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7 raisons pour Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée

Anticiper Par Eric Le Braz 11 juin 2020

7 raisons pour Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée

Assemblée Nationale

http://www.assemblee-nationale.fr/
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A défaut de monde d’après, le Président peut penser au coup d’après. Pour éviter la débandade en 2022, Emmanuel Macron a intérêt à utiliser l’arme fatale de la dissolution en 2020.

Si j’étais Président, je serais sur les dents. Bon, on est d’accord, je n’ai ni l’ambition, ni les capacités de le devenir. Mais ça ne m’empêche pas de penser que si j’étais président… je voudrais le rester.

Et là, franchement, il y a que quoi baliser. Aucun président élu n’a réussi à passer en deuxième saison (sauf cohabitation - voir la septième raison). Même de Gaulle faillit puisqu’il ne fut oint qu’une seule fois par le suffrage universel – et d’ailleurs, il a dû partir avant la fin. Le monarque élu de la Vème République doit faire face à une malédiction française : le peuple lui coupe systématiquement la tête avant de raccourcir celle de son successeur. C’est comme ça, on n’y peut rien, c’est dans nos gênes de Gaulois sans culottes. 

Pour Emmanuel Macron qui navigue en très basses eaux de popularité après son bilan pour le moins mitigé de la crise du coronavirus, l’échéance semble encore plus inéluctable. Il a généré tant de déçus et produit tant de rancœurs qu’il n’est même pas certain d’accéder au deuxième tour lors de la prochaine présidentielle. Il n’aura alors pas d’autre alternative que de faire un Hollande et de préférer le renoncement à l’humiliation. Adieu le « nouveau monde », terrassé par une envie de monde d’après et by bye la startup nation, formule terriblement auto-prophétique quand on sait que 90 % des startup échouent avant leur 5 ans

S’il ne veut pas en arriver là pour la fin de son quinquennat, Macron n’a pas 36 solutions. Comme dans une startup en train de se planter, il doit pivoter pour survivre.  Et, tiens, la constitution lui donne quelques options. 

- Remanier le gouvernement, d’abord. Mais les remaniements n’intéressent que les virés qui en pâtissent ou les chanceux qui en profitent. 

- Changer de premier ministre, ensuite.  Un grand classique qui divertit un temps mais, de Barre à Valls, l’histoire finit toujours aussi mal à la fin. Et la stratégie est suicidaire quand le premier ministre est plus populaire que le président... 

- Garder le premier ministre et changer de politique. Hum. On a un peu de mal à imaginer Edouard Philippe bâtir un monde d’après écolo-keynesien.`

- Organiser un référendum. Oui mais sur quoi ? De toute façon, les Français répondront « Non » (traduire « dégage ! »), quelque soit la question.

Bref, Macron n’a que des mauvaises solutions à sa disposition. Sauf une : la dissolution.

1 Avec la dissolution, Macron désarçonne ses adversaires

Jadot, Le Pen, Mélenchon dans son train, Bertrand, Pécresse, Royal, Cazeneuve, et pourquoi pas Bigard, Hanouna, Zemmour, Ruffin… ou même Bayrou, Philippe… Qu’ils se rasent ou qu’elles s’épilent, tous ces postulants et toutes ces prétendantes, pensent, respirent et agissent en fonction d’un agenda même pas caché dont l’échéance se situe quelque part entre avril et mai 2022.

D’ici la présidentielle, ces téméraires volontaires doivent trouver des alliés en dehors de leur famille, éliminer des adversaires dans leur tribu, concocter un programme, imaginer des cartes postales, organiser le casting des plumes, recruter des spin doctors… bref les adversaires de Macron doivent s’entraîner dur et longtemps pour espérer monter sur la plus haute marche du podium. La présidentielle est un marathon. 

En imposant un sprint législatif, Macron peut provoquer crampes et claquages chez la plupart de ses compétiteurs.

Avec cet effet de surprise, le maître des horloges a une arme fatale en stock :  « Attaquez le plan de l’adversaire au moment où il naît. Puis rompez ses alliances. Puis attaquez son armée. » disait notre ami Sun Tsu dans l’Art de la Guerre.

