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7 idées reçues sur le burn-out

Savoir Par Hervé Resse 15 mars 2018

7 idées reçues sur le burn-out
Pixabay
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Comme dans tout sujet dit de société, les idées inexactes qu’on répète 100 fois sont perçues comme vérités à la 101ème. Il est donc appréciable que des spécialistes nous recadrent un peu sur le sujet…

Il s’agit d’un mot « valise ». Chacun y met ce qu’il veut, ou croit avoir compris du sujet. Sur ce qu’on devrait appeler « syndrome d’épuisement professionnel », les idées reçues foisonnent, donc. Ici nous en retiendrons 7. Le livre récemment publié par les éditions Le Cavalier Bleu en passe de nombreuses autres au crible. C’est du reste le principe de leur collection : « Idées Reçues ».

Alors que les « Risques Psycho Sociaux » sont admis comme réalité dans le monde du travail d’aujourd’hui, ils n’ont pas été intégrés dans la loi de 2014 comme relevant d’une vraie politique de prévention des risques. Le mot burn-out s’invite néanmoins dans bien des conversations ; 

1 Le burn-out, c’est récent, « ça vient de sortir »

Derrière ce type de phrases, sont tapies d’autres idées toutes faites. Ce serait un phénomène « de mode », destiné à bientôt se voir remplacé par un autre…  donc plus ou moins anecdotique, au bout du compte.

A moins qu’il ne s’agisse d’une nouvelle création de spécialistes, vendeurs à prix d’or de leurs expertises et recommandations. Ce ne serait alors qu’un « coup marketing » de plus, qui nourrirait aussi les milieux de l’édition, du développement personnel, des thérapies et des gourous.

En réalité, le « syndrome d’épuisement professionnel » a été décrit dès les années 60, dans des milieux d’aide et de soins aux personnes (travailleurs sociaux, services hospitaliers, médecins, policiers, pompiers).

Certes, on le voit de plus en plus à l’ouvrage, touchant des salariés du tertiaire et des enseignants. Si on en parle davantage aujourd’hui, c’est que ses dégâts, nombreux sont effectivement devenus visibles. Mais aussi qu’on peut sans difficulté les relier à des environnements ou contextes qui, eux, sont assez récents : globalisation et financiarisation de l’économie ; pression exercée sur les individus, concurrences violentes entre les personnes, managements toxiques, perte de sens quant à son propre rapport personnel au travail.

2 Le burn-out touche des personnes mentalement fragiles

Il sera d’autant plus facile de proférer ces phrases définitives, qu’on n’aura pas d’idées claires sur ce qu’est réellement le burn-out (mais on va y venir). Les études conduites sur le sujet montrent que la fragilité mentale ne préexiste pas à l’épuisement. L’idée que ce serait « un genre de dépression », est en soi un contresens : la dépression est une maladie, et le burnout n’est pas classé comme tel. En revanche, il est vrai qu’un certain type de personnalité est peut-être davantage susceptible de se voir frappé en cas de grande difficulté professionnelle : il s’agira de ces personnes « se distinguant par un degré élevé d’exigences morales », un sens exacerbé du travail bien fait. En un mot « les perfectionnistes », tellement impliqués dans leur travail, jusqu’à s’y plonger comme dans un refuge, seraient des candidats plausibles.

3 C’est encore "un truc de femmes"

Voilà qui serait tout à la fois stupide, faux… et pas totalement inexact. Stupide serait la formulation, qui rabaisserait la gravité du sujet à un triste stéréotype. Faux serait le diagnostic, car toutes les observations indiquent que le burnout n’épargne aucune catégorie de personnes ; pas plus les fonctionnaires que les salariés du privé, pas plus les dirigeant.e.s que les cadres ou les employés.

Mais ce ne serait pas totalement inexact, car le syndrome touche assez volontiers les catégories de salarié.e.s soumis.e.s à la tyrannie du « trop » : trop de pression, trop de productivité, trop d’horaires intenables, trop de cadences et de course(s) à assumer… ces conditions sont souvent le lot des femmes, notamment lorsqu’elles sont faiblement qualifiées.

Du côté des cadres, l’investissement ne sera pas toujours également identifié, selon qu’on soit homme ou femme. Là où l’homme sera supposé exprimer « son leadership naturel », on jugera parfois la femme « trop émotive et manquant de distance ». Et dans ce cas, la perception par autrui de son propre engagement pourra devenir un élément déstabilisateur. En somme, quand les femmes sont plus touchées que les hommes, c’est moins du fait de raisons internes, liées à la physiologie ou la psyché, que de leurs positions dans la société du travail.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       

4 Le burn-out, personne ne sait dire ce que c’est

Les uns croient qu’il s’agit d’une simple fatigue passagère. D’autres y voient la marque positive de leur investissement. Dans les deux cas, faire « son burn-out », serait ce type de coup de pompe qu’aucun fonctionnaire ne connaîtra jamais, car on le sait, ce n’est pas « le boulot qui les épuise ». Dans les deux cas, on confond tout. 

