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7 travers TELLEMENT français révélés à l'EURO 2020

Décrypter Par Hervé Resse 01 juillet 2021

7 travers TELLEMENT français révélés à l'EURO 2020

UEFA EURO 2020

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Ce 28 juin 2021, nos Bleus ont donc perdu ce match contre les voisins helvètes. Au-delà de la déception, il y aurait tout de même quelques leçons à tirer de cette défaite, et de ce qu’elle révèle de certaines de nos petites manies franchouillardes.

Or donc La France, Championne du Monde de football, excusez du peu, se retrouve éjectée trop tôt du combat pour ce titre qu’elle convoitait, de Champion d’Europe 2020 (en 2021).

On se risquerait, mais tu parles d’une consolation, à rappeler la « glorieuse incertitude du sport », ou que « l’important c’est de participer ». So ringard. Pas du tout 21ème siècle. En toute chose ne considérer désormais qu’une chose : la victoire.

Mais ayant survécu à ce tsunami footballistique, il faudra bien s’en remettre. « Show must go on », chantait Fred Mercury qui avait aussi clamé « qu’on est les Champions, mon ami ».

Du match lui-même que dire, sinon qu’il fut passionnant, intense, avec tous ces rebondissements qui rendent une soirée inoubliable. Sauf que celle-là se termina en défaite tricolore. Aux tirs aux buts, après un « 3 partout » inattendu. Vraiment ? Il ne l’était pas pour votre serviteur : je l’avais annoncé sur WhatsApp à plusieurs amis, avant même le premier coup de sifflet de l’arbitre. Et je peux le prouver. Sauf que là n’est pas le sujet.

Désolé, mais il y a du bon dans chaque raclée. Même prise contre des spécialistes de la raclette ;-) Et en l’occurrence émergent de celle-ci, tout relative puisqu’il ne s’agit que d’un match nul, bien des travers où se condense tout ce qui m'amuse, m’exaspère et me désole de façon récurrente dans la mentalité française dominante ; voire systématique. Ou systémique.  Qu’on appellera ici « Doxa ».

1 Défaite française à l'Euro 2020 : Se voir meilleurs qu’on est

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« On s’est vu trop beaux » … Tout bon entraîneur de foot a cent fois résumé ainsi les soirs où son équipe perd un match qui semblait à sa portée. Cette langue de bois du coach fait même les délices des auditeurs attentifs. Qu’il est plaisant de les entendre souligner « que les occasions il faut les mettre au fond », ou que « les matchs il faut les disputer l’un après l’autre ». Il est vrai que c’est plus pratique.

Il se dit qu’en Belgique et en Suisse on nous reconnait volontiers un sérieux complexe de supériorité. Ici, on moque les Fransquillons : « pour faire une bonne affaire, achète un Français au prix qu’il vaut, vends-le au prix qu’il croit valoir ». Là, on ironise sur ces Frouzes qui se croyaient jusqu’à 21 heures, hier plus forts que tous les autres : imbattables.

De fait, qui n’a pas entendu dans tant de propos tenus sur tous les plateaux radios et télés par les journalistes, observateurs, consultants et autres « toutologues », ce ton de suffisance, cette arrogance, ferait bien de s’offrir un bilan chez Audika (ou ailleurs).

Avant même le premier match du Tournoi, on nous rassurait qu'on allait voir ce qu'on allait voir : car nous avions "la meilleure attaque du monde". Un trident de feu : Griezmann, MBappé le Prodige, et Benzema le Revenant (on en reparlera). Le monde entier nous les enviait.

Ce n’était d’ailleurs pas faux. Et donc, c’était écrit, ils allaient tout balayer sur leur passage, soutenus qu’ils étaient par un milieu génial, une défense de fer, tous drivés par un sélectionneur à nul autre pareil. Homme qu’il ne s’agit d’ailleurs pas de contester, on va y venir.

