7 dangers de fractures pour la société française en 2022
Sans doute étions-nous lassés des vieux clivages « gauche-droite » de la fin de siècle dernier. Aujourd’hui, la scène politique nationale, par quelque bout qu’on l’observe, ne propose plus que polémiques et confusions. On tente de s’y retrouver ?
On l’a déjà tous en tête, 2022 devrait si tout va bien nous valoir une élection présidentielle pour cinq ans, et au suffrage universel.
Je dis « si tout va bien », car à la lumière de ces derniers temps, on ne saurait jurer de rien. Élection d’un homme dont nul n’aurait deux ans plus tôt su mettre un nom sur la photo… Irruption entêtée de jacqueries post-modernes, avec ce mouvement en gilets jaunes où les revendications passaient d’émouvants cris de détresse sociale à des vociférations haineuses sur fonds de violences décomplexées...
Ajoutons certaines tentations de certains militaires à exprimer certaines exaspérations suggérant des reprises en mains « musclées », notamment en réponses à des faits d’ultra violences quasi quotidiens. Ados qui se poignardent en pleine rue, fonctionnaires qu’on assassine dans l’exercice de leurs fonctions, femmes subissant les violences criminelles de conjoints en pleine décompensation. Sans parler même d’un soufflet asséné au premier personnage de l’État.
En guise de pompon sur le béret, cette pandémie qui n’a peut-être
pas dit son dernier mot.
Épargnons-nous des perspectives apocalyptiques ; mais notons que sur ces terreaux délétères fleurissent toutes sortes de désaccords profonds, de divorces idéologiques. Tout cela rend ardu l’exercice d’un regard un peu dépassionné, ou prenant un peu de hauteur.
En voici 7 exemples assez manifestes.
Disclaimer, Avertissement : Nous ne souhaitons pas, autant qu’il est possible, donner ici « notre » avis, distinguer « les bons » et « les méchants ». Encore que ce soit difficile. Et pour nous éviter toute polémique (on n’en manque pas par ailleurs) nous ne citons ici personne nommément, qu’elle défende un point de vue qui (au fond) nous semble pertinent ou au contraire, aberrant. Car il y en a. À vous de juger…
1 | Fractures 2022 : Des Droites éparpillées |
On voudrait s’épargner d’ajouter « façon puzzle » ... Facile. Mais ça parait tout de même bien parti. Commençons de ce côté puisqu’il s’entend partout que, rarement, la France n’a penché à ce point côté droite. Reste à savoir laquelle.
Longtemps, un homme fit référence. L’historien René Rémond distinguait depuis la révolution française, trois grands courants structurant la pensée et l’action des Droites. Il y avait les Légitimistes, conservateurs voire réactionnaires, souvent héritiers des royalistes ; les Orléanistes, avant tout libéraux au plan économique ; et les Bonapartistes, plutôt autoritaires et partisans d’un État fort, plus ou moins social, selon les périodes. Sans remonter à la Convention, on citerait Pétain et ses épigones pour la première, Giscard d’Estaing pour la deuxième, De Gaulle pour la troisième.
Dans un passé récent, la volonté d’unir deux de ces trois courants (RPR et UDF), en prenant grand soin d’en tenir éloignée la frange extrême (FN) aboutit à la création de l’UMP, rebaptisée ensuite Les Républicains. Mais depuis 2017, et la crise incarnée par Fillon que tout le monde supposait gagnant à 2 contre 1, l’unité a volé en éclat. Des caciques ont quitté le parti. Le nouveau Président qui s’affichait « ni de gauche ni de droite », ou les deux « en même temps », aura réussi une première OPA en conquérant le pouvoir : de droite au plan économique, « progressiste » côté sociétal.
Sa faiblesse ? S’appuyer sur des troupes souvent issues de la société civile, donc peu implantées dans les territoires, si l’on excepte quelques transfuges des « Partis d’Avant ».
Aujourd’hui, on voit qu’au sud (PACA), les lignes bougent. Les anciennes alliances sont mises à mal. Certains Républicains s’allient aux Macronistes, d’autres se rallient au RN, d’autres encore tentent de maintenir le cap ancien. Au Nord (Hauts de France), on envoie des têtes de gondole gouvernementales tenter de freiner l’ascension de l’ex-Républicain Bertrand, déjà déclaré comme candidat pour 2022. En Ile-de-France, pas d’union entre la présidente de région et les pros-gouvernement.