2 Avec la dissolution, Macron embrouille Edouard Philippe

Ce n’est certes pas une raison pour dissoudre. Mais on pose ça là, quand même en passant. Alors que Macron végête, Edouard Philippe vient quand même de gagner 12 points de popularité après le déconfinement. Son sort semble scellé après les municipales, Macron ne veut pas d’un Fillon. Mais retiré au Havre, Philippe deviendra extrêmement dangereux à l’approche de la Présidentielle et sera tenté d’imiter Macron trahissant Hollande…


Pour éviter ce scénario catastrophe, le Président bronzé doit dissoudre son barbu bicolore dans la dissolution. Ce premier ministre bien trop populaire devra alors monter au front pour que son camp profite de son insolente renommée. S’il gagne, c’est tout bénef, la majorité est renforcée et il est rivé à Matignon jusqu’à la présidentielle. S’il perd, c’est tout bénef, il est hors-jeu jusqu’à la présidentielle.

3 Avec la dissolution, Macron peut faire diversion

Il y a un an, c’était déjà la cata ! Un sondage BVA-La Tribune pointait l’ampleur du désamour entre le Président et les Français. A part la lutte contre le terrorisme et le rôle de la France dans le monde, une majorité de Français considérait alors que l'action de Macron et de son gouvernement étaient  « plutôt un échec » : en matière de croissance économique (58 %), éducation (56 %), emploi (61%), fiscalité (67%), environnement (66%) ou immigration (65%). Seuls 9 % d’entre eux trouvait que son action dans la lutte contre le réchauffement climatique était un succès. Et 14 % qu’il faisait le job concernant le pouvoir d’achat. Alors qu’il venait de signer un chèque de 17 milliards d’euros pour calmer les gilets jaunes ! 

Après la crise sanitaire et à l’orée de la crise économique, pas certain que ces scores s’améliorent. Malgré une politique sociale exemplaire pendant le confinement (le chômage partiel le plus avantageux in the world), il restera le président des riches for ever. “On s'attire la haine en faisant le bien comme en faisant le mal.”, écrivait Machiavel que Macron a quand même pas mal étudié.

Que faire dans ces conditions ? Dans un match de rugby, quand il n’est plus possible d’avancer, il faut calmer le jeu et gagner du terrain en tentant une diversion : ça s’appelle botter en touche. 

La dissolution est une parfaite illustration de l’art de la diversion. Violences policières, explosion du chômage, envolée des faillites, bérézina aux municipales, et, last but not least, enquêtes parlementaires sur la crise sanitaire, les dossiers les plus poisseux vont s’évaporer le temps d’une campagne éclair.

Certes, ils ne disparaitront pas pour autant. Mais la séquence qui prendra près d’une saison entre l’activation de l’article 12 de la constitution et l’installation du nouveau gouvernement, occultera les emmerdes et produira d’autres dossiers...

4 Avec la dissolution, Macron peut gagner les élections

J’avoue, aucun sondage ne peut (encore) étayer cette hypothèse. Mais l’impopularité phénoménale du Président ne doit pas faire oublier qu’il garde un socle électoral supérieur (plus de 20 % quand même, cf le dernier scrutin des européennes) à celui de ses adversaires. Seul le RN distance un peu LREM. Mais on sait que le scrutin majoritaire n’est pas vraiment favorable à l’extrême droite qui peine toujours au second tour.

C’est ainsi qu’il ne serait pas complètement insensé d’imaginer une victoire du camp macroniste avec toutes ses composantes, du bleu ciel au vert pale. D’accord, ce ne sera pas le raz de marée de 2017. Mais si le parti présidentiel arrive en tête du second tour, il pourra s’allier, en position de force, avec ses challengers pour gouverner…Et c’est tout l’intérêt de la position centrale du macronisme dans une équation parlementaire. Il est terriblement ardu pour un centriste de remporter une présidentielle (de Lecanuet à Bayrou, ils s’y sont tous cassés les dents) et le hold-up de Macron en 2017 est la seule exception qui confirme la règle grâce à un alignement exceptionnel des étoiles. En revanche, les partis au centre de l’échiquier sont rois ou faiseur de rois, comme le furent les radicaux lors des républiques précédentes, à partir du moment où la carte politique est au moins coupée en cinq grosses tranches…

5 Avec la dissolution, Macron peut balkaniser l’Assemblée

A sa droite, Macron a deux forces antagonistes, RN et LR. A sa gauche, il peut compter sur une méfiance réciproque entre les insoumis et les écolos, surtout si ceux-ci s’allient aux socialistes. Il y a peu de chance qu’une gauche désunie remporte les élections sans un accord clair avant le premier tour, et sans une alliance consentie par les électeurs avant le second. Bref, pour la première fois depuis le début de la Vème République, l’Assemblée Nationale pourrait-être aussi ingouvernable que dans les démocraties parlementaires qui revotent tous les six mois : l’Espagne, l’Italie, la Belgique ou Israël.

