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7 questions sur la Communication Non Violente

Savoir Par Hervé Resse 08 avril 2018

7 questions sur la Communication Non Violente

Communication non violente

Photo : https://pixabay.com/fr
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Alors qu’on commémore les 50 ans de l’assassinat de Martin Luther King, et qu’on y reparle de dream d’un monde meilleur, pourquoi ne pas examiner un instant cette hypothèse d’une communication bienveillante, efficace, créatrice de mieux-être dans nos sphères personnelles, et pourquoi pas, de valeur dans les entreprises ?

La méthode dite de « Communication Non Violente » a quelques cinquante années d’existence. Certes. Pour autant, dans un monde qui se préoccupe bien plus qu’hier de « prévention des risques psychosociaux »… qui mesure avec plus d’efficacité les dégâts du stress au travail… qui reconnait (y compris au niveau des institutions européennes) les vertus de la médiation comme voie de résolution des conflits… et où l’on se soucie parfois d’installer dans les organisations une « Qualité de Vie au Travail » qui ne soit pas qu’artifices, façon « j’aime ma boite un soir par an, le reste du temps c’est l’enfer avec les collègues »… Tout cela fait autant de bonnes raisons d’offrir à cette approche une deuxième jeunesse.

1 Communication Non Violente : qui a eu l’idée ?

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Marshall Rosenberg

En français, Communication Non Violente est plus couramment appelée « CNV ». « NVC » dans les pays anglo-saxons. On doit le concept à Marshall Rosenberg, docteur en psychologie américain, diplômé en 1961, décédé en 2015, à l’âge vénérable de 81 ans. Rosenberg se disait volontiers héritier du très respecté Carl Rogers, présenté au début de ce siècle comme un des six plus grands psychologues cliniciens du 20ème. 

Rogers fut l’inspirateur du courant thérapeutique « centré sur la personne », partisan des thérapies « non directives ». Son approche humaniste se fondait sur l’empathie (capacité à comprendre les émotions d’autrui ; lire également notre article sur l’intelligence interpersonnelle), et la bienveillance thérapeutique. Ses principes continuent d’inspirer des myriades de thérapeutes, de par le vaste monde. Sur ces mêmes bases de travail,  écoute, et démarche positive, Marshall Rosenberg aura lui bâti une méthode, qu’on peut naturellement classer dans la vaste catégorie du « développement personnel », mais pas seulement. Car l’ambition de Rosenberg était aussi de proposer un levier de « changement social », et « de paix ». 

A cet égard il se déclarait volontiers nourri de la démarche du Mahatma Gandhi. Cela n’avait rien de très surprenant, dans ces années 60 marquées par l’utopie pacifiste, avec ou sans « flower power » ; que ceux qui n’ont jamais fredonné All You Need Is Love lui jettent la première pierre. Mais pas d’ironie, la démarche est en réalité assez éloignée des rêves de hippies perchés en haut de leurs arbres.

2 Pourquoi "Non Violente" ?

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Non Violence, une sculpture réalisée par l'artiste suédois Carl Fredrik Reuterswärd

https://pixabay.com/fr/

Marshall Rosenberg identifie trois approches négatives de la communication entre les personnes, dont il estime qu’elles « coupent de la vie », et produisent des états ou affects perturbateurs, tels que culpabilité, peur, honte, ou l’attente d’une récompense en retour de sa propre attitude.

A l’inverse, sa méthode se fonde sur l’idée centrale de bienveillance, laquelle ne renvoie nullement vers un angélisme béat « en mode bisounours » ; mais vers une bonne compréhension de ce qui va se jouer dans la relation de communication… La CNV est en réalité une approche sereine et bien comprise de sa propre « responsabilité », dans cette relation. Responsabilité ne signifie pas ici « culpabilité ». Bien au contraire.  Il s’agit d’exprimer une maîtrise de soi. Pointons d’abord les trois approches négatives, que nous avons si souvent tendance à emprunter, spontanément.

La première repose sur le principe de la critique, quand je m’adresse à « l’autre » pour lui indiquer qu’il se trompe, qu’il a tort ; que ce qu’il dit, ou fait, est « mauvais ». Qu’il devrait faire ou agir autrement. C’est-à-dire comme JE pense. Bien sûr, on peut toujours « conseiller » à quelqu’un d’agir ou faire différemment. Mais où commence le conseil… et où commence le reproche… ?