Les trois anciennes « familles » en somme se reconstituent, mais sur des lignes de partages moins tranchées qu’autrefois. Notamment parce qu’en dehors d’enjeux sociétaux présentés comme cruciaux, le plus souvent identitaires ou régaliens : (laïcité, immigration, sécurité), on peine à distinguer en quoi les leaders de ces familles se différencient sur les sujets économiques ou internationaux.
2 | Fractures 2022 : Le poids des questions identitaires |
Elles sont posées depuis plusieurs décennies, mais sont désormais centrales et omniprésentes. Ce sont elles qui pour l’essentiel cristallisent dissensions, désaccords, discordes.
La France a longtemps été le creuset d’immigrations successives reposant sur un modèle d’intégration et d’assimilation. Cette diversité s’est également nourrie du passé colonial et de la présence des DOM & TOM dans la nation française. Ce modèle diffère, on y reviendra, du modèle anglo-saxon où les « communautés » coexistent bien plus qu’elles se mélangent.
Jadis une famille espagnole, portugaise ou polonaise, en France devenait française. Les intégrations se faisaient parfois laborieusement, mais se réalisaient généralement à la deuxième génération. On se rappellerait que dans la France du foot des années 1982-84, le fils d’Italien Platini s’appuyait sur les fils d’Espagnols Lopez, Fernandez et Amoros, relayés par l’enfant du Mali Jean Tigana, et où brillait aussi l’Antillais Trésor. Avant ceux-là nombre de fils de Polonais avaient défendu le maillot bleu, que symbolise à lui seul le nom de Raymond Kopa (né Kopaszewski).
On constate aisément que depuis quarante-cinq années, et la loi dite du regroupement familial, (1976) les immigrations de travail ont souvent laissé place à des immigrations de peuplement. D’où cette réalité, l’Équipe de France d’aujourd’hui accueille bien plus d’enfants d’Africains qu’il y a quarante ans.
Ces mouvements sont aussi la conséquence de réalités démographiques, climatiques, des répartitions inégalitaires des richesses, des guerres. Entre autres raisons. Ces réalités concernent le monde entier. Le sujet n’est pas ici de décider si ces migrations sont des « chances » ou des « malchances » pour les pays d’accueil. Il est de constater qu’elles rendent plus complexes, voire caduques, notre ancien modèle d’intégration/assimilation, du fait des différences culturelles bien plus marquées auparavant (religions, langue, us et coutumes). D’où le poids pris depuis ces dernières décennies par cette thématique identitaire : laïcité, développement de « communautés » fermées devenant parfois (ou souvent, comme on voudra) « communautarismes » ; voire de « séparatismes ».
Ces problématiques sont évidemment centrales à droite, puisqu’elles sont une des raisons majeures d’exister dans le débat pour les Légitimistes. Et obligeant les autres familles à s’en démarquer, elles les impliquent également. Comme elles s’imposent également à gauche, aux plans politique, culturel, sociologique, philosophique même.
Cette omniprésence de la thématique est sans doute le seul point sur lequel les partisans de camps opposés tomberaient d’accord. Au vieux référent qu’était « la lutte des classes », se substituerait à présent « des luttes de races » … Quand bien même nous affirmons qu’elles n’existent pas ! Il faut s’attarder sur ce paradoxe qui ne l’est qu’en apparence.
3 | Fractures 2022 : Les influences du modèle nord-américain. |
Ces questions identitaires sont posées différemment dans les pays anglo-saxons. Le concept de laïcité n’y existe pas sous la forme que nous affirmons depuis plus d’un siècle comme un de nos socles. Reste que dans notre monde hyper médiatisé par l’ultra-communication, ce modèle nord-américain s’inscrit dans bien des esprits comme « un universel », pour le meilleur comme pour le pire. Il nourrit nos imaginaires collectifs quotidiens, par le spectacle des arts et de la politique, par nos modes dominants de consommation, par nos tendances à faire nôtres ses usages. L’exemple du jeune appelant chez nous le Juge « votre Honneur » parce qu’il l’a entendu dans une série, est connu.
Les questions raciales sont abordées aux USA de façons très spécifiques. On peut ici se référer à une explication très précise et argumentée de leurs fondements historiques et de leurs conséquences actuelles. Aujourd'hui, cinq catégories raciales sont là-bas légalement définies :
- Amérindien, ou « American Indian ou Alaska Native.
- Asiatique (Asian)
- Noir ou Afro-Américain (Black or African American)
- Hawaïen ou autre Océanien
- Blanc (White), aussi appelé Caucasien.Auxquelles s’ajoute une sixième catégorie, décrite comme « ethnicité » plutôt que « race » : les Hispaniques ou « latinos ».
