Gérer l'INTELLIGENCE RELATIONNELLE : 7 erreurs à éviter
Dans un monde de compétition permanente, qui peut affirmer qu’il ne se sent jamais (malgré lui, ou de son propre fait), « challengé », invité à montrer « son leadership », son « autorité naturelle », son « influence » ? Ou pour résumer… Comment gérer « son relationnel » ?
Nos environnements, personnel, professionnel, affectif, nous incitent, c’est évident, à donner le meilleur de nous-même, à être performant, « aux taquets ». Il faut « réussir dans sa vie », et « réussir sa vie ». Pour autant, se mettre une pression excessive et ne s’en mettre aucune, sont deux moyens symétriques « de réussir à échouer », comme le disait joliment au siècle dernier le grand Paul Waztlawick.
Tout pourrait se résumer à deux questions centrales, fondamentales, éternelles. La première : savoir si l’on peut se connaître soi-même. Comment ? Et pour faire quoi ? La deuxième découlerait de la précédente : quels types de relations « à l’autre », suis-je capable ou non de favoriser ? Comment entrai-je en relation avec « lui » ? Et selon quels schémas préférentiels ?
De ce face-à-face une troisième question découle : celle de mon intelligence relationnelle avec les autres, non plus au singulier, mais au pluriel : le groupe, l’équipe, les proches, les collègues… Quelles sont mes forces et mes faiblesses, mes dynamiques favorites, mes erreurs récurrentes, qui parfois me poussent vers des situations déjà vécues, où je me vois de nouveau confronté à des difficultés anciennes ?
On n’en finit probablement jamais avec ces questions. Mais bonne nouvelle, en publiant « Les dynamiques de l’intelligence relationnelle », ouvrage à la fois riche de sens et accessible, le psychosociologue Fabrice Lacombe et les Éditions GERESO proposent un nombre élevé de portes à ouvrir, de pistes à explorer pour chaque personne s’interrogeant sur ses propres aptitudes, ses limites, ses manques ou points forts dans sa communication « aux autres ».
Disclaimer : chaque fois qu’un livre nous inspire un sujet d’article, notre objet n’est jamais de « spoiler » le livre, d’en dévoiler tous les ressorts. Mais au contraire de susciter l’envie d’aller y regarder de plus près. En l’occurrence, nous proposons de mettre en évidence 7 erreurs (comme dans le jeu du même nom) à ne pas commettre. Il faut ici préciser que l’acheteur du livre bénéficie d’un test en ligne dont les résultats définissent un profil individuel riche et développé, incluant des voies positives d’amélioration. Un bon outil de travail sur soi, en résumé.
1 | Intelligence relationnelle : La laisser « en friche » |
Première erreur à ne pas commettre, estimer « qu’on est comme on est »… et « comme on naît ». Qu’en somme il suffit d’y aller à l’inspiration, comme on le sent. Excellent moyen de goûter, tôt ou tard, le choc du mur d’en face !
Il n’y a pas une, mais DES intelligences, l’intelligence est multiple : l’expression verbale, la compréhension des mathématiques, l’aisance corporelle dans son propre espace, reposent sur des aptitudes différentes, innées ou acquises, pour tout ou partie. C’est selon. Et à l’intérieur de chaque intelligence, des dynamiques se mettent en œuvre, qui contribuent à former, forger notre caractère. Nous avions ainsi évoqué dans un autre article « l’intelligence émotionnelle » puisque l’expression et la maîtrise de ses émotions ressort aussi d’une forme d’intelligence.
Pour chacune d’elles, nous avons des dispositions particulières. Il est rare qu’on soit ultra performant dans toutes, à moins de s’appeler Albert Einstein. Fort heureusement, l’intelligence relationnelle est l’une de celles qui peut le plus « se travailler » : on peut y gagner en qualité, qu’il s’agisse de confiance, assurance, ou pertinence, pour peu qu’on ose avancer avec application, et lucidité.
Le livre passe en revue 21 variables relationnelles qu’il faut savoir nourrir et travailler. Par exemple « Donner de la reconnaissance », ou « Accepter les idées des autres ». Certes on est naturellement plus ou moins extraverti ; mais quel que soit notre tempérament, on peut en y étant attentif, consolider ses points forts et ne pas négliger ses voies d’amélioration.
Un autre élément important que souligne le livre à maintes reprises : en toute chose le manque et l’excès sont toujours les deux dangers qui menacent. On peut dénaturer ses bonnes dispositions d’esprit, en les systématisant ou les exagérant. Mettre un peu d’humour dans ses relations, c’est utile. Passer son temps à plaisanter, tout prendre à la légère, devient à la longue un vrai défaut, fastidieux ou systématique. En somme, une qualité qu’on systématise ou pousse à l’extrême peut devenir une faiblesse.