D’une part, nous l’avons dit, on peut fort bien être payé par l’Etat et se retrouvé victime d’un syndrome d’épuisement professionnel ; d’autre part, il n’y a aucun « mérite » à en arriver là ; et le burn-out n’est en rien passager. 

Les auteurs de notre ouvrage de référence citent eux-mêmes un psychiatre, Claude Vel, qui dès les années 50 décrivait « les états d’épuisement » : le fruit d’une rencontre entre un individu et une situation. Tant que l’individu parvient à demeurer adapté à la situation (état dit « d’homéostasie »), il peut tenir son rôle et sa place. S’il vient à saturer, la fatigue le prévient. Mais alors, un effort supplémentaire peut le conduire vers la faillite… 

Le burn-out n’est pas une maladie, c’est un syndrome (un ensemble de signes, de symptômes, de modifications morphologiques, fonctionnelles, ou biologiques », formant une entité reconnaissable. Le syndrome n’est pas une maladie, mais s’il perdure, il va déclencher une ou des maladies bien réelles…

5 Le burn-out « nous tombe dessus » d’un coup

Là encore, il s’agit d’une idée répandue mais fausse. C’est souvent, nous disent les auteurs d'« Idées reçues sur le burn-out », l’aboutissement  d’un processus long, pouvant parfois s’étendre sur plusieurs années. Existent donc des signes précurseurs, qui pourront toucher à la santé mentale, physique, nerveuse, émotionnelle, qui pris isolément passeraient pour des troubles banals ou passagers, mais qui mis en perspective, prendraient une valeur prédictive. Toute la difficulté étant que certains indices (par exemple : « vouloir bien faire », et donc travailler plus que de raison pour montrer son utilité) relèverait en réalité d’un état émotionnel non identifié par la personne. En somme, on ne verrait pas s’accumuler les indices… et on se rendrait compte, mais trop tard, des dégâts bien réels. 

Mais dans ce cas : comment prétendre enrayer les dégâts du burn-out par la prévention ?

6 Etre en burn-out, c’est la honte !

Un dépliant sur les Risques Psychosociaux » publié par l’INRS en 2016, et cité dans notre ouvrage de référence "Idées reçues sur le burn-out" exprime l’exact inverse : Vous avez l’impression de ne plus pouvoir faire correctement votre travail, de ne plus avoir le temps de tout faire. D’être moins concentré. Vous vous renfermez sur vous-même, vous êtes épuisé, vous dormez mal à cause du travail… N’attendez pas que la situation s’aggrave ! Ne restez pas seul avec votre souffrance. Parlez en ! N’ayez pas peur d’être jugé ».

L’auteur de ce post se souvient d’avoir invité une personne à « parler de ses problèmes à un professionnel ». La réponse (« Je ne suis pas folle ! ») l’avait déconcerté : quand on mal au dos, on va consulter un rhumato, mais tout ce qui de près ou de loin toucherait au psychisme, à l’émotionnel, s’apparenterait au bout du compte à un autre genre de « maladie honteuse ». Le travail d’information préventive aujourd’hui mis en œuvre par les partenaires sociaux et les spécialistes dans les entreprises (notamment à travers ces CHSCT que la République En Marche parle de supprimer !), sensibilise à la réalité des RPS (Risques Psycho Sociaux), à la nécessité d’en parler, et d’y faire face à travers des accompagnements pluridisciplinaires. On n’abordera pas avec un même spécialiste les dimensions émotionnelle, musculo-squelettiques, déprimes, troubles du sommeil, des addictions éventuelles, qui souvent constituent la réalité du syndrome.

7 Le burn-out, c’est reconnu comme problème de santé publique

On aimerait que ce le soit, mais ce n’est pas le cas, malgré tout ce qui vient d’être dit. En effet, l’opportunité d’inscrire le syndrome d’épuisement professionnel comme « maladie professionnelle », conduit à ne considérer comme relevant de la santé publique que les maladies qui en découleront. Tout le travail de prévention que des spécialistes comme Jean Claude Delgènes appellent de leurs vœux serait alors possible autrement que par l’information. Mais tel n’est pas aujourd’hui le cas. Pour ceux qui continuent d’agir pour cette reconnaissance permettant la prévention, la route est encore longue. Ils ne sont pas près de se reposer. Souhaitons qu’eux-mêmes ne finissent pas par s’épuiser également…

8 7 + le livre qui a inspiré cet article

Idées reçues sur le Burn-out, par Jean-Claude Delgènes, Agnès Martineau-Arbes et Bernard Morat, collection Idées Reçues, Ed. Le Cavalier Bleu, 154 p., 18 € disponible sur Amazon

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