PSG : 7 questions pour faire mine de s’y intéresser
Depuis l’invention du centralisme hexagonal par les révolutionnaires jacobins, Paris n’a jamais dominé aussi outrageusement la France. Ce qui ne doit pas nous dispenser de poser sept bonnes questions…
Dès lors qu’on n’est pas Nicolas Sarkozy, Patrick Bruel, ou tout autre abonné du Parc des Princes, quel intérêt va-t-on pouvoir trouver à ce championnat de France de foot qui démarre vendredi ? Il faudra vraiment avoir un club dans la peau ! SON club… Pour vérifier 38 fois s’il s’en sort, bon an mal an. Les autres, les simples curieux… Voyez caisse. Car côté suspense, l’intégrale DVD de l’inspecteur Derrick fera tout aussi bien l’affaire. C’est signé, coulé dans le bronze, gravé dans le marbre : avant même le premier coup de sifflet de monsieur l’arbitre, Paris-Saint-Germain est déjà champion de France 2017, comme ce fut le cas ces quatre dernières années. À moins d’une bonne guerre mondiale, éclatant, disons début mars, qui couperait soudain cours à la compétition.
Voilà tout de même sept questions que pose l’écrasante domination des Parisiens sur ce sport, et pour son avenir national, si tant qu’il en ait un…
1 | Quel intérêt pour les autres clubs ? |
Quand le fonds d’investissements Colony Capital finit de vendre le PSG, en 2011, l’immense majorité des observateurs et acteurs du foot français y vit une chance extraordinaire. On allait en avoir, du spectacle ! Le niveau allait mécaniquement monter, et l’on pourrait rivaliser avec l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie. De fait, les droits TV flambèrent un peu, et du même coup les recettes rétrocédées par la Ligue à chaque club.
Mais ces sommes n’ont guère nourri les performances. Elles ont juste alimenté les masses salariales, pour le bonheur des gourmands que sont les joueurs et leurs agents. S’agissant des transferts, les clubs français n’ont pas profité des contrats faramineux signés par les Qataris, qui pour l’essentiel font leurs marchés de stars en Italie, en Espagne et ailleurs. Au rayon Recrues Françaises, Ben Arfa a signé cette année libre de tout engagement, donc à coût zéro (sauf pour lui-même). Avant lui, Cabaye et Stambouli arrivaient d’Angleterre, les sommes rétrocédées à leurs clubs d’origine (Lille, Montpellier) restèrent très probablement modestes.
Côté Spectacle, le Barnum PSG offre à chaque club une bonne recette aux guichets ; mais une seule fois par saison. La réalité, c’est qu’aux tarifs démentiels que proposent Anglais, Italiens, Espagnols, aucun club français ne parvient plus à conserver un bon joueur, même jeune. Dès lors, le niveau global du championnat baisse inexorablement, et la fréquentation des stades s’en ressent. En Ligue Europa comme en Ligue des Champions, aucun bastion hexagonal ne soutient la comparaison avec la concurrence.
Bien sûr, PSG n’est nullement responsable des stratégies de ses concurrents, ni de la fiscalité défavorable, ni des charges sociales élevées. Pas davantage de l’incompétence de certains dirigeants ; ni des salaires mirobolants qu’offrent à des joueurs moyens de faibles clubs anglais, devenus richissimes du fait de l’explosion de leurs droits TV. Il n’empêche. L’« effet PSG positif » demeure obstinément flou. Certains continuent, officiellement, de se réjouir de sa toute-puissance, mais le titre est joué avant même que d’être disputé. Passionnant, non ?
2 | Quel intérêt pour l’échelon national ? |
Au niveau des équipes de France, l’impact PSG apparaît plus distinctement. Jadis les grands joueurs français qu’il sut former se comptaient sur les doigts d’une main de Django Reinhardt (comme disait Gainsbourg). Il y eut Anelka, peut-être un ou deux autres que l’Histoire a déjà oubliés. En revanche, on riait du nombre de jeunes, de banlieue parisienne, que le club avait ratés (Thierry Henry, David Trézéguet, tant d’autres).
Or, si le club peut encore se mordre les doigts d’avoir laisser filer son grand espoir Kingsley Coman, qui s’affirme aujourd’hui à Munich après avoir percé à Turin, il compte moult pépites issues de son centre de formation… qui demain pourraient devenir des stars du foot français. Augustin et Kimpembe sont devenus champions d’Europe des moins de 19 ans, Rabiot est quasi titulaire (s’il ne quitte pas le club précocement), et probable futur international. Le gardien Aréola, formé au club, pourrait devenir numéro 1 devant Trapp. Plusieurs autres ont ce genre de potentiel.
Ces dernières années, la capacité de Lyon à sortir de jeunes talents impressionnait : Benzema, Ben Arfa, Rémy, Lacazette, Gonalons, Grenier, et dernièrement, Fékir et Umtiti. Il n’est désormais plus seul dans ce registre. Voilà probablement le véritable effet PSG positif, pour le foot hexagonal.
3 | Comment un pays peut-il à ce point peser sur une compétition nationale ? |
Régulièrement, (il s’agit même d’un vrai marronnier) on s’émeut du record extravagant qu’atteint le transfert de tel joueur, d’un club européen à un autre. On avait touché 100 M€ quand Gareth Bale quitta Tottenham pour le Real Madrid. Et voilà que Manchester United pulvérise ce record, 20% d’un coup, ramenant Paul Pogba « à la maison » qu’il avait quittée pour Turin. Montant, 120 patates. Les uns s’en émeuvent. Les autres d’un haussement d’épaules s’en remettent à « la loi du marché ».