2 | Intelligence relationnelle : Négliger mon image et ma réputation |
L’image : qu’entend-on vraiment par ce mot, si souvent utilisé, pas toujours à bon escient, en communication ? C’est la synthèse des perceptions que les autres ont d’un sujet (moi, l’entreprise), et qui sont le plus largement partagées. Ces perceptions sont sensorielles, puis elles se transforment en jugements, en appréciations, positives ou négatives. L’image en est la somme.
Dans notre monde ultra (voire hypra !) connecté, monde de communication permanente et instantanée, on peut nous reconnaître des compétences, mais regretter qu’elles soient desservies par un relationnel insuffisant. Désinvestir son relationnel, ne compter que sur ses savoirs et expertises techniques, revient à négliger son image.
À l’inverse, cultiver son ego, chercher à dominer son entourage, à claironner partout sa supériorité, constituent des postures dangereuses à long terme. Un exemple frappant est ce récent épisode dit de la « Ligue du LOL » : un certain nombre d’arrogants ont payé cash, ces jours-ci, leurs excès et leur suffisance d’hier. Se construire une image en détruisant celle des autres n’est pas seulement discutable au plan éthique. C’est aussi inefficace et contre-productif au bout du compte.
On peut aussi souligner que toute communication personnelle superpose deux « images » : celle que je veux mettre en avant, (image voulue), laquelle sera confirmée ou discutée par mes interlocuteurs (image perçue). C’est ainsi que va se construire, dans la vraie vie ou sur les réseaux, ma « réputation » : ce que les autres disent de moi. Elle sera naturellement influencée par l’image qu’ils en ont. Le piège ? Se laisser griser par l'ego, par l’assurance qu’on croit dégager. Car comme le disait le titre d’un film fameux : « plus dure sera la chute ».
3 | Intelligence relationnelle : Mal évaluer son « estime de soi » |
Cette expression apparait dans tous les ouvrages de développement personnel. Mais ce qui nous parait intéressant dans le livre de Fabrice Lacombe, c’est qu’il distingue clairement :
- « La vision » qu’on a de soi (comment on s’évalue).
- « L’amour de soi » : sa plus ou moindre grande capacité à s’accepter ou non.
- Et la confiance en soi, en ses capacités à réussir.
S’évaluer beaucoup plus qu’on ne vaut, ou beaucoup moins, sont deux erreurs symétriques. Chacune de ses trois facettes nous confronte à l’idée que nous avons de nous-même. Avons-nous tendance à nous dévaloriser, au contraire à nous parer de qualités excessives ? Avons-nous tendance à être un bon allié de nous-même, ou la fâcheuse inclination à devenir notre « pire ennemi » ?
De même, suis-je capable de reconnaître ou non mes erreurs ? Suis-je capable de les dire à voix haute, à un interlocuteur, ce qui est encore différent ? La question de « l’estime de soi » en pose une autre : notre capacité, plus ou moins grande, à devenir notre propre coach, à la fois capable d’agir et de rectifier ce qui n’a pas marché. L’estime de soi demande une bienveillance qui ne se confonde pas avec une autosatisfaction béate. Je crois que pour y arriver, il faut y consacrer du temps, et de la réflexion. Par exemple, faire les questionnaires présents tout au long du livre, ne serait surement pas du temps perdu.
4 | Intelligence relationnelle : Mal évaluer les jeux de pouvoir |
Le livre consacre plusieurs chapitres à ce sujet brulant qu’est le pouvoir ainsi qu’aux différentes façons de l’aborder, le comprendre, pour trouver sa propre place et l’assumer au mieux. Il s’agit tout autant de savoir quels sont les types de pouvoir dans l’entreprise ou l’organisation ; qui les exerce officiellement, mais aussi parfois officieusement.
Il faut aussi savoir évaluer ses propres marges de manœuvre, dépendant du poste occupé, des compétences exercées, ou parfois d’expertises assez recherchées pour placer celui qui les détient en position favorable. Adossées aux questions de pouvoir sont aussi les relations d’autorité, qu’elles soient associées au statut (dirigeant, cadre, agent de maîtrise), à l’expertise technique, à l’organisation et la gestion du projet.
Une partie du pouvoir relève de la fonction tenue par chacun dans l’organisation, une autre renvoie aux qualités personnelles, et notamment à la maîtrise des émotions et à l’aisance relationnelle. La relation elle-même contient du pouvoir : celui de décider quels contenus sont abordés, qui dirige l’échange, et qui prend finalement les décisions.
Le livre fait aussi une distinction salutaire entre les pouvoirs « sains », qui permettent l’exercice convenable du projet, et les pouvoirs « parasites », notamment les situations où une personne recherche le pouvoir non comme moyen, mais comme fin en soi. Le mot « parasite » ici convient fort bien, car ce type d’attitude aboutit le plus souvent à des compétitions malsaines, et souvent perturbatrices.
