Match France-Allemagne sur la gestion de la Covid-19
Depuis la découverte des premiers cas de Covid-19 sur leur sol, la France et l’Allemagne n’ont pas du tout géré la crise sanitaire de la même manière. Deux pays voisins, deux tactiques et 7 points qui font la différence.
Depuis le début de la pandémie de Covid-19, l’Allemagne a souvent été citée en exemple pour sa gestion de la crise sanitaire. Traçage, mise en place de tests à grande échelle, nombre important de lits de réanimation sont autant de facteurs qui peuvent expliquer un taux de mortalité jusque là relativement bas par rapport à la France.
1 | Covid-19 : Les Allemands choqués par la méthode Française |
Depuis le début de l’épidémie, les deux pays se sont distingués dans les propos et les décisions de leurs dirigeants.
Vue d’Allemagne, la gestion française de la crise sanitaire est jugée autoritaire. Le 16 mars 2020, Emmanuel Macron annonçait déjà « Nous sommes en guerre » contre la pandémie de Covid-19. La formule a été reprise par les médias et le gouvernement. Près d’un mois plus tard, le 11 avril 2020, le Président allemand Frank-Walter Steinmeier, dont la parole est rare, avait pris le contre-pied du président français en assurant : "Non, cette pandémie n'est pas une guerre. Les nations ne s'opposent pas à d'autres nations, les soldats à d'autres soldats. C'est un test de notre humanité".
Ces dernières semaines, les médias Outre-Rhin de tous bords n’ont pas été tendres. Un article de l’hebdomadaire Die Zeit le 12 novembre 2020 dénonçant les incohérences des mesures sanitaires mises en place en France, avait qualifié le pays d'« Absurdistan ». La journaliste avait jugé le positionnement d’Emmanuel Macron « quasi monarchique ».
En septembre 2020, le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung pronostiquait :« Le recours à un processus décisionnel autoritaire et unilatéral devrait s’avérer désastreux pour l’acceptation des mesures. » Quelques semaines plus tard, 60 % des Français interrogés affirmaient enfreindre les règles du deuxième confinement, commencé le 30 octobre 2020. « Le gouvernement infantilise les Français » avait écrit Leo Klimm dans la Süddeutsche Zeitung. "C’est normal qu’en réaction, ils se comportent comme des enfants ».
2 | Covid-19 : Le verdict des chiffres |
Le 24 janvier 2020, les deux premiers cas de Covid-19 sont découverts en France. Le 27 janvier, le premier cas apparaît en Allemagne. Deux mois et demi plus tard, l’Allemagne recensait officiellement près de 4.000 décès, et la France près de 17.000. C’est 4 fois plus. Une différence qui s’explique par la mise en place, dès le premier cas avéré, d’une politique massive de dépistage, à l'initiative de l'Institut Robert-Koch, établissement de référence pour la recherche appliquée et la santé publique en Allemagne.
10 mois après le premier cas sur son sol, l’Allemagne, frappée sèchement par la seconde vague, vient de franchir le seuil du million de personnes testées positives à la COVID-19 depuis le début de la pandémie. Le pays enregistre plus de 20.000 décès (au 9 décembre), un nombre bien inférieur à celui des autres pays d’Europe occidentale, bien que le pays le plus peuplé de l´Union Européenne. La France, seconde population de l´UE, compte le plus grand nombre de cas de contaminations en Europe, avec près de 2,3 millions personnes et 56.352 décès (au 9 décembre 2020).
3 | Covid-19 : Deux stratégies sanitaires très différentes |
Contrairement à la France qui n’a pu tester à grande échelle, faute de tests nasaux PCR suffisants, l’Allemagne a commencé très tôt en mettant en œuvre un système de suivi et de traçabilité pour contrôler l’épidémie.
L'objectif ? Isoler les malades le plus vite possible. "Le fait que l'on identifie autant de personnes infectées nous permet de limiter leurs contacts, donc de limiter le nombre de morts", expliquait le professeur Thomas Schulz, médecin à l'institut de virologie de Hanovre, interrogé par Le Monde.
Entre le 16 et le 22 novembre 2020, environ 1,4 million de tests virologiques (RT-PCR) ont été effectués en France, contre 1,8 million la semaine précédente et 2,3 millions début novembre, a indiqué la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Côté allemand, un peu plus d’un million de tests sont actuellement effectués chaque semaine.
4 | Covid-19 : Confinement hard vs light |
Afin d'anticiper et de barrer le chemin au virus, les deux pays avaient décidé mi-mars 2020 d’appliquer un confinement de leur population, avec des restrictions cependant plus légères en Allemagne, qui n’imposait aucune limite de distance pour les déplacements. Le pays avait misé sur le civisme de ses habitants pour respecter ces mesures et limiter leurs déplacements. Mais les deux pays avaient décidé de fermer les établissements scolaires, les magasins non essentiels, ainsi que les organismes de loisirs et culturels.
