7 messages cachés dans le Livre de la Jungle (le film)
Ce n'est pas seulement une belle histoire pour les enfants... Les épreuves que devra affronter 'Le petit d'homme' sont un véritable parcours initiatique.
Le dessin animé original de Disney (sorti en 1967) reste tellement gravé dans nos imaginaires, entre Baloo le bon copain et ce salopard de Shere Khan, qu’on en oublierait presque la dimension initiatique de l’histoire, et le recueil de nouvelles signées Rudyard Kipling… Initiatique ? Oui, puisque offrant deux niveaux de lecture très différents. L’aventure a ses moments de rires, de larmes, et de peur, qui séduit heureusement les enfants. Mais l’épopée de Mowgli, sans qu’il le sache, est avant tout l’histoire d’une quête, la sienne. Celle de l’accomplissement de soi.
Chaque épisode confronte « le petit d’homme » à une épreuve nouvelle, dont il sortira parfois vainqueur, vaincu parfois. Chaque animal croisé le confronte à une dimension de l’humain: l’épreuve dévoile sa leçon, et l’aide peu à peu à s’accomplir comme ce qu’il est, potentiellement : un homme. A cet égard la récente version de Disney (désormais disponible en VOD, DVD & Blu-ray) est bien plus fidèle à l’esprit général de l’œuvre. On peut en tirer, au moins, 7 leçons pour devenir un homme (mon fils). Et Oh ! les filles… restez aussi !
1 | « Apprends d’abord de tes échecs » |
L’enfance de Mowgli, même s’il grandit au milieu des loups, est celle de tout humain, protégé par son père, aimé de sa mère. L’environnement ne lui est pas (pas encore) hostile. Il fait ses premiers apprentissages, et récitant la Loi des Loups, acquiert les premiers rudiments de savoir, qu’apprend tout enfant…
Mais c’est aussi et surtout, de ses échecs qu’il va devoir tirer les enseignements. La première scène du nouveau Disney l’annonce clairement ; alors qu'il est en pleine course avec Bagheraa la panthère, son pas mal assuré le conduit à l’impasse et la défaite. Bagheera joue ici le rôle du maître qui guide l’élève, lui fait entrevoir l’étendue du chemin qu’il faudra parcourir. Elle le met en garde contre les difficultés qui surviendront tôt ou tard. Et lui transmet sa première leçon : toute épreuve a valeur d'enseignement, et il faut la surmonter. Ne pas renoncer. Ne jamais capituler.
2 | « Les promesses de bonheur sont éphémères » |
Tout conte initiatique invite au voyage, qui nourrit la connaissance. L’enfance heureuse de Mowgli au milieu des loups ne pouvait durer toujours. La terrible menace du tigre Shere Khan va l'obliger à prendre la route.
Sur le chemin, il croise Kaa le séducteur, qui le berce de belles paroles pour mieux tenter de le dévorer. Kaa, c'est l'image du pervers, qui vous parle tout en douceur pour mieux vous faire baisser la garde, vous envoûter..
Toute naïveté mène à la désillusion.
Plus tard, et même auprès du bon copain Baloo, ce jouisseur adepte du bon temps, Mowgli découvrira que toute médaille a son revers. Sans être aucunement son ennemi, Baloo ne dévoile pas toutes ses intentions. Il soigne son propre intérêt. Et c’est encore Bagheera qui viendra le signifier à Mowgli. Finies les agapes et la sieste ! Il faut reprendre la route
3 | « La maitrise de l’outil distingue l’homme de l’animal » |
Il est très en vogue aujourd’hui d’affirmer que nous sommes des animaux comme les autres. L’anti-spécisme a le vent en poupe. On ne sait trop ce qu’en dirait Darwin.
Kipling, en bon franc-maçon qu’il était, dote dès l’origine Mowgli de ce talent potentiel qui manque à ses frères loups : la capacité d’invention, de création. Celle qu’on retrouvait aussi, magnifiquement mise en image chez Kubrick, dans la scène introductive de « 2001, l’Odyssée de l’Espace ».