5 | Intelligence relationnelle : Confondre influence et manipulation |
L’influence est une arme à double tranchant. Chacun de nous a de plus ou moins grandes capacités à influencer autrui (le faire évoluer, changer). Ce talent peut se développer, par le dialogue, l’écoute, autant que par la capacité à exprimer clairement ses points de vue. Toujours sur l’influence, on peut espérer que l’inverse est vrai : accepter d’être influencé n’est pas l’indice d’une faiblesse. Sinon, nous sommes étouffés par notre certitude d’avoir en tout raison tout le temps, ce qui n’aide pas à grandir en sagesse. L’influence a donc une connotation positive, tant qu’elle ne s’exerce pas de façon systématique, puisqu’être influençable peut, et à raison cette fois, devenir une faiblesse.
Autre chose est la manipulation, qui consiste à exercer son influence à des fins personnelles, non dites, où l’interlocuteur devient le jouet de celui qui tire les ficelles. Là aussi, il s’agit d’un jeu double. Avoir un tempérament de « leader » peut nous conduire à développer des attitudes de manipulation, inconsciemment ou le plus souvent, consciemment, à dessein.
Pour qui n’est pas le leader, confondre influence et manipulation peut aussi semer le doute, on peut être légitime à s’interroger : ses intentions sont-elles claires, ou cherche-t-il à manipuler. M’interroger sur les motivations d’un leader ne fait pas pour autant de moi un paranoïaque !
En somme, le leader peut agir de façon positive (influencer pour le bien commun), ou négative (avancer « masqué », en suivant d’autres enjeux que ceux officiellement déclarés). Le livre passe en revue de nombreux cas, invite à décider si telle réponse à telle question relève de l’influence ou de la manipulation… Et pour tout dire, les décisions sont parfois difficiles à prendre…
6 | Intelligence relationnelle : Manquer d’ouverture relationnelle |
Sans le dire, ce conseil évoque beaucoup l’assertivité, attitude souvent conseillée dans les manuels de développement personnel consistant à assumer ses propos, ses options ou opinions, mais en reconnaissant à l’autre la possibilité de penser autrement.
Cette aisance s’acquiert en la pratiquant, et repose sur l’idée que les trois autres tactiques mises en œuvre lorsqu’on est en situation de tension ou de conflit avec « l’autre », produisent à termes plus de discorde que d’arrangement.
Les trois tactiques à éviter sont alors : la manipulation, l’agressivité, et la fuite. Mais le livre offre une subtilité nouvelle, et intéressante, en distinguant trois types de fuite, qu’il appelle fuite active, passive et agressive.
La fuite active est une sorte de soumission à l’autorité ; la fuite passive consiste davantage à renoncer, à s’en laver les mains, quitte à en ressentir tristesse ou désarroi. Et la fuite agressive consisterait à dénigrer, ironiser, au lieu de faire valoir ses propres arguments, dans la sérénité et l’assertivité. L’ouverture relationnelle est d’autant plus aisée à pratiquer que l’on est par ailleurs au clair avec ses propres émotions ou sentiments, et qu’on ne se ment pas à soi-même sur leur nature.
7 | Intelligence relationnelle : Oublier le besoin de « reconnaissance » |
Nous avons tous besoin de recevoir des signaux positifs : à quelque niveau que nous exercions nos métiers ou fonctions, notre motivation ne tient pas seulement à l’exercice du travail, ni à la seule qualité de la rémunération. Nous avons (plus ou moins) besoin de nous sentir reconnus, comme compétents, légitimes, efficaces. Cela ne signifie pas que nous le sommes toujours. Ou qu’on puisse exiger des compliments pour la moindre tâche effectuée.
Mais n’être jamais confirmé sur la qualité de son travail décourage et démotive. Dès lors, il est important de ne pas oublier ce besoin légitime lorsque on devient soi-même en situation de témoigner ou non cette reconnaissance à des collaborateurs, assistants, stagiaires. Ne jamais envoyer de signal est un excellent moyen de démotiver ses équipes. Envoyer un signal de reconnaissance négative inconditionnel (« tu es nul et ça ne changera pas ») est tout aussi catastrophique, et pourrait même valoir une plainte au tribunal.
De même les signaux négatifs conditionnels qui reviennent à considérer que « ce n’est jamais bien », « il manque toujours quelque chose », ne sont pas davantage de nature à encourager. En exergue d’un des chapitres, est notée cette belle citation qui nous aide ici à conclure : « la reconnaissance silencieuse ne sert à personne »
8 | Pour en savoir plus |
… beaucoup d’autres maximes et aphorismes enrichissent cet ouvrage riche, résolument pragmatique : Les dynamiques de l’intelligence relationnelle, de Fabrice Lacombe, Editions Géréso, 210 p. 23€
Le + : un accès en ligne à un questionnaire test donnant lieu à profil, calcul d’un QIR (Quotient d’Intelligence Relationnelle) et conseils récapitulés au format pdf.
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