Mais bon, on parle un peu du bilan ? Une victoire étriquée, trois nuls, dont un valant élimination. Oui, nos adversaires étaient coriaces. Oui, nous n’avons pas perdu, en dehors du tout dernier acte qu’il ne faut pas appeler des pénalties, mais des tirs au but. Mais cette condescendance avec laquelle nombre de nos observateurs évoquait l’équipe Suisse qu'on allait dévorer tout cru, avait de quoi exaspérer. Quelques rares prudents se souvenaient (par exemple) de la Berezina de la Coupe du Monde 2002. Ou de cet autre fiasco de 2010 : Knysna, Afrique du Sud.

Quelques arrogants auraient dû parler avec moins de morgue sur différentes ondes et plateaux.

Qu’ils retiennent la leçon ? Autant demander à Eric Zemmour d’entonner « Avanti Popolo » sur l’air des Lampions.

2 Défaite française à l'Euro 2020 : De l’usage immodéré des superlatifs

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De ce défaut précédent découle l’idée que tout match des Bleus ne saurait se contenter de qualificatifs usuels. Bien entendu, nous ne sommes interdits ni de bien jouer, ni de gagner. Nous sommes d’accord qu’un titre de Champion du Monde comme celui de 2018 où nous n’étions guère favoris de surcroit, place haut la barre pour le choix des adjectifs et des adverbes à venir. Encore faudrait-il y garder un peu de mesure.

Du temps que je connaissais le regretté Thierry Roland, le cher homme aimait à rappeler que le commentateur du match en direct doit forcément survendre un peu son produit. En substance, il expliquait qu’un mauvais match doit être qualifié de « moyen » ; un match moyen devient « bon », un bon sera « très bon » ; et un très bon devenant « excellent », l’excellent devient alors EXCEPTIONNEL.

Mais ce grand professionnel savait justifier cette obligation. Je le cite, de mémoire et en substance : « si je dis au téléspectateur qu’on assiste à un match pourri, comment voulez-vous qu’il reste devant son téléviseur » ?

Sauf que ce principe lié au direct s’est depuis totalement galvaudé. La surenchère est permanente et obligatoire. Nous vivons une ère ultra médiatique, les médias sont en constante hyper concurrence, et tout expert habitué des plateaux ne cherche pas tant à affirmer la qualité du produit qu’il commente, que SA propre qualité à en parler.

Cette loi incontournable de la fameuse Société du Spectacle, entraine que les mots n’ont plus aucun sens dans les bouches, ni la moindre importance. Il s’agit de tout dire en mode superlatif. Ce qui autorisait hier le terrifiant Gilles Verdez « procureur sur RTL » également « toutologue » expert, habitué des plateaux du sieur Hanouna à décrire sans rire les dénommés Lloris, Pogba et Benzema comme « des génies absolus ». Rien moins. D’autres moins caricaturaux n’en régalaient pas moins le public de termes plus dithyrambiques les uns que les autres.

Étonnez-vous qu’ensuite une défaite en compétition officielle à l’inverse, paraisse un tsunami. Après le match d’hier contre la Suisse, les mines des journalistes paraissaient évoquer un désastre national. Un nouvel attentat terroriste leur aurait sans doute inspiré moins d’effarement.

Les plus pertinents furent alors le coach, (écoutez son message), ou les premiers concernés, ces joueurs qui tels Lloris et Varane, rappelaient que « oui, c’était une cruelle déception », mais que c’est aussi pour cela qu’on aime le football, que parfois le sort nous est favorable mais qu’il l’est aussi parfois… pour l’adversaire.

« Sometimes you hit the Bear, sometimes the Bear eats you », disent les vieux trappeurs : « Parfois tu tues l’ours, parfois c’est l’ours te mange ».

Heureusement qu’ils étaient là, Varane, Lloris, Deschamps, pour rappeler le plus important, qui semblait échapper à tant d’observateur : on parlait bien de football... Et ce n'était QUE du football !

