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Présidentielle : les gros défauts du vote par défaut

Décrypter Par Eric Le Braz 24 avril 2017

Présidentielle : les gros défauts du vote par défaut
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Au moins six sensibilités ont été condamnées à voter utile dès le premier tour. Un phénomène qui va s’amplifier au second et qui accentue les limites d’une Ve République... bientôt obsolescente ?

La gauche est écartelée, la droite atomisée, les écolos disloqués… On peut s’en réjouir. Mais on doit aussi tirer les conclusions d’un scrutin qui montre les limites d’un système.

La cinquième république fonctionnait avec deux grandes forces qui alternaient au pouvoir et se neutralisaient parfois en période de cohabitation. Mais ce cadre n’a aujourd’hui plus de limites et produit des effets terriblement pervers.

Le colossal taux d’indécis à quelques jours du premier tour a été  le symptôme d’un mécanisme complètement grippé où l’on ne vote plus par conviction. C’est fini la litanie : "Au premier tour je choisis, au second j’élimine". Il a fallu voter pour éliminer dès le premier round.  Le vote utile est le grand gagnant de ces élections et il laisse un gout amer dans la bouche d'au moins six familles de votants qui ont voté par défaut dès le 23 avril.

1 La neurasthénie du filloniste malgré lui

Je suis de droite, catholique, conservateur, patriote, petit patron, commerçant, paysan, employé, cadre et… honnête. J’ai voté Fillon à la primaire et même si le système médiatique et judiciaire s’est acharné sur lui, je sais bien qu’il a fauté. Mais j’ai été obligé de lui pardonner. Car il n'y avait sur le marché que des options qui ne correspondaient pas à mes valeurs conservatrices et morales. Le libéralisme hollandais de Macron, le nationalisme décomplexé de NDA, le gauchisme xénophobe de Marine Le Pen… très peu pour moi ! 

Alors, je me suis résolu à voter pour un candidat qui avait trahi mes principes  mais qui pouvait appliquer mes valeurs. Et j’ai perdu…

2 La déprime du sarkoziste

J’avais un champion qui savait parler à mon cœur et à mes tripes. Il avait des idées qui rejoignaient les miennes, réacs mais populaires. Après le choc de la primaire, je me suis d’abord résolu à soutenir Fillon. Puis, en lisant le programme du Sarthois et après les affaires, je me suis éparpillé vers NDA puisque Guaino n’était plus là. Ou vers Marine qui savait parler au peuple, elle. Pas comme le collaborateur de mon idole… Il ne me reste plus qu’à espérer que Macron nomme Baroin premier ministre cohabitant. Mais quelle déprime de vivre de petites joies par procuration !

3 La dépression du juppéiste

Le centre droit, c’est moi. Je suis le dernier vestige du chiraquisme. Et oui, je sais, j’ai pris une grosse claque pendant les primaires. Après le Fillongate, j’ai espéré que mon candidat préféré reviendrait. Las ! La droite humaniste, sociale, gaulliste n’existait plus. Alors, discipliné j’ai voté pour le bandit du bocage la mort dans l’ame. Ou allergique à la rhétorique hypocrite, je me suis laissé bercé par le discours ambigu du faux ingénu. Mais aucun ne m’a jamais vraiment représenté. J’ai l’impression d’être une espèce en voie de dissolution...

4 La souffrance du socialo

Je suis de gauche, de culture socialiste. J’ai voté Hamon à la primaire et je pensais embrayer à la présidentielle comme je l’ai toujours fait pour Mitterrand, Jospin, Royal et Hollande. Et puis patatras, mon candidat s’est effiloché au fil des sondages. Et je j’ai du me résoudre à voter utile. 

J’ai hésité entre la rougeole et la varicelle pour ne pas avoir à choisir entre la peste et le choléra.

Je ne goutte guère la doxa libérale du Petit Prince et les envolées bolivariennes du tupamaros insoumis  me hérissent le poil. Mais il fallait bien voter utile… et je vais continuer car j’ai appris à faire des barrages contre le Front national depuis tout petit. 