Afin d’endiguer une deuxième vague de l’épidémie, l’Allemagne a instauré le 2 novembre 2020 dernier un “confinement léger” avec la fermeture des restaurants et bars, salles de spectacle et de sport et une interdiction des rassemblements publics. Les écoles et crèches, elles, restent ouvertes, de même que les commerces, contrairement au confinement du printemps.
L'Allemagne, qui a enregistré mardi 8 décembre 2020 son plus grand nombre de décès en une journée (590) depuis le début de la pandémie a décidé de de renforcer ses mesures. Angela Merkel s’est prononcée pour la fermeture entre Noël/Jour de l’an et la mi-janvier de tous les magasins non-alimentaires et des écoles.
En France, le confinement est allégé depuis le 28 novembre 2020. Tous les commerces ont pu ouvrir pour permettre aux Français d'effectuer leurs achats de Noël, jusqu'à 21 heures. Les sorties pour promenade ou activité physique sont désormais autorisées dans un rayon de 20 km et pendant trois heures. Il demeure néanmoins interdit de rendre visite à ses proches, même s'il existe une exception pour les Ehpad. L'attestation de déplacement est toujours obligatoire. Emmanuel Macron avait annoncé une seconde phase d’allègement des mesures à partir du 15 décembre 2020 si les contaminations tombaient à moins de 5000 nouveaux cas quotidiens. Mais avec près de 14.000 nouveaux cas enregistrés ce mardi 8 décembre 2020, le gouvernement devrait revoir sa copie. Le premier ministre Jean Castex prendra la parole jeudi 10 décembre 2020.
5 | Covid-19 : Des dépenses de santé plus élevées en Allemagne |
"On avait plus de lits que tout le monde en Europe, c'est ça le secret", avait expliqué samedi 10 octobre 2020, Ingeborg Grassle, femme politique allemande et ancienne euro-députée de la CDU, à propos de la gestion de l’épidémie. Au début de l’épidémie, l’Allemagne comptait en effet 6 lits pour "soins aigus" pour 1 000 habitants, soit l'un des taux les plus élevés des pays de l'OCDE. La France est en dessous de la moyenne des 35 pays "développés" membres de l'OCDE, avec 3,1 lits pour 1 000 habitants, soit moitié moins que l'Allemagne, selon les données d'Eurostat.
Mais la pandémie a révélé certaines failles dans le système hospitalier allemand avec la fermeture de certains lits de soins intensifs par manque de personnel "compétent" disponible. Autre complication qui fait craindre un désastre sanitaire : le départ d'une grande partie des 200 000 aides-soignantes à domicile qui portent quotidiennement assistance à des personnes âgées.
Auparavant réputé comme l'un des plus performants en Europe, le système hospitalier français traverse une crise sociale sans précédent depuis plus d'un an, mettant en tension des services qui fonctionnaient déjà à flux tendu. Selon l'OCDE, "En 2018, les dépenses de santé par habitant représentaient 5 847 dollars (5 200 euros) en Allemagne, 4 931 dollars (4 300 euros) en France", relève Le Monde Diplomatique.
6 | Covid-19 : Popularité exceptionnelle d’Angela Merkel |
La chancelière qui vient de fêter sa quinzième année à la tête de l'Allemagne jouit d’une popularité exceptionnelle. Début novembre, sa cote de popularité atteignait ainsi 74 % d’opinions favorables dans le baromètre mensuel ARD-Deutschlandtrend, soit 21 points de plus qu’au début de l’épidémie de Covid-19. Jamais elle n’avait atteint un tel taux de satisfaction depuis avril 2015, à la veille de la crise de réfugiés.
Côté français, le nouveau confinement n’a pas entamé la popularité du chef de l'Etat qui se situe en novembre dans un intervalle qui va de 35% à 49% de satisfaction, avec des écarts en fonction des instituts.
7 | Covid-19 : Campagne de vaccination, l’Allemagne déjà sur le pied-de-guerre |
Angela Merkel a dévoilé jeudi 19 novembre 2020 son plan de vaccination contre le Covid-19. Plus d’une centaine de centres seront bientôt opérationnels dans tout le pays. A Berlin, six lieux stratégiques ont été choisis pour les futures vaccinations, dont une patinoire et les anciens aéroports de Tegel et Tempelhof. La chancelière table sur un début des opérations dès le mois de décembre, au plus tard début 2021. Le plan de vaccination ciblera jusqu’au printemps 2021 prioritairement les personnes à risque, les soignants, les forces de l’ordre et les enseignants. Selon un sondage, plus de 70% des Allemands ont l’intention de se faire vacciner contre le Covid-19.
En France, le gouvernement se prépare aussi avec l’intention de vacciner dès le début de l’année 2021. La Haute Autorité de Santé a déterminé un public prioritaire parce qu’il y aura un nombre limité de doses disponibles au démarrage de la campagne. Il n’y aura pas de grands centres de vaccination comme en Allemagne, il est prévu une plateforme hospitalière par département et des vaccinations en Ehpad. Il ne devrait pas y avoir de grands barnums avant le printemps. Selon un sondage réalisé par l’IFOP et publié dans le Journal du Dimanche, seulement 41% des Français interrogés comptent se faire vacciner.
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