Quoi qu’il en soit, on parle ici d’argent privé, et son degré de propreté n’est pas le sujet du jour. En revanche, qu’un pays, ou son fonds souverain (Qatar Investment Authority, qu’il contrôle à 100%) puisse à ce point peser sur une compétition se déroulant dans un autre pays « souverain » devrait interpeller. Quand l’achat d’un seul joueur (Grzegorz Krychowiak, acheté cet été à Séville pour dit-on 60 M€) équivaut au budget annuel de deux clubs engagés dans la même compétition (mettons Angers et Dijon), le mot même de « compétition » a-t-il encore un sens ? Demain, la Russie, la Chine, les USA pourront-ils s’offrir Madrid, Milan, Munich, sans que quiconque s’en étonne ?
4 | Jusqu’où peut-on aller dans le financement d’un club ? |
Ici, il en est un qui commence à trouver quelque peu saumâtre ce déséquilibre financier. Jean-Michel Aulas préside aux destinées de l’Olympique Lyonnais. S’il domina longtemps le championnat (7 titres consécutifs), du moins le faisait-il à armes « quasi » égales, en un temps où régnait encore un peu de cette « glorieuse incertitude du sport » qui ferait aujourd’hui ricaner n’importe quel « polémiste du foot ».
Aulas, repris par le Quotidien du Sport, déclarait récemment que « Le PSG poursuit une politique excessive d'investissement qui va abaisser la compétitivité de notre L1 : trop c’est trop ». Selon lui, « le dumping financier tue la compétition, l'excès de l'argent du PSG tue l'aléa sportif ». On demeure surpris qu’une voix seulement se fasse entendre sur ce registre. Et que le sujet ne semble guère troubler le milieu journalistique spécialisé. Mais PSG fait vendre, et PSG est un bon client. On a les consolations qu’on peut.
5 | Pourquoi cette stratégie du Qatar ? |
D’autant plus grinçant peut sembler ce constat d’ultra domination, que le Qatar se soucie en réalité comme d’une guigne d’empiler en vitrine les trophées nationaux. Sinon, il n’aurait point rompu le contrat de Laurent Blanc, qui trois années durant fit carton plein, championnats, Coupes de la Ligue, Coupes de France ; sans oublier les Trophées de Champions, hochet n’intéressant personne sinon les deux clubs concernés chaque année.
Ce que veut le Qatar, c’est évidemment la fameuse Ligue des Champions. Il veut les battre tous, les prestigieux Barcelone, Munich, Real Madrid, Juventus Turin, Chelsea. On peut aussi penser qu’il veut ce triomphe AVANT cette sulfureuse Coupe du Monde 2022, qui se déroulera « là-bas ».
La stratégie du Qatar est d’affirmer sa présence sur la scène mondiale via le sport, par le sport. Avec pour y parvenir des moyens presque illimités, en naturalisant dans toutes les disciplines des athlètes constituant des équipes « nationales mondialisées ». En organisant ces dernières années un wagon de compétitions mondiales (les championnats du monde d’athlétisme s’y dérouleront en 2019). C’est une vraie stratégie de Soft Power. Paris Saint Germain y tient un rôle de tête de gondole, puisque « Paris sera toujours Paris ». Avec moi, tous en chœur : « La plus belle ville du monde ».
6 | Paris capitale du Qatar ? |
N’est-ce point là le plus dérangeant ? On sait que bien des bijoux de famille français sont déjà passés sous contrôle, ou carrément devenus la propriété de ce pays grand comme trois de nos départements. Et les alternances politiques n’y ont rien changé. En s’offrant Paris Saint-Germain, on peut considérer que symboliquement, les Qataris ont aussi (surtout ?) acquis l’image de la Tour Eiffel, son symbole mondial le plus fameux, qui orne l’écusson et le logo du club.
L’impact marketing d’une telle acquisition est incommensurable, la dimension symbolique inestimable. D’ailleurs quand le dénommé Zlatan fut présenté à la presse, la photo marquant ce moment « historique » se fit bien du Trocadéro, la Tour en arrière-plan. On peut demeurer surpris qu’aucun de nos hommes d’État n’ait été le moins du monde contrarié par cette captation du symbole. Mais ces gens-là ont-ils seulement lu René Guénon ou Jacques Lacan, ce qui les eut sensibilisés à la dimension symbolique des choses ?… C’est peut-être là le problème.
7 | Y aura-t-il seulement un espoir de surprise ? |
L’an dernier, le très modeste club de Leicester déjoua tous les pronostics en devenant champion d’Angleterre, à l’issue d’une saison euphorique. Imaginez Guingamp s’offrant le titre de Ligue 1 au nez et à la barbe des parisiens ? Ce genre de miracle arrive rarement deux fois. Et que Guingamp soit désormais coaché par un ancien entraîneur parisien, Antoine Kombouaré, n’y changera rien. Celui qui fut également joueur du club n’a sans doute jamais digéré son éviction par la direction qatarie, alors qu’il faisait convenablement le job.
La foi renverse - dit-on- les montagnes. Pas sûr que la rancœur y suffise. PSG est un rouleau compresseur qui n’épargnera chez nous personne, et nous avons plus de chances d’empocher deux fois de suite le pactole d’Euromillions, que de les voir trébucher devant l’obstacle. On peut fantasmer sur quelques jeux de mots faciles autour du nouvel entraîneur, Emery (les toiles d’Emery ?) Ou imaginer quelques titres comme « loose à Toulouse », « Bordel à Bordeaux » ; voire espérer le retour de l’ex- traditionnelle crise de novembre, qui constituait jadis un rituel parisien drolatique, où s’empilaient les défaites en série. Ces temps sont révolus. Pour qui rêve encore de « glorieuse incertitude du sport », autant se rabattre sur les joies du curling ou du rink hockey… Ou le rugby à 7, qu’à 7x7, nous aimons bien.
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