7 raisons de succomber à Paula Modersohn-Becker
Vous n’aviez jamais entendu parler d’elle ? Nous, non plus. Mais quand vous aurez découvert cette artiste audacieuse et bouleversante, vous ne risquez pas d’oublier ses regards intenses…
L’auteur de ces lignes comme la quasi totalité de ces esthètes d’amis (même les féministes germanophiles, c’est dire !)ignorait l'existence de Paula Modersohn-Becker jusqu'à ces derniers jours.
Vous êtes probablement aussi ignare que je l’étais....
Il vous reste donc un grand choc à encaisser en vous rendant dare dare à l'exposition « Paula Modersohn-Becker, l’intensité d’un regard » au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Allez vite découvrir cette jeune Allemande morte prématurément en 1907 et qui soutient la comparaison avec les plus grands artistes de son temps.
1 | Comme Modigliani, Paula a connu le destin d’un astre |
« Je ne sais pas si je vais vivre très longtemps », écrit Paula Modersohn-Becker en 1900… Elle pressent déjà sa courte vie et ajoute : « Mais est-ce si triste ? Une fête est-elle plus belle parce qu’elle est plus longue ? ». L’artiste est morte à 31 ans d’une embolie pulmonaire, 18 jours après avoir donné naissance à son premier enfant. Son dernier mot fut « Schade » (dommage).
Oui schade… car on imagine sans peine ce que cet astre au destin tragique aurait pu explorer de nouvelles expérimentations picturales comme elle le fit tout au long de sa courte vie.
Heureusement pour nous, elle parvint, pendant une poignée d’années, à être extraordinairement prolifique. En dix ans, elle réalise 750 toiles et des milliers de dessins. 130 œuvres sont exposées à Paris, comme cet étonnant autoportrait en contre -jour, une de ses premières toiles réalisées lors de son premier séjour en France. Un sourire naïf, un regard presque bébéte et hébété… Paula ne se flattait pas. Mais quelle claque !
2 | Comme Rilke, Paula est francophile |
Entre 1900 et sa mort en 19007, Paula Modersohn-Becker effectue quatre longs séjours à Paris où elle découvre « l’insouciance des conventions ». Rilke est son ami et l’un des rares admirateurs de son vivant (mais sur le tard). Il lui présente Rodin, elle découvre toute seule le mouvement Nabi, les toiles de Gauguin, du douanier Rousseau, les portraits du Fayoum au Louvre dont les portraits aux regards immenses sont si proches des siens.
Paula aime Paris et s’imprègne de son effervescence artistique. Paris aura attendu plus d’un siècle avant de s’en apercevoir…
3 | Comme Picasso, Paula est l’avant-garde |
Elle va très loin, avant les autres. Les nazis ne s’y sont pas trompés en brocardant ses œuvres dans l’exposition sur l’Art dégénéré à Munich, en 1937. Avec son approche géométrique des corps, elle préfigure le cubisme ; avec ses lignes acérées et ses couleurs franches, elle annonce l’expressionnisme ; elle teste des cadrages inédits comme des zoom sur des détails ; elle aurait, on n’en doute pas, été l’unes des premières peintres abstraites. Schade…
4 | Comme Matisse, Paula aime les petits poissons rouges |
Paula n’est pas une adepte des paysages. Elle préfère les corps, les visages et les natures mortes. Elle récite d’ailleurs parfaitement son Cézanne dans une section de l’expo. Mais devant cette nature semi-vivante qui surprend, on pense aux petits poissons de Matisse (qu’elle admirait). Sauf que c’est elle qui, la première, a peint ce bocal de poissons rouges….
6 | Comme Frida Kahlo, Paula réinvente son corps |
Les tableaux de Paula, c’est quand même autre chose qu’une aquarelle de Marie Laurencin ! Et cette toile est l’un des autoportraits les plus surprenant de l’histoire de l’art. D’abord, parce que c’est la première fois qu’une femme se représente nue, ce qui n’est pas rien. Ensuite, car il s’agit d’un cadeau pour son mari, à ce moment un peu réticent à devenir Vater.
Paula se peint enceinte alors qu’elle ne l’est pas et titre son œuvre « Autoportrait au sixième anniversaire de mariage ». Comme une blague, comme un clin d’œil souligné par son petit air espiègle et son nez (un peu) en trompette. Un chef-d’œuvre d’ironie et de légèreté avec, en prime, un sens caché : « L’enfant qu’elle porte dans son ventre n’est autre que son art », écrit Maria Stravinaki dans le catalogue de l’expo.
Peut-être. Elle a en tout cas avec ce tableau disruptif, comme avec d’autres nu.e.s, considérablement renouvelé les représentations de la femme. Depuis des lustres, ce sont les hommes qui se plaisaient à représenter des madones ou des putains.
La Belle Epoque, comme les siècles précédents, ne laissait guère de place aux femmes artistes. Elle est devenue peintre contre son temps, sa famille et son pays : « L’école des beaux art de Berlin était interdite aux femmes jusqu’en 1919 », explique Julia Garimorth, commissaire de l'exposition.
7 | Comme Renoir, Paula reste une enfant |
Elle savait les peindre, les comprendre, les représenter sans mièvrerie. Les regards qu’elle saisit sont francs, presque durs, jamais vraiment mignons, plutôt empreints de profondeur. Ses enfants sont sages et tristes. Comme pour les corps, ses visages ne s’attardent pas sur les détails. Ses enfants n’ont presque jamais de cils. Parfois, elle occulte les pupilles. Le regard suffit.
8 | 7 + 1 expo à voir et 1 livre à lire |
Paula Modersohn-Becker, l’intensité d’un regard
c’est jusqu’au 21 août au Musée d’art moderne de la ville de Paris.
1, avenue du Président-Wilson
75116 Paris
Tel. 01 53 67 40 00
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h.
Être ici est une splendeur
C’est le titre de la biographie que lui a consacré Marie Darrieussecq aux éditions P.O.L. Vous pouvez consulter les premières pages ici. Elles donnent envie.
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