avoir été rossé. Molière en profite au passage pour tourner en dérision les médecins de l’époque, sujet qui l’inspirera toujours. Alors pourquoi ne joue-t-on point aujourd’hui Le Médecin Malgré Lui ? Sans doute parce que rire autour du sujet d’une femme battue par son compagnon apparaît définitivement hors sujet. Ce « Il me plait d’être battue », est doublement cruel, au-delà du caractère inattendu de la réplique. Difficile à assumer au 21ème siècle.
Alors, pour conclure, rappelons ici quelques numéros de téléphone utiles, hélas:
SOS Femme Violence Conjugale : 39.19 (numéro gratuit)
SOS Violences Familiales : 01.44.73.01.27
Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail : 01.45.84.24.24
Amicales bises à toutes, et n'en veuillez pas trop à Molière, qui pensait comme tous, avec les idées de son temps...
Commentaires