3 Défaite française à l'Euro 2020 : Créer les polémiques

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Après la défaite vient le temps des polémiques. Didier Deschamps avait l’élégance de ne pas se réfugier derrière de fumeux alibis. Il assumait droit comme un I sa part éventuelle de responsabilité dans l’échec. Mais il fallait dès le lendemain, alourdir la déception d’une diatribe : Deschamps DOIT-IL démissionner ?

L’option est possible. Elle est plausible. Nul ne peut dire au lendemain d’une défaite si elle sera ou non suivie d'effets. Mais cet empressement, et ce "DOIT-IL" n’auront décidément guère fait honneur à la corporation des détenteurs de cartes de presse.

Cet homme est faut-il le rappeler, un des trois seuls joueurs de toute l'histoire du ballon rond, à avoir emporté la Coupe du Monde comme joueur (et même capitaine) PUIS comme entraîneur. Seuls le Brésilien Zagalo et l’Allemand Beckenbauer peuvent s’enorgueillir d’une telle ligne sur le CV. Ajoutons que Deschamps a brandi comme capitaine la seule Coupe des Champions jamais gagnée par un club français (OM, 1993) et d’en avoir guidé un autre (Monaco) jusqu’à la finale.

Ça mériterait peut-être un brin de courtoisie, non ?

Autre dossier posé dès le lendemain, celui consistant à inventer de pseudos boucs émissaires que personne n’avait vraiment songé à désigner. Rappelons que le Bouc Émissaire est celui qui endosse pour lui seul la responsabilité d’un échec collectif. Et c’est grâce à son sacrifice que le groupe parvient ensuite à dépasser la crise. On sait que jusqu’à sa mort, se trouveront des gens pour rappeler à David Ginola que sans sa passe malheureuse à quelques secondes de la fin d’un match qualificatif contre la Bulgarie en 1993, les Bulgares n’auraient pas remonté tout le terrain, marquant le but assassin qui éliminait la France de la Coupe 2014. Tous ces braves gens oubliant que lors du match précédent, la France n’avait pas été fichue de battre chez elle, au Parc des Princes, une très modeste équipe d’Israël. Et que c’est bien là qu’elle avait perdu les points précieux lui manquant au bout du compte.

Et donc, la question urgente était en ce lendemain de cuite, de savoir s’il faut déclarer Kilian MBappé « coupable de l'élimination » des Bleus, le joueur ayant vu son tir repoussé par le gardien de but suisse.

On verra plus loin que certaine femme politique aura vu là l’occasion d’un message de soutien solennel en réalité dénué de tout intérêt. Mais cela pouvait illustrer tout de même cette hypothèse d’une France « coupée en deux » une moitié du pays crucifiant le jeune Kilian, l’autre moitié prenant alors sa défense contre l’injustice.

Tout cela est cousu d’un fil aussi blanc que la tunique des Suisses. Tout amateur de ballon rond SAIT qu’une séance de tirs aux buts est cruelle et terrible pour qui rate le sien. Mais que le 5ème tir au but met une pression deux fois plus importante sur les épaules de celui qui l'assume, car son échec précipite souvent la défaite de l’Équipe. Kilian a eu le courage de s'y confronter. Pour un joueur de son âge, c’était audacieux. Téméraire ? Allez savoir. Il a tenté, il n’a pas réussi. Point barre. Il n'est pas le premier. De très grands joueurs, - tous les plus grands, probablement, ont un jour envoyé le ballon dans les airs, ou à côté, ou dans les bras du gardien. Prétendre que pour cela, le jeune attaquant parisien serait voué aux Gémonies, c’est du bullshit. Du bullshit absolu. Estampillé français.

