Sept conséquences immédiates de la loi Travail
Travailleur travaillant ou à la recherche d’un travail, patron d’une petite ou grosse entreprise, voici les sept conséquences pratiques qui peuvent, en bien ou en mal, changer la donne de la vie au travail.
La loi 2016-1088 dite loi Travail, n’est pas sans incidence sur la vie professionnelle et certains droits des salariés qu’elle revoit globalement à la baisse. Toutefois, pour éviter les vagues, elle apporte quelques menues améliorations qu’il serait dommage d’ignorer.
Trop dure pour les uns, trop timide pour les autres, la loi Travail a fait l’unanimité…contre elle. Avec ses 123 articles, cette loi fleuve joue un peu à chamboule tout avec le code du travail, dont elle modifie des pans entiers.
Le conseil Constitutionnel a indiqué qu’il ne s’est pas prononcé sur la conformité à la Constitution de cette loi, ce qui laisse la porte ouverte à de futures questions prioritaires de constitutionnalité (QPR).
En attendant et sans préjuger de ce que deviendra ce texte après la présidentielle, voici ce qu’il faut savoir en 2017 car toutes ces dispositions s’appliquent déjà...
1 | Le licenciement pour motif économique facilité. |
La liste des causes justifiant un licenciement pour motif économique, est complétée par deux nouveaux motifs :
- la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ;
- et la cessation d’activité de l’entreprise.
Source de litiges récurrents, les critères définissant la notion de difficultés économiques sont précisés par la loi. Il s’agit, indique l’article L 1233-3 du code du travail notamment de :
- l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie.
- ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
La baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée si, par rapport à l’année précédente, elle a lieu pendant une durée minimale variable en fonction de la taille de l’entreprise, à savoir :
- un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
- deux trimestres consécutifs pour une entreprise dont l’effectif se situe entre 11 et 49 salariés ;
- trois trimestres consécutifs pour une entreprise de 50 à 299 salariés ;
- quatre trimestre consécutifs pour une entreprise employant au moins 300 salariés.
Bien entendu, s’il est saisi, le juge pourra vérifier la réalité des motifs invoqués par l’entreprise. On sent qu’on ne va pas chômer dans les tribunaux en 2017...
2 | Un peu plus de congés pour certains évènements familiaux |
Les autorisations d’absence accordées au salarié à la suite d’un événement dans sa vie privée, heureux comme le mariage, la conclusion d’un pacte civil de solidarité, ou la naissance d’un enfant ou un évènement dramatique comme le décès d’un proche existent depuis longtemps, leur durée varie selon l’événement (article L 3142-4, code du travail).
. Les absences autorisées pour le décès d’un proche augmentent un peu pour se fixer à :
- 5 jours de congé pour le décès d’un enfant;
- 3 jours de congé pour le décès du conjoint, du partenaire de Pacs, du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d’un frère ou d’une sœur, et, c’est nouveau, pour le décès du concubin.
- 2 jours de congé pour l’annonce de la survenue d’un handicap chez un enfant du salarié.
Ces congés n’entrainent pas de réduction de salaire, et ne peuvent pas non plus être imputés sur les congés payés annuels auxquels a droit le salarié.
Ils sont assimilés à du temps de travail effectif pour le calcul de la durée du congé payé annuel.
- Le congé de proche aidant pour s’occuper d’un membre de la famille qui présente un handicap ou une perte d’autonomie d’une particulière gravité peut être demandé par le salarié ayant un an d’ancienneté dans l’entreprise au lieu de deux ans auparavant.
3 | Recadrage positif des congés payés |
La plus belle conquête sociale de l’homme – les congés payés – comporte parfois son lot de petits tracas auxquels la loi Travail apporte réponse.
- Depuis 2012, merci le droit européen, dès son embauche, sans condition d’ancienneté, le salarié se crée des droits à congés qu’il peut prendre dès la première année dans l’entreprise.
Cependant, le travailleur arrivé alors que le calendrier de l’entreprise fixant l’ordre et les dates de départ en congé était bouclé, pouvait se voir refuser la prise des congés acquis depuis son embauche.
La loi clarifie les choses et indique que les nouveaux salariés peuvent prendre leur congé dès l’embauche. Par exemple, un salarié embauché en juin ayant acquis 2 jours de congés payés, peut les prendre dès le mois de juillet.
- Perdre son emploi est déjà un grand malheur mais quand la loi y ajoute
la privation de l’indemnité compensatrice de congés payés en cas de licenciement pour faute lourde, on est dans l’injustice criante.
Cette mesure qui figurait en toutes lettres dans le code du travail, merci les procéduriers, a été invalidée par le conseil Constitutionnel.
Désormais, l’indemnité compensatrice de congés payés – le paiement des jours de congés payés acquis mais non pris – est due au salarié même en cas de licenciement pour faute lourde.