L’approche est totalement contraire à la nôtre: nous ne recourons jamais aux statistiques ethniques ou raciales, le mot « race » a même été supprimé de notre Constitution.
Aux Etats-Unis, des courants universitaires dominants ou visant à s’imposer développent une vision de leur société fondée sur les oppositions marquées des personnes selon les genres et la couleur de peau, supposée définir leur « statut », de façon éventuellement sommaire. Ces courants trouvent de nombreux échos dans l’actualité et dans les luttes. Le mouvement « Black Lives Matter » y fait figure de climax. Or on voit qu’il a été repris partout dans le monde, au plan symbolique (sportifs du monde entier mettant un genou en terre en signe de solidarité) comme au plan du discours, qui trouve un écho très favorable ici dans les générations montantes. Pas seulement par effet de mode, mais aussi parce qu’elles sont plus hétérogènes qu’il y a cinquante ans.
Conséquence, chez nous de nombreux sociologues (ou « chercheurs en sciences sociales ») reproduisent presque stricto sensu les principes mis en exergue outre-Atlantique, et singulièrement au plan des revendications, et prétendent les plaquer comme grilles de lecture de notre sociologie.
Sauf que les Histoires et les multi-culturalismes sont différents.
Reste ce constat. Dans les années 60-70 les mouvements contestataires (qu’on résumerait sous le mot de « gauchisme ») se nourrissaient d’idéologies venues de l’Est (communisme russe ou chinois) et passant parfois par l’Amérique Hispanique (Cuba et ses amis). Ceux d’aujourd’hui se nourrissent pour l’essentiel de ce « gauchisme états-unien », « radical ». Ou pour le résumer d’un mot désormais répandu : « woke ». Auxquels vient s’agréger le soutien marqué aux populations musulmanes, qui dans cette grille de lecture sont volontiers présentées comme victimes privilégiées de racisme « systémique » et « d’islamophobie ».
4 | Fractures 2022 : L’affirmation d’une culture WOKE |
Que faut-il comprendre par ce terme de « woke » ? Pour éviter toute suspicion de parti pris, prenons une définition issue du site Belge de la Rtbf : « la culture woke (éveillé) provient des campus américains et reflète un état d’esprit militant pour la protection des minorités. Cet état d’esprit s’est répandu en Europe et a pour but de lutter contre les injustices et les inégalités ».
S’y greffe le parti pris « intersectionnalité » : les injustices liées au genre, à l’origine, à l’orientation sexuelle, ainsi qu’à d’autres critères différenciants, tels l’âge, le(s) handicap(s), interagissent et pour ses militants contribuent de façon congruente à renforcer discriminations et oppression. En réaction se développe la désormais fameuse « cancel culture », qui vise à désigner clairement les symboles, personnes, faits associés aux dégâts du monde ancien, pour les annuler, les supprimer (cancel) du paysage sociétal. Les déboulonnages de statues ont par exemple frappé bien des esprits.
La culture woke devenant très influente dans les générations montantes, réactive sur un mode nouveau les anciens « conflits de génération » : jadis les « jeunes » se moquaient des « croulants ». Aujourd’hui ils désignent les « boomers » (nés durant le Baby-boom) comme responsables de tous les maux du temps : écologiques, environnementaux, sociétaux. S’ils sont blancs et hétérosexuels, on craint qu’ils aggravent leur cas.
Ce nouveau courant de pensée affirme notamment l’existence de racismes systémiques, encouragés par l’État et ses services (au premier rang desquels la police). Il veut affirmer de nouveaux termes dans le vocabulaire quotidien, et y parvient : le mot « racisé », si contesté qu’il soit par ailleurs, est entré dans le Larousse 2022. On parle de « blanchité », de « white privilege ». On remarque que des discours activistes et militants s’abritent souvent derrière de prétendues vérités « scientifiquement prouvées » qui ne relèvent que d’études sociologiques, dont on sait que les résultats en sont souvent définis avant même d’avoir été conduites.
La question n’est pas de nier l’existence des inégalités dans la société. Mais de savoir s’il est partout pertinent et prégnant de ne les aborder qu’au travers du prisme des « races ». L’enfant d’un notable venu d’Afrique est-il moins armé qu’un enfant d’ouvrier blanc, « gaulois » ?
La confusion se renforce quand de violents débats s’installent entre personnes issues d’origines semblables, mais ne partageant pas sur ces sujets les mêmes analyses : on voit des noirs en traiter d’autres de « nègres de maison » ; des maghrébins désigner ceux qui ne pensent pas comme eux du terme « d’arabes de service », c’est-à-dire soumis au pouvoir des blancs comme jadis leurs aïeux l’étaient vis-à-vis des « colons » et des « esclavagistes ».