4 Défaite française à l'Euro 2020 : Faire et défaire les Rois (ou les Stars)

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Le journaliste français, [NB : oui on critique ici un peu les journalistes, pour beaucoup responsables en tant que leaders et relais d’opinion, des travers de l’époque. Tel est le revers de leur médaille de notoriété et de droit à la parole], le journaliste disions-nous adore faire et défaire de nouvelles vedettes, rois ou reines des royaumes médiatiques. Côté football, dix jeunes joueurs annoncés au départ comme de futurs Platini ou Zidane, seront aussi vite retournés à l’indifférence du grand public, ou même à l’anonymat. Cela n’arrivera pas à Kilian MBappé, très vite adoubé par « Le Roi » Pelé comme un successeur potentiel. Mais tout de même.

Nous Français adorons porter au pinacle par anticipation. Depuis janvier, toute la presse martelait MBappé comme un candidat évident pour le Ballon d'Or 2021, élection du meilleur joueur de l'année (meilleur joueur du monde). Le titre lui était forcément promis : n’avait-il pas marqué trois buts à Barcelone ? Le Real Madrid ne s’apprêtait-il pas à casser sa tirelire pour l’enrôler au plus tôt ? 

Au final, le gamin hyper doué n'a gagné cette année ni son championnat, ni la Ligue des champions, et donc pas davantage ce championnat d'Europe. Finalement il aura juste été sacré « meilleur buteur » de Ligue 1 Uber Eats, dans un Paris Saint Germain dépossédé de son sceptre.

À 21 ans, c'est plus que pas mal. Pas mal du tout. Mais cela justifiait-il de lui gonfler à ce point l’égo ; d’en faire par anticipation l'égal des plus grands joueurs du monde ? Sans se lasser, on en aura fait des tonnes tout en le suspectant à certains moments d’avoir la grosse tête. On s’appelle cela la double contrainte. On ne dit pas que KM est promis à se voir dézinguer. Il devrait être également possible d’applaudir ses qualités (rapidité), de voir des points faibles (un peu personnel ?), de suggérer des voies de progression (jeu défensif ?) sans tout résumer à ce choix binaire : icône intouchable réponse A.  Talent gaspillé réponse B.

Durant les quatre matchs de cet Euro, on aura vu la Star offrir de bons ballons à ses partenaires, comme quoi il n’est pas si individualiste ou « perso » qu’on le dit. Mais il l’aura fait sans MARQUER. Certains auront alors commencé à faire les difficiles. À lui trouver un éventuel concurrent pour le fameux Ballon d’Or. La Doxa n’est pas allée chercher trop loin. N’Golo Kanté est disent les sondages le Bleu le plus populaire. Et il a gagné la Ligue des Champions. Donc, si ce n’est pas Kilian ce sera son frère ; l’homme aux Trois Poumons, celui dont il se dit qu’ils sont deux, que chacun joue une mi-temps, sinon comment expliquer un tel abattage ?

Les supporters français chantaient hier avant le match et sur l’air des Lampions, ou plutôt du Go West des Village People : « À Gauche… N’Golo Kanté ! À Droite… N’Golo Kanté ! Derrière… N’Golo Kanté ! Devant… N’Golo Kanté ! »

Il est hélas à craindre que ce tube de ne dure plus longtemps. Nos amours sont souvent éphémères, cela aussi, est tout à fait français, ou tout à fait l'époque. Ou tout à fait les deux.

5 Défaite française à l'Euro 2020 : Le mythe de l’homme providentiel

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Ici, c’est bien plus qu’un travers : une monomanie. En histoire ou en politique, nous adorons les héros venus pour nous « sauver du désastre ». De Jeanne d’Arc à De Gaulle, l’idée n’étant pas ici de contester leurs mérites. Mais cette obsession du Sauveur, du Messie, est tellement répandue par chez nous qu’on la trouve aussi bien à droite (ou à son extrême : « le Menhir » Le Pen jouissait d’un culte de la personnalité mieux que stalinien) qu’à gauche où l’on oublie souvent les paroles de l’hymne officiel, qui pourtant juraient « qu’il n’est pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César ni Tribun ». Ni Mélenchon, donc. Ni Taubira.