4 | Vers une meilleure protection des travailleurs saisonniers ? |
L’hiver à la neige, l’été à la mer, pas pour se prélasser ou bronzer dans un hamac, mais pour travailler le temps d’une saison, et peut être revenir l’année suivante, et celles d’après.
Les emplois saisonniers comportent aussi leur lot de tracasseries de la part de certains employeurs tentés d’abuser de leur position dominante en ces temps de chômage massif. Il y aussi des entreprises qui qualifient de contrat saisonnier des contrats conclus dans des situations qui n’ont rien à voir avec les emplois saisonniers.
La loi travail tente d’améliorer les droits des salariés saisonniers.
- Le CDD saisonnier fait l’objet d’une définition légale précise. Il peut être reconduit d’une année sur l’autre en prenant en compte l’ancienneté du salarié, ce dernier point étant conditionné à la négociation des branches professionnelles concernées par l’emploi saisonnier, secteur du tourisme, hotellerie-restauration, notamment. Si la négociation n’aboutit pas, une loi sera votée.
- Les entreprises souhaitant s’attacher la fidélité des travailleurs saisonniers pour les retrouver les années suivantes peuvent signer des CDI intermittents (contrat à durée indéterminée intermittent).
- Petite nouveauté notable, l’article L 3133-3 du code du travail précise que les jours fériés légaux – onze en tout – ne peuvent entraîner aucune perte de salaire pour le travailleur saisonnier qui totalise au moins trois mois d’ancienneté dans l’entreprise, du fait de divers contrats successifs ou sur un seul contrat.
5 | Un droit à la déconnexion numérique |
La loi accorde aux salariés le droit de ne pas être connectés en permanence avec l’entreprise qui les emploie. Loin d’être anecdotique, cette mesure revêt une importance considérable, car si juridiquement rien n’interdit au salarié de faire écran noir, en pratique une forte pression pèse sur lui pour qu’il reste toujours joignable. Fini le fil à la patte.
Lors de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle, l’employeur y ajoute un volet sur les modalités pratiques du droit à la déconnexion et la régulation des outils numériques en vue d’assurer le temps de repos des salariés, et leurs congés. En clair, il faut prévoir les plages horaires pendant lesquelles, l’employeur et les chefs s’interdisent de contacter les salariés.
A défaut d’accord, l’employeur rédige, après avis du comité d’entreprise, ou s’il n’existe pas des délégués du personnel, une charte définissant les modalités pratiques du droit à la déconnexion.
Bref, la loi pose surtout des principes… Mais le fait qu’ils existent devrait prévenir de nombreux cas de burn out ou de harcèlement moral.
6 | Le contrat de travail plus facilement modifié par l’employeur |
Jusque-là l’employeur ne pouvait modifier un ou plusieurs éléments des contrats de travail que dans le cadre d’un accord de maintien dans l’emploi, justifié par des difficultés économiques.
C’est fini. Un accord d’entreprise pourra imposer plus facilement une modification des conditions d’emploi.
Des accords de préservation ou de développement de l’emploi pourront être conclus afin de permettre à l’entreprise de s’ajuster face à des variations d’activité, par exemple réduire le nombre de jours de congés, supprimer la prime de 13 ème mois, ou un autre avantage. Seule limite : la rémunération mensuelle est sanctuarisée, elle ne peut pas être diminuée.
Le salarié peut refuser par écrit l’application d’un accord qui apporte une modification à son contrat de travail, l’employeur pourra alors engager une procédure de licenciement contre lui.
Cette rupture du contrat de travail ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis, mais ouvre droit à l’indemnité de licenciement.
C’est bien le moins...
7 | Un compte d’engagement citoyen |
Le compte d’engagement citoyen, qui fait partie du compte personnel d’activité, permet à son titulaire d’y recenser ses activités bénévoles ou de volontariat de
Il lui ouvre la possibilité d’acquérir :
- les heures inscrites sur son compte personnel de formation au titre de l’exercice de ces activités ;
- des jours de congés destinés à l’exercice de ces activités.
Les activités bénévoles ou de volontariat permettant d’acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation sont notamment :
- le service civique ;
- le bénévolat associatif exercé dans une association déclarée depuis trois ans au moins ayant des activités à caractère philanthropique, scientifique, éducatif, humanitaire, familial, sportif, culturel etc.
Cela ne suffit pas. Il faut en outre que le bénévole siège dans l’organe d’administration ou de direction de l’association ou participe à l’encadrement d’autres bénévoles.
L’enfer est pavé de bonnes intentions. Excellente dans l’intention, la mesure perd de son intérêt. Bordée de conditions strictes, de fait elle est inaccessible aux bénévoles de base, en bas de l’échelle.
Commentaires