La deuxième approche négative est celle qui ne laisse aucun choix à « l’autre ». Tu DOIS faire comme on te dit. Il y a un ordre donné, qui ne saurait être discuté. Cette communication coupe de la vie, car elle permet à l’autre de nier sa propre responsabilité : « je n’avais pas d’autre choix qu’obéir ». La soumission à l’autorité peut conduire aux pires bassesses, plus personne ne l’ignore depuis les expériences de Milgram sur le sujet.

La troisième approche négative est celle qui repose sur l’exigence, quand la communication fait peser la lourde menace d’une punition ou sanction, si l’injonction à faire n’est pas suivie. Si elle semble laisser un peu plus de liberté apparente que la précédente, en réalité cela revient au même : nous restons dans des schémas de communication qui imposent, plus qu’ils ne proposent.

Entrer dans une Communication Non Violente va inviter à repousser ces approches. Ce qui suppose 1. de les identifier, de les repérer ; et 2. de savoir les éviter, dans ces rapports à autrui, c’est-à-dire en prenant garde de ne plus les utiliser. Et plus ardu, dans sa propre manière de percevoir et recevoir ces approches négatives, lorsqu’elles nous sont adressées. Enfin 3. d’y répondre, sans tomber dans l’un de ces trois pièges.

3 Quels sont les principes de la Communication Non Violente ?

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On le voit, cette « non-violence » ne relève ni d’une soumission, ni d’un laissez-faire. Elle ne fait pas de celui qui l’emprunte un baba-cool nigaud, un niaiseux déconnecté du réel. Quand tout fonctionne, c’est même plutôt le contraire.

Ce qui relève de la violence n’est pas nécessairement physique : des mots, des attitudes, des intonations, des décisions prises, peuvent s’avérer destructrices pour autrui… mais aussi pour soi-même. S’agit-il alors de reprendre en cœur avec le regretté Jean Yanne « que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » ? Plutôt de s’inspirer de quelques grandes personnalités du siècle passé. Dans son ouvrage « Pratiquer la CNV au travail », Françoise Keller cite Martin Luther King : « la non-violence est une arme puissante et juste, qui tranche sans blesser et ennoblit l’homme qui la manie. C’est une épée qui guérit ».

Comme dans toute démarche philosophique ou psychologique, le point de départ est au fond assez identique : il s’agit de mieux se connaître soi-même, comme l’expliquait le vieux Socrate à son disciple Platon. En l’occurrence, d’identifier sa propre manière de fonctionner, en apprenant à distinguer cinq registres de notre fonctionnement.

1. Nos pensées – nos jugements. Nos interprétations de cette bonne vieille « réalité » qui n’existe pas.

2. Nos observations- Ce qui se passe et nous arrive à travers nos cinq sens.

3. Nos sentiments, les émotions qui nous traversent, consciemment ou non.

4.     Nos besoins – ce qui relève de notre motivation, de la satisfaction de nos valeurs personnelles. Qui peuvent parfois sous-tendre une réelle urgence, pesant alors sur notre communication

5.     Nos demandes concrètes, qui nous poussent à nous adapter à la situation présente.

Le plus souvent, deux personnes peuvent communiquer sans savoir à quel niveau de conscience se placent et leur message, et la réponse qu’ils reçoivent. Le début du travail va donc consister à apprendre à identifier ces différents registres, et à les décoder pour y répondre au mieux, en pratiquant une écoute attentive.

4 Y-a-t-il une « langue de bois CNV » ?

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Ce n’est qu’un point de vue personnel de l’auteur de ces lignes : toute approche psychologique, (absolument toutes) si on la résume à de simples formules, devient exaspérante. Surtout si on l’entend rabâchée comme un pauvre mantra, par une personne persuadée d’avoir accédé à une sagesse, une maîtrise indiscutée, alors qu’elle n’en a le plus souvent saisi que la surface. Ainsi, dans le prolongement des approches transactionnelles, était-il fréquent d’entendre une personne vous inviter d’un ton docte « à rejoindre » ou « regagner » « votre adulte ».