Dans le Disney 2016, Mowgli récupère son eau dans une coquille de noix de coco évidée. Plus tard, Baloo utilise la créativité de son protégé pour récupérer le miel tant convoité (quitte, là aussi, à minorer les difficultés pour y parvenir). C’est cette maîtrise progressive de l’outil qui sans doute distingue (dans les deux dimensions, positive et négative) l’homme de l’animal. Ce qui ne veut pas dire que le premier doit maltraiter le second. Ou qu’il doit détruire la nature qui les réunit l’un et l’autre.
4 | « Puissance n’est jamais toute-puissance » |
La rencontre avec King Louie rapproche un peu plus Mowgli de l’épreuve ultime. Le Roi des singes a mesuré ce qui le différencie de l’homme : c'est la maîtrise du feu, ici symbole de la puissance et du pouvoir. Il veut l’un et l’autre. Pris dans sa folie, il préférera perdre tout ce qu’il possédait, ce magnifique château qui ne sera plus que ruine à l’issue de la crise mimétique.
Car ici René Girard n’est pas loin : désirer ce que l’autre possède et que l’on n’a pas, est la racine commune à toute violence destructrice… Il n’y a jamais très loin de la Roche Tarpéienne au Capitole, disaient aussi les sages latins. De même Icare se brûle-t-il les ailes en se rapprochant du soleil.
Le feu, joliment appelé Fleur Rouge, est l’autre grand personnage du film.
5 | « Les tyrannies sont vaincues par la persévérance » |
Se liguant contre Shere Khan, tous les animaux affirment leur volonté de mettre fin à sa tyrannie. La Jungle doit pouvoir redevenir ce lieu de concorde et d’harmonie, entrevu au début du film dans la scène du point d’eau. Encore faut-il pour cela se débarrasser du tyran.
Hélas, même armés de leur volonté, les animaux ressemblent à cette Résistance que décrirait Malraux dans son hommage à Jean Moulin : « un désordre de courage ». Pour vaincre Il faudra plus que de la persévérance ; la maîtrise des armes, des outils, et l’intelligence, en plus de l’impulsion.
6 | « Deviens ce que tu es » |
Parce qu’il n’y est parvenu ni par la ruse ni par la menace, Shere Khan a déchaîné sa violence contre la jungle toute entière. Et c’est encore Bagheera, toujours voix de la sagesse, qui place Mowgli face à sa responsabilité : « combats Shere Khan non pas avec les armes du loup, mais avec celles de l’homme » (le Feu, l’outil, l’ingéniosité).
En somme, « deviens ce que tu es », principe fondateur de la philosophie de Nietzsche, qui sera l’ultime leçon du livre… Ou presque !
Effectivement, éliminant Shere Khan par le feu, on pourrait estimer que Mowgli est parvenu au terme de sa quête… Ce serait aller un peu vite...
7 | « Nulle puissance ne dispense d’autrui » |
… Car le drame nait parfois du succès. Croyant maîtriser la Fleur Rouge, Mowgli a mis la jungle entière en feu. La terre en serait entièrement détruite. Pourra-t-elle être « renouvelée ? » N’est homme que celui qui admet que toute puissance, tout pouvoir, n’est jamais qu’éphémère. Qu’il peut, comme l’a montré Louie, conduire au désastre.
La leçon finale est alors celle qui met en scène Mowgli l’Artisan, et la troupe des éléphants. Par son ingéniosité, Mowgli sauve l’éléphanteau, là où la force de ses aînés ne leur était d’aucun secours. Et en remerciement, montrant ainsi leur reconnaissance, les éléphants mettent fin à l'incendie désastreux, déversant contre lui les torrents d’une eau salvatrice.
Cette ultime scène exalte la coopération et la solidarité, l’attention à l’autre, et finalement l’amour, le respect mutuel. Elle dit que nul n’est jamais assez puissant qu’il n’ait besoin d’autrui, et qu’autrui est aussi celui qui m’aide dans ma quête, comme je peux l’aider dans la sienne.
Générique final. Merci Disney, Merci John Favreau réalisateur inspiré de ce bijou. Et merci Rudyard.
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