Car demeurent les innombrables développements d’arguments autour des passés coloniaux et de l’esclavage. Certains radicaux se définissent aujourd’hui comme « indigènes » et rejettent toute idée « d’assimilation » ou d’intégration. Mais d’autres s’affirment et se revendiquent avant tout Français, le plus souvent sans renier pour autant « leurs origines ». Est-on obligé de penser à sens unique parce qu’on a telle ou telle couleur de peau ? Et comment devraient alors penser les métis ? les quarterons ?
5 | Fractures 2002 : Surenchères des radicalités sur les réseaux |
Ces débats sans fin trouvent sur les réseaux (notamment sur Twitter) des développements inépuisables.
Plus largement, il semble que l’époque multiplie les oppositions virulentes et violentes au sein même de tous les mouvements de pensées.
Naguère encore, existaient des féministes ; avec des approches parfois différentes. Elles débouchent aujourd’hui sur des oppositions frontales et souvent virulentes. Il y a les féministes universalistes, estimant que leur combat s’inscrit dans un mouvement plus large de libération des individus hérité tout droit des Lumières. S’opposent à elles d’autres féministes affirmant d’abord une vision essentialiste. Des questions symboliques et hautement passionnelles ouvrent alors à des diatribes sans fin. Ainsi, du voile islamique : faut-il le dénoncer comme marque d’une soumission au « patriarcat » ? Ou le défendre puisqu’il relève « du seul choix individuel de la personne » qui le porte ? Faut-il dans la foulée fustiger « le féminisme blanc » présenté comme « raciste » ?
On retrouve de semblables querelles et polémiques dans le mouvement LGBT (Lesbien, Gay, Bi, Transsexuel) : rebaptisé LGBTQQIAAP+ pour ne pas oublier dans l’inclusion toute catégorie de minorité sexuelle, Queer, Asexuelle ou autre. Voilà ce mouvement traversé de l’intérieur par des débats très centraux : est-ce qu’avoir des règles suffit ou non à définir quelqu’un comme femme ? Le prétendre, est-ce de la transphobie (haine des transsexuels), comme le pensent ceux qui doctement parlent de féminisme « TERF » ?
Et puis, les transsexuels opérés sont-ils les seuls à pouvoir se déclarer comme tels ou telles ? En décider, d’une façon ou d’une autre, est-ce déjà de la stigmatisation ? A ce mot de « transsexuel » faut-il préférer celui de « transgenre » ?
On le voit, et sans ironie aucune (quoi que…) il y a là mille et un débats picrocholins qui singulièrement rappellent ceux des anciennes familles d’extrême-gauche, qui préféraient largement s’étriper sur les cinq pour cent de désaccords qui les différenciaient, plutôt que de s’entendre ce qui pouvait les réunir. D’où la plaisanterie connue de tout observateur du trotskisme de jadis face aux différentes « chapelles » (lambertiste, franckiste, pabliste, posadiste, etc.) : « un trotskiste un parti, deux trotskistes une tendance, trois trotskistes une fraction, quatre trotskistes une scission ». Le point commun, c’est aussi la capacité de certains de ces acteurs à se passionner, s’invectiver, s’insulter, plutôt que s’entendre à défendre ce qui les rassemblerait.
6 | Fractures 2022 : Le social délaissé à gauche |
Nous avons parlé de la droite, mais qu’en est-il donc à gauche ? Elle est bien loin, l’Union de « La » gauche patiemment tricotée par le trio Mitterrand Marchais Fabre. Le trousseau n’avait certes pas grand-chose d’un mariage d’amour, mais il ouvrit les portes élyséennes en 1981. Plus récemment, le concept de « Gauche plurielle » mené de main de maître par Lionel Jospin jusqu’au séisme de 2002, en dépit de son « bon bilan », ne semble pas vraiment convaincre ses héritiers d’y recourir de nouveau. On ne dira rien des récentes années Hollande, et de l’état présent de son Parti naguère encore dominant, appelé « Socialiste ».
Jusqu’à la chute du Mur de Berlin, la gauche sociale-démocrate se référait encore à l’existence de « classes sociales » dont les intérêts se traduisaient dans des rapports de forces, de luttes, de négociations. Mais peu à peu s’est effiloché puis relâché pour ensuite disparaitre, « un mythe fondateur de la gauche française » : ce lien entre le Parti socialiste et la « classe ouvrière ».