Dans l’approche CNV, « accueillir » un jugement ou reproche, « se relier » à un sentiment, « repérer » des besoins cachés, peut entraîner si l’on n’y prend garde, vers une monomanie du décryptage, à la recherche d’obscures motivations, sous-jacentes ou inconscientes. Ce n’est pas la méthode qui est alors en cause. Plutôt l’attitude psychologisante de celui qui se pose en expert et tient absolument à vous le faire sentir. Histoire sans doute de se rassurer, puisqu’on en est aux motivations sous-jacentes.

Au passage, lire la désopilante série du génial pince-sans-rire Goosens, « Introduction à la psychologie de bazar ». Un petit bijou de non-sens.

5 La Communication Non Violente… ça marche ?

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Dans le monde de l’entreprise, on voit bien comme chacun peut vite s’arc-bouter sur la certitude qu’il détient LA « bonne réponse », qu’il a « raison », qu’il SAIT. Le désaccord n’est pas en soi un drame, mais la façon dont on le gère peut éventuellement le devenir. 

Quand les certitudes s’opposent, on aboutit souvent à une sorte de tectonique des plaques, qui peut tourner au grand n’importe quoi… Une communication non violente part d’abord d’une démarche « d’auto empathie ». C’est-à-dire d’une acceptation de « mes » propres motivations, attentes, besoins, « me » conduisant à les exprimer comme légitimes… Pour autant que je ne me situe pas dans un délire de toute puissance, ou d’exigence tyrannique, ce qui est toujours possible. L’incompétence est également une option envisageable.

Mais si l’on s’en tient à des relations de bonne volonté, entre gens également soucieux de mieux faire, l’auto-empathie se rapproche assez de ce qu’en Gestalt on nomme « assertivité ». Il s’agit d’exprimer clairement à autrui ses propres sentiments ou émotions, en s’appuyant sur le principe et sur l’expression que le point de vue d’autrui sera également reconnu comme légitime et entendable. Et à partir de là : de la discussion jaillit la lumière, dit-on.

6 Gandhi à l'usine, est-ce bien sérieux ?

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L’une des principales difficultés dans ce monde de l’entreprise, est probablement que le temps manque, souvent, pour l’échange, pour l’approfondissement des points de vue, la compréhension des positions divergentes des siennes. Et quand bien même une personne sera convaincue des bienfaits d’une Communication « en route vers » la non-violence, cela ne suffira pas, - ce serait trop beau -, à harmoniser les relations au sein d’un groupe constitué, qu’on parle d’un service, d’une équipe, d’une start-up en création. 

On peut naturellement espérer que de proche en proche, des attitudes positives enclenchent des dynamiques proactives et des cercles vertueux. Dans la pratique, des temps de réflexion, de formation, des trainings, seront nécessaires dans la durée. Avec piqures de rappel régulières, car on le sait, « chassez le naturel, il revient au galop ».

La promesse n’est en réalité pas QUE qualitative. Elle doit pouvoir s’exprimer en termes de création de valeur, du fait de performances collectives améliorées, de fluidité des échanges, et de qualité globale de la relation professionnelle. Et à cet égard, on gardera bien présent à l’esprit que loin d’être une simple cosmétique relationnelle, la « Responsabilité Sociétale des Entreprises », et la référence à la norme ISO 26000, deviennent désormais des exigences « extra-financières », s’imposant à toute entreprise cotée en bourse.

7 Pour en savoir plus, on lit quoi ?

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« Pratiquer la CNV au travail» de Françoise Keller, aux éditions InterEditions, intéressera les responsables RH et les communicants internes. Ce même auteur a publié d’autres livres sur ce sujet dont elle semble « la » spécialiste par chez nous.

« La Communication Non Violente au Quotidien », de feu Marshall Rosenberg se lit comme un manuel de sagesse. Il est très abordable à tous égards : moins de 100 pages, 4,95 euros, clairement rédigé, aux Éditions Jouvence. En 4ème de couverture, l’auteur promettait que « nous pouvons goûter plus pleinement à la magie de la bienveillance ». Avec cette idée sous-jacente que si tout le monde s’y mettait, le monde ne s’en porterait pas plus mal.

On devrait toujours associer à ce genre de remarques les belles paroles d’une bien belle chanson : « quand les hommes vivront d’amour il n’ y aura plus de misère, les soldats seront troubadours….et nous nous serons morts mon frère… »

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