Mais voilà que le football, depuis que nous y avons pris goût (fut une époque où nos meilleurs joueurs regardaient les Coupes du Monde depuis leur canapé) est un autre théâtre où l’on aime encore plus ce sport collectif que s’il s’incarne dans LE joueur Superhéros.

Sans lui l’Équipe n’existe plus qu’à l’état d’ébauche ou d’esquisse. Cela n’est pas le fait des héros eux-mêmes. De Platini à Zidane, tous savent pertinemment que seul on ne peut jamais tout. Cela vient de ces commentateurs (et à travers) qui personnifient les aventures collectives comme s’il y fallait toujours un Moïse, ou un Henri IV avec panache blanc.

Cette année dans le rôle, Karim Benzema était en route pour l'Oscar. On nous l’avait vendu jadis comme Karim le Traitre, Karim l'Algérien, Karim le Paria. Ici même, je m’y étais risqué dans un article, volontairement provoque, ou poil à gratter. Cinq ans plus tard, ce n’est pas celui dont je suis le plus satisfait. Mais depuis des mois, alors que le joueur du Réal réussissait une saison pleine et prolifique, la presse réclamait son retour en mode Karim De Gaulle, Karim Jésus, Karim Zidane.

Deschamps y accéda, consentant ou contraint. Peu importe. Le temps de quatre matchs, l'avant-centre du Réal aura fait le job : planté quatre buts, laissé éclater après chacun d'eux une joie saine et sincère. On avait plaisir à le voir fort de tant d’énergie. Les plus réticents constataient même qu’on le voyait un peu bouger les lèvres, à l’heure de la Marseillaise. Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, comme dit Pangloss dans Candide de Voltaire. Mais cela n’aura pas suffi à ce que la France transperce l’Helvétie.

Désolé : il n'y avait pas là plus d'homme providentiel qu’il n’y en a jamais, en sport ou dans la vie publique. Et pas plus que dans la salle à manger d'Emmanuel Macron à l'heure du déjeuner.

6 Défaite française à l'Euro 2020 : Le foot comme métaphore du Politique

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En 1998, quand la France emporte sa première Coupe du Monde, (à la maison, faut-il le rappeler, et sans avoir jamais fait vraiment rêver, aux deux derniers matchs près) apparait cette tarte à la crème de La France dite « Black-Blanc-Beur ». L’équipe était certes beaucoup plus métissée que celle de la génération 1982-1986, où figuraient déjà quelques enfants d’immigrés italiens, espagnols, de joueurs venus des DOM-TOM, et un ou deux fils d’Africains. Elle l’était puisque la France l’était devenue, et on l’a déjà dit dans un autre article, du fait démographique fondateur que fut le décret dit du Rapprochement familial de 1976.

Pour autant, si vertueux qu’il paraisse, ce slogan nourri d’angélisme autant que d’antiracisme n’avait guère de sens s’il s’agissait d’y voir LA raison majeure, essentielle, de notre succès. Car quatre ans plus tard, la France se ramassait en Corée et au Japon une sévère déculottée, avec une équipe tout aussi « diverse ». Et nul n’aurait alors oser suggérer que ce « melting pot » était la vraie raison de notre échec. Ce qui revenait à en invalider l’idée, en réalité simple astuce marketing, mais qui dura longtemps, et revient encore parfois s’invitant dans des débats plus ou moins laborieux.

Plus largement, c’est l’idée même d’agréger les symboles du sport aux discours et aux commentaires politiques qu’il faudrait proscrire. Est-il pertinent de suggérer que la défaite France-Suisse résume et symbolise l’échec du Macronisme ? Cela parait idiot. Mais c’est pourtant le Président qui a lui-même cru bon d’associer son image à celle de MBappé et des Bleus.

