Le voile vous prend la tête ? Essayez notre détox maison !

Concentre-toi sur ta cavité nasale. Inspire longuement, sens cette brise fraîche s’introduire dans tes narines et te décrasser la cervelle et les poumons. Tes épaules se dénouent, tes jambes se décrispent. Expire. Imagine que les malotrus et leurs idées putrides s’évacuent de ta tête à travers ton souffle. Après cinq minutes de respiration en pleine conscience, tu plaindras sincèrement tous ces gens qui radotent jusqu’à l’asphyxie à propos d’un bout de polyester et tu leur souhaiteras de se trouver de plus saines occupations.

Pourquoi s’infliger une telle torture ? À moins de devoir présenter un flash info dans trois quarts d’heure, à quoi diable cela te servira-t-il de savoir que Bouteflika va mourir pour la soixante-dix-septième fois ? Ou d’apprendre que Joey Starr a mis un vent à une journaliste ou une mandale à un bouffon ? Ou qu’il y a du poulet dans le KFC ? Ou pire, qu’un prof universitaire se demande s’il doit réclamer à ses étudiantes voilées une autorisation écrite par leur tuteur religieux ! Respiiiiiiiiire, on a dit. Pour garder un semblant de salubrité mentale, et si tu tiens absolument à te gargariser d’infos, abonne-toi à des trucs qui parlent de trous noirs scintillants ou de l’urgence de sauver les hirondelles.

Délasse-toi les jambes. Fais du tourisme dans ton quartier, traque les graffitis rigolos sur les murs, regarde comme cette affiche est belle. Instagrame-la. Tiens, tu n’avais encore jamais remarqué cette sculpture alors que tu passes pourtant par ici tous les jours… Tu jurerais que ce vieil immeuble penche un tantinet vers la gauche…As-tu remarqué comme cette gargouille ressemble à s’y méprendre à Finkielkraut, éructant une énième… Non, reviens parmi nous, respire ! Oh, une nouvelle boîte à livres ! Bref, sors-toi la tête de l’infâme bourbier médiatique. Fais comme Baudelaire, envole-toi bien loin de ces miasmes morbides.

Découvre l’incroyable subtilité de tes mécanismes neuronaux. Es-tu sûr de vouloir gaspiller cet inestimable trésor dans de futiles et consternantes polémiques ? 

Demande-toi aussi, d’ailleurs, pourquoi Arte ne glisse pas une émission hystérique sur le voile entre un docu sur Fukushima et une théma sur les pesticides. Parce que ce n’est pas important, foutredieu !

Ou les Liaisons dangereuses. Ou les Mémoires d’un âne. Pour se divertir, les romans palpitants, ce n’est pas ça qui manque. De la même façon, le cinéma et la musique t’offriront un solide rempart contre les tentatives de crétinisation auxquelles tu es sans cesse confronté-e, et te feront oublier la menace rampante des femmes voilées qui ourdissent des attentats sanglants, des complots contre les jupes, et qui dévorent les enfants.

Admire ces couleurs vivaces et ces contrastes chatoyants. Admire cette extraordinaire diversité de tons et de thèmes. Que serait l’histoire de l’art, si les peintres faisaient de telles fixettes sur un bout de tissu ? Échappe-toi du cagibi mental plein de peurs et d’humidité où l’on veut te maintenir jusqu’à ce que tu vires chèvre. Fais comme Baudelaire et les peintres impressionnistes, élance-toi vers les champs lumineux et sereins.

Ça peut sembler fou, mais ce qu’un individu met sur sa tête, voile, chapeau melon, mèches verdâtres, tapisserie, passoire, tondeuse, ne regarde que lui, foutrebleu ! Souviens-toi que tu n’es pas obligé-e de te forger une opinion sur cet affligeant sujet. Que ton opinion lui fait une belle jambe, à la femme voilée. Qu’une personne, voilée ou pas, devrait pouvoir décider, comme une adulte, de son sort et de son accoutrement. Est-ce qu’on te demande, à toi, de tomber la chemise de bûcheron passé quarante ans ? Hein ?