5 Le blues du loser vert

Je suis écolo. J’ai toujours choisi les Verts au premier tour pour qu’ils pèsent enfin et qu’on sorte du nucléaire, bordel ! Je sais que ça n’a jamais marché. Mais cette année ce fut pire. Il a fallu m’éparpiller entre un candidat compatible mais sans aucune chance, un mangeur de quinoa europhobe alors que je suis europhile de naissance et un candidat du lobby industrialo-nucléaire qui a aimanté papy Dany.  Et maintenant je suis bien avancé. Mes idées ont  peut-être fait 25 % (Mélenchon + Hamon), mais pour moi, c’est toujours la loose… 

6 Le cauchemar du souverainiste (de gauche)

Je suis chevènementiste. Ou Vallsiste. Ou Bouvetiste, tiens. Appelez moi comme vous voulez. Je suis un souverainiste, républicain, laïc. Islamophobe si ça vous amuse. Je crois dans la République de papa et la gauche old school d’Onfray. Le seul candidat qui me ressemblait vaguement, Manuel Valls, s’est fait sèchement éliminé de la primaire de la gauche. Puis il a appelé à voter Macron. Et je l’ai suivi. Sans envie. Je sais bien que ce Balladur de gauche incarne tout ce que j’exècre : un penchant pour le communautarisme et les accommodements raisonnables, une soumission à l’Europe allemande et aux patrons du Cac 40… 

Alors, pour certains d’entre moi, je me suis peut-être résolu à voter Mélenchon sans illusion, car au moins, son patriotisme ostentatoire m’allait bien au teint. Mais je reste en colère car il ne reste que des mauvais choix. Pire : le souverainisme et les mesures sociales ne sont plus portées au second tour que par Le Pen. Le cauchemar.

7 L’euphorie trompeuse du vainqueur

Présidentielle : les gros défauts du vote par défaut
@EmmanuelMacron / TWITTER

Ces six familles politiques sont aussi la France. Elles représentent probablement la majorité de l’électorat. Mais aucune d’elle n’était présente au premier tour de la présidentielle !

 Elles ont été condamnées à voter pour un candidat qui ne les représentait pas. Et aujourd’hui, elles se retrouvent avec un second tour repoussoir.

Si Macron, comme c’est probable mais pas certain - après sa fouquetisation de dimanche soir-, gagne cette élection, il devra présider un pays dont les trois quarts des Français estiment qu’il est…

1)  le Frankenstein du Cac 40,

2)  un pantin de Merkel,

3)  Emmanuel Hollande

4)  ou un homme sans convictions. 

Cochez la case qui vous correspond (plusieurs réponses possibles).

Les mélenchonistes militants sont aussi aigris que leur lider maximo et prêts à s’abstenir comme un seul homme tandis qu’un bon  tiers de fillonistes ira se reporter sur Marine Le Pen d’après Ipsos. Quant aux autres, ils continueront à voter utile et par défaut. Ce qui nous fera un 60/40… sauf si Macron continue à croire qu’il peut marcher sur l’eau sans se mouiller… Sauf s'il finit par se noyer pendant le débat.

Grisé par sa présence au second tour et son statut d’ultra favori, il ne doit pas oublier qu’il est justement une minorité qui a un peu mieux réussi que les autres.  Et que parmi ses électeurs, une bonne partie l’a choisi par défaut. Macron a séduit moins du quart de l’électorat et ses trois premiers poursuivants sont dans une fourchette de 5 points. La démocratie représentative ne représente plus grand chose et va donner le pouvoir à une minorité. Ou la condamner à la cohabitation.

Les deux finalistes n’ont pourtant pas l’intention de changer cette république taillée pour une alternance de partis dominants. Tout juste consentent-ils à promettre une dose de proportionnelle. Mais ce sera pour la législative suivante. D’ici là, on nous souhaite bien du plaisir…

Mise à jour inquiétante du 26 avril : d'après le sondage «Libération»-Viavoice, 41 % des voix en faveur du candidat d’En marche l'ont été "par défaut". 30 % l’ont même choisi pour faire avant tout «barrage à un autre candidat». "Pas vraiment de bon augure pour les élections législatives à venir", commente Libé...

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