Mais ce bordel prévisible pourrait aussi devenir une source d’inspiration…

6 6. Avec la dissolution, il peut tenter le gouvernement d’Union nationale

« En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal. ” disait notre ami Machiavel. Et quand un pays devient ingouvernable, il n’y a que quatre solutions : un coup d’Etat, une révolution, un gouvernement de technos ou un gouvernement d’Union nationale.

Passons sur les deux premières options qui ne décrètent pas. Le gouvernement de technos gestionnaires à l’Italienne pourrait plaire à Emmanuel Macron. Le souci, c’est qu’il est lui-même considéré comme un techno, qu’il a déjà des ministres passe murailles réputés technos, et que les électeurs ne verront pas trop la différence…

Reste donc l’Union nationale.

Les municipales prouvent que LR et LREM sont totalement compatibles. Mais en choisissant cette alliance, Macron s’amputerait de son pied gauche. Et réciproquement s’il privilégiait l’alliance avec les écolo-socialos.

Si les résultats des législatives ne dégagent pas de majorité claire, le gouvernement d’union nationale s’imposera probablement. « Notre pays mérite cela, explique Matthieu Orphelin, député (ex-LRM) de Maine-et-Loire au Monde. Se mettre d’accord sur un projet clair de coalition pour deux ans, quelque chose à l’allemande, permettrait de réembarquer les citoyens. Et cela n’empêcherait pas chacun de présenter ses options en 2022. » 

Il n’y a pas eu de gouvernement d’Union nationale en France depuis 1947. Mais d’une certaine façon, il n’y a pas eu de situation comparable à la fin de la seconde mondiale… jusqu’à cette crise sanitaire et économique. En avril 2020, un sondage indiquait que 7 Français sur 10 étaient favorables à cette solution.

Macron y a tout intérêt aussi pour contrôler de près ses adversaires… Machiavel, toujours : « Si tu peux tuer ton ennemi, fais-le, sinon fais-t'en un ami ».

7 Avec la dissolution, il peut cohabiter (et donc gagner en 2023)

Rien n’est écrit. Et tout est possible.

Marine Le Pen peut faire une percée et finir vainqueur en sièges du scrutin. Elle n’aura alors plus qu’à débaucher quelques députés LR… 

Xavier Bertrand, s’il a le vent en poupe, peut s’imposer comme un leader charismatique, monter au créneau, tambour battant, mettre le feu aux poudres et tirer finalement son épingle du jeu pour reprendre les formules journalistiques les plus éculées du moment.

Yannick Jadot peut convaincre qu’il n’a pas seulement la taille, mais aussi l’étoffe du grand homme, il peut vassaliser durablement le PS, apprivoiser les communistes, et, mais là c’est plus compliqué, maitriser, museler ou enjôler les autres écolos… pour finalement incarner le Monde d’après.

Bref, avec la dynamique du scrutin majoritaire, une des composantes de l’Assemblée peut rafler la mise et imposer une nouvelle cohabitation.Cette défaite serait alors la meilleure nouvelle possible pour Emmanuel Macron. Aucun président n’a jamais été réélu dans cette république sans période de cohabitation préalable.

Avec l’instauration du quinquennat, les présidents sont soumis à un CDD non renouvelable qui ressemble paradoxalement à une interminable fin de règne. Grâce à la cohabitation, Mitterrand et Chirac ont endossé de nouveaux costumes de présidents branchés ou sympas, contrastant avec leurs besogneux premiers ministres, pour mieux rebondir à la présidentielle suivante.

Si j’étais Président, je voudrais le rester en sachant que le meilleur moyen de durer, c’est de ne plus bouger. Et après avoir dissous puis perdu les élections, je suivrai les conseils de ce bon vieux Sun Tzu : « Le meilleur savoir-faire n’est pas de gagner cent victoires dans cent batailles, mais plutôt de vaincre l’ennemi sans combattre »…

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