Dans un rapport souvent cité et critiqué depuis, les acteurs du think tank Terra Nova recommandèrent de se tourner vers de nouveaux électorats, urbains, «diplômés », «jeunes », « minorités des quartiers populaires » et « femmes » : tous unifiés autour « des valeurs culturelles, progressistes ». En gros, il s’agissait d’abandonner le social (désormais peu porteur) aux populistes, pour miser d’abord sur le sociétal et la quête de droits nouveaux : écologie, féminisme, questions de genre, défense des minorités présentées comme discriminées par nature, nourrissaient avec le crédo maastrichtien la nouvelle doxa progressiste.
On comprend sans mal comme ce changement de paradigme s’est nourri et toujours plus des nouvelles façons de voir et penser « le progrès », dont nous venons de parler. On devine aussi comme l’abandon des classes populaires (ou prolétaires, le mot n’étant pas en soi un « gros mot ») a précipité nombre de leurs électeurs vers l’extrême droite et le populisme, lesquels ont trouvé là de nouveaux argumentaires à peaufiner, immigration et insécurité ne pouvant suffire à convaincre au-delà des premiers cercles de supporters. On peut aussi penser qu’entre les différentes familles de gauche, les permanentes surenchères sur les terrains de la vertu et de la morale, largement nourries par la culture anglo-saxonne dominante du « politically correct », ont pour longtemps rendu toute discussion délicate, sinon intenable. Cette influence « confusante » de la culture nord-américaine est souvent déniée par ceux qui en réalité la propagent. Ils l’estiment réactionnaire et caricaturale. Ils rappellent que cette école universitaire américaine est en réalité inspirée de ce qu’on a appelé « french theory », celle des philosophes de la génération soixante-huit, les Derrida, Deleuze, Foucault. Mais nombreux sont aussi ceux qui estiment que leur pensée à en réalité été détournée, déformée de ses fondements.
N’importe. On peut à gauche en venir à la conclusion exprimée par un ancien premier ministre, qu’il y aurait désormais deux gauches « irréconciliables », l'une « Républicaine », l’autre « Communautariste ». D’autres contestent fermement ce raccourci… sans parvenir pour autant à réunir les uns et les autres autour d’une table commune pour en discuter.
Quelques-uns à gauche, ne peuvent pour autant s’y résoudre. Mais nous avons promis de ne citer aucun nom. Cherchez, et peut-être trouverez-vous.
Reste enfin une dernière question, « dans tout ce bordel », pour le dire avec les mots triviaux de Clint Eastwood dans un film fameux…
7 | Fractures 2022 : À qui profite ou profitera le crime ? |
Le célèbre Lucius Cassius, que le peuple romain a l'habitude de considérer comme un juge très honnête et sage, avait l'habitude de demander, encore et encore : à qui cela profite ? (« Cui bono » ?).
Qui donc aurait grand intérêt à voir se déliter davantage notre socle commun de repères, au sein d’une démocratie déjà mise à l’épreuve par des taux d'abstention records, des détestations ou méfiances volontiers complotistes, vis-à-vis « des élites » ?
Peut-il s’agir de pays, de mouvements de pensées, religieux ou philosophiques, y voyant le moyen de faire progresser leurs propres intérêts, puisqu’il est toujours pertinent de « diviser pour mieux régner » ?
Se le demander, est-ce déjà se plonger dans la tentation d’imaginer des groupes ou institutions, capables d’en tirer grand profit, en termes de pouvoir et d’influence ?
De façon moins machiavélique, comment ne pas constater que toute pensée divergente de la sienne est quasi systématiquement déformée comme « extrême » par bien des acteurs du monde politique, oublieux de toute nuance ? Comment ne pas entendre que toute référence à la laïcité soit présentée comme raciste, fasciste, et toute critique de l’islam politique taxée d’islamophobie ? Qu’à l’inverse, chaque proposition d’avancer sur le terrain des transitions écologiques, ou toute nouvelle piste cyclable installée en ville, soient perçues et présentées comme émanant de « tyrannies bobos » ?
En 2022, le gagnant (ou la gagnante, bien entendu), peut sur un malentendu être, ma foi… qui vous voulez : le pouvoir en place ; un inattendu sorti d’on ne sait où, le cas s’est déjà produit ; n’importe quel candidat soudain porté par un vent favorable, quitte à ce qu’on se demande dès le lendemain « comment nous en sommes arrivés là ».
A chacun, il reste un an pour se forger sinon une certitude, du moins un début de conviction.
A chacun, on souhaite bon courage… De bonnes lunettes, et beaucoup d’application pour comprendre.
Commentaires