AVANT la compétition. Ce vieux renard de Chirac, qui connaissait autant les noms des joueurs que celui de ma concierge, avait surfé sur la vague bleue. Mais APRES. 

Il serait néanmoins tentant de proposer que cette campagne Euro 2021 aura beaucoup tenu d’un exercice « Macronien » : d’abord de beaux discours ; puis l’épreuve des faits ; au final mues en « preuves de défaite ».

7 Défaite française à l'Euro 2020 : L’obsession du politiquement correct

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Si seulement on s’en tenait aux seuls faits politiques. Mais il faut aussi instiller dans chaque épopée sportive une louche de cette morale néo-puritaine, tellement anglo-saxonne, afin que nul n’ignore, si par hasard lui venait l’idée d’oublier, que ce monde est fait de Bien et de Mal. Mais qu’il faut que le Bien s’impose en tout, partout, tout le temps. Et qu’il en faut des preuves !

Ici, Karim Benzema revient en lice pour devenir Symbole Suprême. Où l’on retrouve aussi l’inévitable Gilles Verdez, pour qui le retour du joueur n’était pas seulement un fait sportif, mais à l’en croire la figure indiscutable d’une revanche éclatante, définitive, contre le camp du Mal. Au moment de son second but, l’étrange obnubilé le promut même contre la Suisse au rang de « Héros National ». On se demande ce qu’il dirait de Jean Moulin. Il faudrait l’envoyer en Corée du Nord. Il donnerait la leçon.

Mais comment s’étonner ensuite qu’à ce même moment, qui certes redonnait un espoir de qualif’ à nos joueurs, l’inénarrable Manon Aubry, députée européenne insoumise, jamais avare d’une idée toute faite (mais bien intentionnée) se fende d’un tweet pas du tout surjoué (enjoué, oui, certes) hurlant : "BENZEMAAAAAAAA! Coucou! le Rassemblement National!!!

Ou, comme un écho à la supposée polémique naissante contre Kilian, ce tweet signé Audrey Pulvar : « Cher @KMbappe, notre admiration pour vous demeure intacte. Merci pour tout ce que vous avez déjà apporté à l’Équipe de France et ce que vous continuerez de lui apporter ». Avec Drapeau de la France en prime. Sérieux, quel besoin de lui apporter ce soutien aussi superflu qu’inutile ? Sinon pour associer un peu plus au joueur malheureux, l’image poisseuse de la défaite, celle de la récente battue abattue de la Région Ile-de-France… On parierait aussi que Dame Pulvar se soucie autant de foot que MBappé de permaculture. Mais pourquoi se priver d'un rab’ de correction pour pas cher ?

De tout ce qui précède je verrais bien des leçons à tirer. On me dit parfois que « je suis un homme qui aime les défaites ». Ce n'est pas vraiment vrai. Ce n'est pas vraiment faux. En fait, je m'intéresse plus à ce qu'on dit des faits, qu'aux faits eux-mêmes. Mais je crois qu’il convient, sur tout sujet, de garder le sens des mots, la mesure des émotions, et de ne pas confondre jugements et sentiments. Toutes choses assez peu compatibles avec l’époque présente. Ce n’est peut-être pas seulement en France que ces travers existent. Mais c’est en France que nous vivons, que voulez-vous…

À l’heure de relire une dernière fois l’article, et comme tout est décidément toujours possible, pointait un début de « polémique Benzema », décidément gâté. BFMTV avait titré après le match : « Le miracle Benzema n’a pas eu lieu ». Message vite interprété et relayé par un activiste, comme une attaque de nature raciste. La chaîne rectifia prestement d’un : « Le Miracle Benzema n’a pas suffi ».

Le miracle devenait alors qu’un joueur, dont le métier consiste à mettre des buts, en mette, effectivement… À force d’écrire n’importe comment, en finit-on par exprimer n’importe quoi ? A moins que ce soit l’inverse ?

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